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Des Auteurs et de leurs Œuvres
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
- 4 commentaires
En préfaçant l’ouvrage de Laurent Gagnebin* relatif à la critique de l’ensemble de son œuvre, Simone de Beauvoir devait conclure par : « On me lira mieux, vous ayant lu. C’est de grand cœur que je vous dis : merci ! »
L’ouvrage en question s’intitulant « Simone de Beauvoir ou le refus de l’indifférence » ouvre sur un chapitre introducteur titré au travers « Une vocation » avec en prime, comme cerise sur le gâteau, cette question pertinente : pourquoi Simone de Beauvoir et non Sartre ?
Comme conclusion à cette très courte préface, on ne peut trouver mieux au plan de la réflexion, de la concision et de la précision. L’auteur, objet de la critique littéraire, se donne donc la pleine mesure de profiter de la critique qui lui est réservée et annonce déjà cet effet de synergie entre son œuvre et le titre qui en fait la critique.
Du coup, préfacer sa propre critique relève de ce grand fair-play littéraire dont Simone de Beauvoir s’est drapée pour démontrer le sens de cette capacité à d’abord assumer les observations, remarques, comparaisons et conclusions de son critique littéraire.
L’approche étant remarquablement bien menée. La finalité de ce travail ne pouvait inexorablement que vraiment plaire aux deux auteurs, celui dont les ouvrages auront été passés au crible en premier.
D’où d’ailleurs, cette petite conclusion en guise de remerciements. De compliments !
Entre ces deux auteurs, l’œuvre de l’un est l’objet d’un diagnostic que contient l’ouvrage de l’autre : son critique littéraire. Quant à lier l’incidence de la critique littéraire sur la lecture de l’œuvre complète de l’auteur objet de cette « rétrospective », il y a incontestablement de la sagesse dans les propos de cette grande Dame de Lettres.
On ne pouvait donc trouver meilleur moyen d’aborder pareil sujet, trop compliqué et assez difficile à cerner dans son ensemble. Surtout que leur avenir littéraire est du coup bien lié.
Cependant cette même question pose problème entre auteurs algériens et se trouve être très différente de l’exemple suscité dans sa configuration comme dans le fond.
La polémique opposant Rachid Boudjedra à Yasmina Khadra, deux auteurs assez prolifiques, du reste, lors de la tenue du Salon du livre (17ème SILA), en donne, en effet, cette preuve irréfutable que la donne littéraire algérienne est vraiment bien différente.
À l’inverse de l’exemple donné en introduction, le climat régnant entre auteurs algériens, à un haut niveau surtout, demeure assez violent, suspicieux, très complexe et bien dangereux pour la littérature algérienne.
Chacun d’eux fait de son livre son propre territoire, sa seule médaille, son unique logis, son exclusif Paradis, son grand fusil, ses propres galons, ses seuls mérites et tout un univers bien gardé.
On aura à distance taquiné l’autre, peut-être sans le vouloir discuté avec lui, indirectement, à distance et à couteaux tirés, provoqué son semblable, chambré cet autre auteur et bien indisposé tout son monde.
Le tout était de paraitre comme le plus fort, le meilleur de tous, le plus lu et plus considéré dans le monde, trônant son charme et étrennant son grand palmarès alentour et plus loin à l’horizon ou du manoir.
Ils nous auront fait oublier, l’espace d’une querelle byzantine, tant de belles plumes nominées et très distinguées, nobélisées et très bien valorisées.
La raison ? Ce sont eux qui se considéraient être les meilleurs –ou tout comme- en Algérie, nous brouillant la vue au loin et nous prenant en otage dans leurs abyssales analyses stériles, de leadership inconséquent et inconvenant.
Celui-ci traite celui-là de tous les noms d’oiseaux, alors que ce dernier répond au premier d’une manière moins élégante, plutôt malveillante. Et les deux versent intempestivement dans ces diatribes violentes et à peine injurieuses, indignes de ce haut rang qui est le leur.
Et dire que le premier avait honorablement fait le maquis et que le second venait depuis quelques années seulement de prendre sa quille, en leurs qualités respectives d’ancien maquisard et de haut gradé militaire.
Etait-ce cet uniforme qui leur donne toutes ces formes et trajectoires bien difformes pour aussi dangereusement ternir cette image de marque de la littérature algérienne qui peine déjà à trouver ses bonnes marques à l’étranger comme à l’intérieur du pays?
Aller jusqu’à se traiter mutuellement de tous ces noms et mauvaises expressions ; en fait : d’être ‘’tout sauf un écrivain’’ pour l’un, et de taxer celui-là ‘’d’être dans la contrainte’’ ne relève-t-il pas de cette insulte à la littérature ?!
Et pourquoi donc en arriver là ? Pourquoi pour l’un se mouvoir en censeur de toute une collective histoire bien glorieuse et très civilisatrice, et pour l’autre se cacher derrière cette fonction officielle et aura propre à cette « ouverture occidentale »?
Le peuple algérien n’a que foutre de ce que peut bien penser Gabriel Garcia Marquez des auteurs algériens et de la littérature algérienne. Il veut juger lui-même, par ses propres moyens, de leurs œuvres complètes sur pièce et sur place, et surtout de leur intérêt à porter très haut l’étendard algérien dans ce ciel de belles lettres et de grandes merveilles scripturales.
Un salon du livre à hauteur de celui qui se tient chaque année à Alger n’a que faire de ces « tirs à boulets rouges » dont participent à longueur de temps des plumes trempées dans la haine de l’autre, sans jamais élever le niveau de notre littérature.
Le « fauteuil » de littérature est très mouvant et bien chavirant, nous n’en voudrons pour preuve que ce prix Nobel qui change chaque année de titulaire.
Et s’il reste cet objectif que convoite toute plume confirmée et bien affirmée, seule la sagesse des propos et des acteurs intéressés à côté de leurs œuvres de mérite peut bien y mener un jour.
Ici, nous sommes bien loin de cette conclusion relative à cette très subtile et honnête préface de Simone de Beauvoir.
On dirait qu’on aborde un autre sujet, qu’on dérape sur un autre terrain, qu’on s’installe dans un autre univers !
Revenons donc vite à notre belle littérature … ! On était sur un terrain miné !
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Kateb Yacine / Déjà auteur à 17 ans !
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
- 3 commentaires
Oh oui, à juste 17 ans ! Et encore adolescent ! Il aurait pu rejoindre sur ce glorieux registre Honoré de Balzac et autres lumineuses plumes ! Mais, c’était sans compter avec la révolution et ses nombreuses contraintes. Les quelques mois qui séparent les deux auteurs de renom démontrent, à l’évidence, à quel point « aux âmes bien nées, la valeur n’attendra point le nombre des années ».
En effet, c’est en 1948, aux Editions ‘’En Nahdha**’’ que Kateb Yacine publia son premier titre, intitulé ‘’ Abdelkader et l’indépendance algérienne’’, juste après avoir tenté un premier essai avec son recueil de poèmes ‘’Soliloques’’ chez Thomas – Bône (1946). Ce fut donc tout juste une année après les sanglants massacres du 08 Mai 1945.
Kateb Yacine habitait alors Sétif. Chez ses parents, bien sûr. Il y avait comme tous les algériens défilé dans ses rues bondées de monde, crié son malheur et misérable condition d’indigène spolié de son territoire, richesse, liberté, langue et dignité.
La deuxième guerre mondiale livrait l’Alsace et la Lorraine de nouveau à la France. Dans le même sillage, l’Algérie réclamait à la France l’intégralité de son territoire et identité. Au niet catégorique français répondront intempestivement ces manifestations sporadiques algériennes.
Et ce fut donc ces mouvements de foule continus, entre autres, à Sétif. Kateb Yacine y était, drapeau main. Comme tous ses concitoyens qui auront échappé à la mort plus que certaine, il sera incarcéré.
Sa détention aura duré cinq longs mois. Il ne dut sa libération que sous caution d’une intervention parentale affiliée au secteur considéré, dont il usera d’ailleurs à bon escient.
Sitôt libéré en léger différé et en l’absence du moindre délibéré, le rebelle restera toujours fidèle à ses idéaux et aux grands héros de la révolution algérienne.
Afin de l’aborder par le bon bout, il remontra jusqu’aux sources et origines du mouvement national algérien, consacrant tout un livre à celui qui fut le véritable fondateur de l’état algérien moderne.
Bien qu’encore tout jeune adolescent, il écrira ce somptueux ouvrage complètement consacré à l’Emir Abdelkader, contenant en tout et pour tout moins de cinquante pages.
Et dès l’incipit, il met son monde au contact de ce véritable monstre, à la fois, combattant, cavalier, auteur, poète, exégète, penseur, guerrier, stratège et homme de loi et de foi…
Pour aller droit au but, il paraphrase son héros grâce à cette citation de grande qualité littéraire et utilité civique publique considérable: « C’est par la vérité qu’on apprend à connaitre les hommes, et non par les hommes qu’on connait la vérité… ».
Ainsi, le commentaire qui suit résume à lui seul tout le contenu de l’ouvrage. Il y est écrit, je cite : ‘’Cette parole suffit à éclairer le fond même de la vie et de l’action d’Abdelkader’’.
C’était une façon bien singulière de présenter son grand héros, cet ‘’homme de piété, de goût et de bon conseil’’. Le reste de l’ouvrage portera sur son combat, sa résistance, sa bravoure, ses séjours (en France et en Syrie), son traité, son œuvre de grand intérêt pour de nombreuses communautés…
En 1883, peu avant sa mort, à Damas, l’Emir Abdelkader faisait ce souhait : « Je ne doute pas que l’Algérie accomplira son destin ».
Depuis, le destin de l’auteur est resté toujours lié à celui de son héros, accroché aux basques de l’œuvre de grande importance et qualité extraordinaire qu’il aura réalisée pour l’histoire et pour le pays. Seulement, dans l’intervalle, une belle et très érudite plume venait de naitre.
Il ne lui faudra pas plus qu’une petite brochette d’années afin de mieux s’affirmer, d’éclore convenablement et complètement, peaufinant et confirmant à mesure que les jours passent sa véritable ascension et indéniable promotion.
Avec Nedjma, son étoile brillera sous d’autres cieux, bien plus loin que son pays, l’Algérie. Il était à la recherche de cette lumière afin de bien éclairer avec son chemin et celui qui mènera juste quelques années plus tard à l’indépendance de son pays.
Ensuite, ce fut des titres à la série, tous aussi remarquablement bien écrits les uns comme les autres ; chose qui lui valut d’être longtemps porté en véritable héros en dehors des murs algériens et surtout d’être cité parmi les cinquante et une personnalités –presque toutes de grandes plumes- ayant les plus compté dans la vie de Jean Daniel***.
A l’indépendance de l’Algérie, Kateb Yacine dont Nedjma sera considéré le texte fondamental de la littérature algérienne d’expression française, n’ouvrira paradoxalement droit ni au ‘’Panthéon littéraire algérien’’ grâce à ses magnifiques œuvres ni même à la juste récompense du tribut payé à la révolution.
Lui-même, d’ailleurs, n’en voulait pas. Juste quelques pièces de théâtre meubleront son temps pour tenir enfin le coup, avant de tirer sa révérence dans la plus totale indifférence, solitude et grande ignorance de la sphère politique et culturelle de son pays.
Cet état d’esprit n’était donc pas nouveau pour lui. Déjà, du temps de Boumediene, le natif de Guelma n’était d’ailleurs pas en odeur de sainteté avec ce fils du pays qui muselait toute idée contraire à la sienne.
Et de nouveau, ce fut l’impasse pour lui. Elle durera d’ailleurs de bien longues décennies. Nedjma brillait bien plus ailleurs qu’en Algérie. Elle illuminera d’ailleurs tout son monde. Son auteur était resté depuis bien muet ! Circonspect !
Même si en 1976 il aura droit à quelques discours de circonstance ou de convenance, le temps de pimenter la dernière mouture de la charte nationale, revue et corrigée en 1986 avant d’être complètement remise en cause avec l’avènement de la constitution de 1989.
Ce fut donc l’année du décès du maitre de Nedjma. Juste quelques mois seulement après son adoption. Mais, notre auteur, gravement malade, ne survivra pas longtemps à cette parenthèse de l’ouverture politique et médiatique, aussitôt refermée comme ce fut de coutume, hier et jadis.
(*) Corneille – Le Cid.
(**) Kateb Yacine – Abdelkader et l’indépendance algérienne, Editions En Nahdha (1948) ; réédité en 1983 par le SNED (Algérie).
(***) Jean Daniel – les Miens folio- Gallimard – 2010. -
Giono, cette plume paysanne !
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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Jean Giono est l’un de ces rares auteurs à vous emporter en pleine nature, dès l’entame de la lecture de ses ouvrages. Dans Colline, il vous kidnappe à l’abordage de la première phrase de son titre. L’un des meilleurs que j’ai pu lire à présent, bien qu’il soit assez bref. Un peu bien concis.
Dans colline, vous êtes déjà en pleine campagne dès que vous ouvrez le livre. A peine entré dans son incipit.
Viennent ensuite défiler sous vos yeux ou dans votre esprit, folio après folio, des collines, des prairies, des cours d’eau, des arbres, le territoire de son fief en haut relief, des troupeaux enserrés dans une bergerie, de la terre aride qui a soif de travail et d’eau, des terrains trop mouillés en dehors de la saison des pluies, et tout un monde paysan qui sait donner vie à sa campagne.
L’auteur aime beaucoup la nature au point où il devint cette plume bien paysanne, laquelle décrit à merveille son berceau et reproduit à souhait cette vie dure et très difficile du monde rural, l’été venu, saison de l’effort et des grandes moissons.
Lourdement vêtu de ses idées géniales et phrases volées à l’idylle de la belle nature, tel un bon paysan vautré et calfeutré dans ses vieux guêtres, il vous étalera tous ses habits un instant plutôt portés à la moindre sollicitation, vous donnant au passage un net aperçu de cette hospitalité débordante de générosité propre au monde rural.
Giono est du genre à vous faire de nouveau découvrir ces lieux que vous avez déjà visités sans que vous ayez cette présence d’esprit à y bien voir ce dont il vous en parlera bien longtemps, s’attardant sur leurs menus détails qui forcent pourtant l’admiration.
Pareil à un roi dans son royaume, c’est dans sa chaumière qu’il est fier, détendu et bien inspiré, contant et racontant ce monde qui le fascine et le consigne chez lui pour lui réserver en retour le meilleur de soi-même, ce plus qu’il est le seul à pouvoir donner et savoir si bien le décrire.
Giono cultive cet art de la facilité des mots, de la simplicité des phrases, de la limpidité de l’expression puisée dans ces clairs cours d’eau, de la forte émotion qui vous secoue la mémoire et ravive l’esprit.
Lorsqu’il vous parle de la nature, c’est à croire qu’il est déjà dans son champ, travaillant la terre de ses aïeux, suivant leurs conseils et exauçant leurs vœux les plus chers. De derrière chaque colline il vous bondira tel un vrai loup, assoiffé de vous montrer sa belle contrée.
De derrière chaque rivière ou sur l’une de ses deux rives, il vous montrera le chemin à suivre de ce cours d’eau, l’espace de sa naissance comme celui de sa connexion aux autres affluents.
Jean Giono est pour Manosque-Les-Plateaux ce que John Steinbeck est pour la Salinas, ce que Gabriel Garcia Marquez est pour Maconde, ce que Michel Ragon est pour La Vendée, ce que Félix Leclerc est pour La Tuque (Québec).
En bon ami de la nature, il ne put se séparer de Manosque-les-plateaux où il a tout le temps vécu, ne la quittant que très rarement afin de rencontrer ses éditeurs et ses nombreux lecteurs.
Il est resté très fidèle à sa terre natale comme on le demeure pour toujours envers notre mère-nourricière, vantant ses splendeurs et ses prestiges, et décrivant ses jours pluvieux et de plein soleil. Il y aura vécu toute sa vie, lui consacrant le plus précieux de son temps.
A Manosque-les-plateaux, comme un poisson dans l’eau, Jean Giono est bien chez lui ; là où il aimerait bien y être et longtemps y demeurer. En bon ami de la nature, il n’aura jamais quitté son village natal, lui réservant ses meilleurs écrits, rythmés comme le vent qui parcourt dans tous les sens la contrée.
Dans le Déserteur, ce fut la première fois que Jean Giono avait quitté Manosque-Les-Plateaux et la Provence, mais c’était juste dans des écrits ; voulant sans aucun doute diversifier leur nature, objet et cadre de vie en allant enquêter dans Le Valais afin de créer l’histoire du héros dont son titre portera le nom.
Il lui aura offert toute une poésie haut de gamme et des textes de très grande qualité littéraire, pleins de sens et de saveur du terroir. N’oubliant ni le chant de ses nombreuses fontaines ni le murmure continu des vents.
Dans ses écrits, ses nombreux lecteurs ont toujours rendez-vous avec un arbre qui fleurit, un champ qui verdit, un cours d’eau très limpide qui séduit, une belle nature qui vous sourit. Bref, un monde qui à travers ses multiples atouts et nombreux atours énormément éblouit !
Sans Colline, toutes les collines de la Provence seraient restées probablement toujours inconnues par les habitants de ces mêmes lieux. Bien avant les autres ou leurs semblables de par le monde, parce qu’il détient cette providence à les décrire dans leur état de folie, de paix et de plaisir d’y vivre, mais aussi de tristesse lors de leurs nuits hivernales où elles affrontent bien seules les rigueurs de la saison et les affres de la dure nature, faites de tempêtes, de vents violents, de pluie et de neige continus.
Jean Giono restera parmi ces rares auteurs dont le héros de leur roman n’est autre qu’un vieil arbre, un minable hameau, un chétif rameau, un tout petit ruisseau, une terre très aride ou zébrée de ses nombreux bourrelets, une colline en forme de sein de femme tourné vers un ciel très haut et très beau, une source d’eau menacée de disparition, un troupeau de
moutons hébétés et apeurés par un féroce loup ayant les deux pattes avant en l’air, un cheval qui danse dans son trot, des oiseaux pris de joie ou de panique, un soleil confondu dans l’euphorie de ses brillants rayons en flèches cuivrées ou dorées, une fontaine dont le surplus coule en deux sources, une masure qui émerge à peine de ses blés drus et hauts…
Il restera cette plume alerte et experte qui hume l’odeur du pays, répandant au loin son parfum et ses nombreux bienfaits.
Dans ses écrits c’est le monde rural qui est en fête, la contrée paysanne baignant dans l’allégresse, arborant ses plus beaux habits et belles couleurs qui séduisent le monde et donnent vie à la nature.
En 1957, lorsqu’il décida de publier, à travers toute la planète, cette nouvelle intitulée L’homme qui plantait des arbres, écrite déjà trois ans plus tôt, Jean Giono se donnait alors, sans vraiment le vouloir ou le savoir, la dimension d’un véritable ambassadeur de la nature.
Ainsi, la réputation d’Elzéard Bouffer, le héros de la nouvelle, allait dépasser ce seul territoire à reboiser dans le Vaucluse français. Et toutes les nations se sentaient concernées à telle enseigne qu’on cherchait par tous les moyens à connaitre ce planteur d’arbres bien imaginaire.
Par millions, ils prenaient conscience de la grande utilité de l’arbre dans leur vie quotidienne. Giono était déjà aux anges. Depuis, il n’est plus redescendu de son nuage. Il flotte toujours dans notre mémoire à mesure que le vent farfouille dans les feuilles de ces arbres plantés suite à cette amicale ‘’ injonction’’.
Une belle initiative qui donne encore vie à l’auteur de Colline.
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Vestiges d’hier, trésor de demain !
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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C’est, dit-on, de ses cendres que ressuscite le phoénix ! Egalement, de ses expériences et découvertes récentes que ressurgit inévitablement la science ! De ses échos favorables que continue encore à vivre la rumeur ! De ses vieilles archives et menus indices que renaît toujours la vérité !
De ses convulsions et soubresauts continus que se nourrit la propagande ! De ses anciennes pages expérimentales que se conçoit la vie, et est généralement perçue l’actualité ! C’est aussi dans ses guêtres que le misérable se retrouve enfin dans son bien-être !
De ses propres lettres que fleurit et embellit à jamais la littérature ! Autrefois, l’Algérien disposait de cette « providence » à avoir en tout lieu et tout espace « cette information à la source ».
Ainsi, le secteur de l’information disposait –si misérable soit-il !- de son support nommé El Moudjahid ; celui de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique avait également son Panorama ; celui de l’industrie métallurgique son Métallo et, entre autres, celui du sport (le MCA) disposait de son Doyen.
Et tout était donc codé et bien décodé, dans un sens comme dans l’autre. Etait-ce le fait même de cet Algérien qui lisait hier encore bien mieux qu’il ne puisse et veuille bien le faire à présent ?
Ou alors est-il devenu à ce point-là si fortement concurrencé par l’apport de cette image électronique et de son imposant impact –souvent instantanés-, très mouvants et bien convaincants, lesquels prennent-ils désormais plus de place et de considération dans le quotidien du citoyen ?
Le livre qui n’arrive plus à nourrir son maître n’est-il alors plus en mesure de rendre ivre de joie comme autrefois celui qui le consulte, à telle enseigne que le lecteur est poussé à donc irrémédiablement divorcer avec ces autres séances de lecture d’antan, bien utiles et très instructives à souhait ?
Pourtant, dans les années chères au « socialisme scientifique ou socialisant », les titres de revues et magazines sus-évoqués défiaient cette censure officielle qui les guettait en tout coin de rue ou du coin de l’œil, pour souvent les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes et à y découvrir la pleine mesure à ce talent prouvé de ceux qui les remarquablement rédigeaient et éditaient.
Fortes de leur potentiel culturel et animées de ce professionnalisme souvent osé, ces compétences établies et bien prouvées mettaient donc à portée de main cette nécessaire information au profit du citoyen algérien, malgré la bonne garde et totale surveillance, toujours aussi sévères et permanentes, de ces gardes-chiourmes de l’information nationale.
Et seul El Moudjahid, organe central du parti unique, faisait exception à cette règle. Puisque l’autocensure y était cette fonction régulatrice de l’information bien avant même qu’interviennent à leur tour ces autres barrages et différents filtres de tous les calibres scripturaux.
Ainsi, à l’heure où Promesse distillait ces textes succulents d’artistes de la plume en herbe, aujourd’hui, tous écrivains confirmés, sous l’œil correcteur et bienveillant du grand poète et érudit auteur Malek Haddad, faisant habillement ce lien nécessaire entre « l’élève et la leçon », « Sciences Sociales Panorama* » publiait déjà, sur un autre plan, ces autres études et réflexions de choix, portant sur des domaines très variés et bien complexes de la science, expérimentation des connaissances à l’appui !
Panorama fut donc cette revue trimestrielle, consacrée aux sciences sociales, éditée sous l’égide du ministère de l’Enseignement et de la Recherche scientifique.
Son premier numéro, datant de septembre 1979, présente à ses lecteurs une dizaine de réflexions et d’études scientifiques, dont deux mémorandums de colloques, une note de lecture et une contribution dont le texte est transcrit dans la langue arabe, portant sur le thème :
« Poésie ancienne et philosophie ».
Ont donc contribué à l’écriture des dossiers de ce numéro inaugural, d’éminentes matières grises et d’érudits hommes de science, de pensée et de réflexion, aux côtés de certaines plumes affirmées et bien confirmées, ainsi qu’un théologien de grand talent et envergure, traitant, lui, d’un texte d’Histoire parmi celles des plus anciennes de l’Algérie de l’époque berbère.
Tour à tour, ce sont donc des noms imposants comme cheikh Bouamrane, feu Abdelmalek Sayed, Benattia Farouk, Boutefnouchet Mostéfa, Ould Henia Baghdad, Kouribaa Nabhani, Dhina Attalah, Nacib Youcef et Rachid Mostefai, qui intervenaient, chacun dans son domaine, expliquant et explorant ces chantiers et champs d’intervention assez complexes et par trop compliqués.
Invités dès l’entame de ce premier numéro de la revue, des professeurs de renom dans des spécialités aussi pointues que sont la sociologie, l’urbanisme, la démographie, l’aménagement de l’espace, l’ethnologie, la prospective, la structure familiale ou la poésie ancienne, donnent déjà un aperçu assez éloquent sur le niveau très relevé de ces contributions, tenant compte très particulièrement de la valeur intrinsèque de leurs auteurs.
Cependant, un sujet assez insolite devait attirer mon attention. Ainsi donc, cette intervention « lumineuse » sur ce projet de « village solaire intégré », œuvre somptueuse de Baghdad Ould Henia, ingénieur enseignant à l’EPAU (Ecole supérieure polytechnique d’architecture et d’urbanisme), est donc à considérer comme une innovation en la matière à cette époque-là. L’auteur aborde donc sa réflexion par un préambule assez exhaustif des caractéristiques climatologiques et géographiques du pays et qui met en avant cette possibilité de lutte contre la sècheresse, l’érosion du sol, la désertification et l’exode rural.
Il arrive à cette conclusion que « la technologie solaire est en mesure de produire le miracle et d’apporter une réponse pour lever le paradoxe, comme ce fut le cas pour l’énergie gazière ».
L’ensoleillement exceptionnel (une luminosité de plus de 300 jours dans l’année) est, dit-il, une donnée fondamentale dans la réalisation de ce projet d’envergure.
Il en situe cinq objectifs à graduellement atteindre :
1 – L’évaluation des possibilités par les énergies douces et à tester leur degré de fiabilité dans la satisfaction des besoins globaux d’une communauté aussi significative qu’un village agricole*.
2 – Esquisser une contribution concrète à l’opération des 1 000 villages socialistes agricoles.
3 – Intégrer les recherches menées dans les différents centres de l’ONRS** dans le cadre d’un même travail multidisciplinaire visant à la réalisation d’un même objet : le village solaire.
4 – Etablir un bilan exhaustif de l’opération.
5 – Tirer les renseignements pour la réorientation de la recherche dans le sens le plus approprié de manière à pouvoir généraliser les énergies douces à toutes les régions du territoire national.
A ce titre, il avait été retenu quatre macrosites que sont :
- Oued Rhir dans les Oasis, entre Tougourt et Biskra.
- Aïn Sekhouna, dans la wilaya de Saïda.
- Ouled Touil, dans la région de Ksar Chellala, à cheval sur les wilayas de Tiaret et Djelfa
- Le Hodna, dans la wilaya de M’sila.
Il aura à conclure sa réflexion, en ces termes assez éloquents et très convaincants :
« L’avènement du solaire pourrait apporter de profonds bouleversements dans la manière de structurer et d’aménager l’espace et des changements radicaux dans le mode de vie, de pensée et du travail.
Aux « Mégalopolis » alimentées en énergie par des mégacentrales au combustible fossile ou nucléaire succèderaient, peut-être, des villes moyennes et des villages fonctionnant à l’énergie solaire. L’homme est-il au seuil d’une nouvelle ère, celle de l’énergie solaire ? »
Ce projet datait donc de la fin des années soixante-dix du siècle dernier. Depuis, il s’est écoulé près d’un demi-siècle (quarante-quatre ans plus exactement), sans que cette idée lumineuse ne fasse son chemin.
Il est donc tout à fait naturel que l’on assiste, à présent, à toutes ces répétées ou intermittentes coupures d’électricité, à tous ces fâcheux désagréments, à toutes ces nuits sombres ou passées dans le noir.
Notre ingénieur enseignant était-il si hors sujet ou en hors-champ pour que sa formidable réflexion soit pour autant totalement ignorée, durant cette longue période ?
La nouvelle ère, celle de l’énergie solaire, semble donc être toujours hors de portée des Algériens.
Panorama avait donc vu juste. C’est plutôt le signal qui n’est pas arrivé à ceux d’en haut. Ces idées géniales d’hier ne constituaient-elles pas cette chance encore une fois ratée par les Algériens ?
Par manque de vision claire, ne sommes-nous pas encore et toujours dans l’attente de cette luminosité naturelle pour éclairer juste nos lanternes ?
Des archives pareilles montrent toutes à quel point on avait volontairement ou intentionnellement dévié de ce droit chemin. Aujourd’hui, celles-ci s’imposent avec force arguments à tout leur monde. Elles constituent ce trésor de données à désormais davantage les consulter afin de mieux être persuadés du bien-fondé de leur indéniable utilité.
Ces vestiges-là ne constituent-ils pas notre trésor de demain ? A charge pour nous de naturellement, cette fois-ci, bien ou mieux les considérer.
(*) Villages regroupant des attributaires de la révolution agraire propre au socialisme des années soixante-dix.
(**) Office national de la recherche scientifique. -
Cheikh Embarek, notre sympathique Salazar !
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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Du haut de son un mètre quatre-vingt-quinze, il ne pouvait être que le chef de tout son monde. Très grand de taille, il l’était également par le Savoir.
Déjà instituteur du temps de la colonie française, il s’est vu, à l’Indépendance du pays, confier la direction de la seule école primaire de garçons de la contrée. Il aura à inaugurer, juste deux années plus tard, son unique collège. Il s’y installera à sa tête, alors en catastrophe, afin de pourvoir à un besoin devenu bel et bien très urgent et très pressent. Il s’y affairera afin de pallier à une urgence en la matière et de faire sortir de l’anonymat toute une flopée de jeunes cadres de la nation, ayant tous fourbi leurs armes et appris cet inestimable savoir sur ces mêmes bancs d’école d’autrefois où ils usèrent leur fond de culotte plus de quatre années durant. On l’appelait donc à cette époque-là Salazar, sans même savoir vraiment à quoi cela rimait ou nous renvoyait finalement. Probablement, parce qu’il était très autoritaire. Nous étions très jeunes et il nous faisait très peur, rien qu’à le croiser déambulant à l’intérieur du préau des classes ou dans les couloirs de l’établissement. Il n’était d’ailleurs pas le seul à jouir de cette taille impressionnante, puisque Mograni, son surveillant général, l’était, lui aussi, étant, en fait, très fort physiquement et bien plus jeune que lui. Ainsi, cheikh Embarek héritait du surnom de Salazar, et Mograni, son surgé tout le temps insurgé, de celui de Mogo. Ce fut tout juste un diminutif du nom pour ce véritable gang. Les deux étaient donc très grands de taille, et loin d’être de simples échalas. C’étaient des mastodontes en puissance aux mains longues, rugueuses et bien grandes dont la claque sur la joue de l’élève restituait ou faisait plus loin trainer le bruit sonore et sulfureux de ce coup sec et habile de l’éclat d’un fouet. Aller à la surveillance était synonyme donc de partir en enfer. La dose de la note à récupérer était d’ailleurs bien connue de tous les élèves : une raclée sous la forme d’une bonne paire de gifles qui vous fera bourdonner les oreilles pour tout le restant de la matinée. Mogo était donc connu au travers de cette force de frappe impressionnante et bien infamante qui crevait du premier coup le tympan au malheureux adolescent, et Salazar l’était lui aussi pour ses coups de règles répétés et rigoureux qui vous feront gonfler la paume des mains pour quelques jours au moins. Dans les deux cas de figure et chez ces deux grands gaillards, le châtiment n’était autre que cette grande misère, un vrai calvaire, une véritable galère, la tannée instantanée, le dur coup de gourdin ou celui de cette raclée avec à la clef des joues rouges à les faire instantanément jaillir de sang, des yeux embués à cracher rapidement des larmes, une tête de taulier à faire frissonner les plus grands truands, un air désemparé à complètement chambouler l’esprit de ses inconscients camarades de classe… Plus dur comme châtiment, il n’y avait que celui du pénitencier dont on entendait vaguement parler à l’époque, puisque étant tous de très jeunes collégiens. Seulement, nous le considérions bien plus dur que celui que nous infligeait communément nos propres parents en fin de trimestre lorsque nos résultats et classement étaient peu reluisants ou pas du tout convaincants. Salazar, comme un malabar, veillait sur nous comme un tour tout alentour, dans une discipline de fer. Il incarnait cette autorité méritée, entière, parfaite, ni partagée ni ménagée, fortement engagée et au loin propagée, de la toile de cette haute dragée et jamais dérangée dans son ascension ou véritable apogée. Tôt le matin, à la porte d’entrée, il inspectait tout son monde, vérifiant la propreté des pieds, la longueur des ongles, des cheveux, la tenue vestimentaire débrayée ou inappropriée de certains élèves, leurs affaires scolaires, leurs devoirs, leur comportement, leur disponibilité à pouvoir convenablement étudier… Il connaissait pratiquement tout son monde, exceptés ces quelques rares anonymes élèves, si modestes, bien quelconques et très gentils jusqu’à passer inaperçus entre les mailles du contrôle ou lui filant entre les grands doigts. Il n’oubliait rien, se rappelant de tout et s’accrochait parfois à de menus détails qui nous paraissaient bien insignifiants ou sans la moindre incidence sur notre scolarité. Notre Salazar n’avait rien d’un Portugais, puisque n’étant porté ni sur le ferment et dur Porto ni même sur la pêche à long cours. Il partageait néanmoins avec le dictateur, portant le nom d’origine, sa façon de mener par le feu et par le fer leurs troupes, et surtout le côté académique de leur vie privée. Elle était rythmée à cette cadence infernale qui nous donnait la frousse même de tenter de lever sur lui nos pupilles, de se retourner en arrière ou de pousser le moindre cri et de faire l’essai du tout bénin mouvement. A l’école, nous étions tous comme à la caserne, le crâne bien rasé et sans le moindre uniforme ou un quelconque béret. On était donc ces papilles ou pupilles aux frêles et toutes innocences pupilles, cette autre pâte à modeler ou à convenance remodeler, à répétition ou à satiété tripoter. Il en sortira plus tard cette poterie de grande valeur, flopée d’étoiles, forgée à la maison avec grande rigueur, passion et utile raison de faire, laquelle trouvera bonne place à l’intérieur de ces grandes galeries d’art et de métier d’avenir et d’honneur qui feront tressaillir ou pâlir de jalousie ses pairs des autres établissements d’enseignement de la contrée. A l’Indépendance, il fut l’un de ces rares Algériens lettrés qu’avait malencontreusement produit une colonie française à bout de peine, vieille de plus de quatre générations bien accomplies. Il lisait beaucoup et s’appliquait à régulièrement nous parler dans ce français châtié et officiel digne du langage des grands praticiens du droit, en signe de reconnaissance au statut du grand chef qu’il arborait. Notre directeur était ce terrible dictateur que tout le monde craignait, que tout le monde, à la ronde, autant que faire se peut, évitait de lui adresser la parole ou même de se proposer d’aller voir même en cas d’une nécessité absolue ou d’un besoin impérieux. Il régnait déjà en maître absolu sur son monde, donnant des ordres par-ci et prodiguant des conseils par-là. Il était cette haute tour de contrôle qui contrôlait tout à l’horizon. Il ne laissait rien passer, filtrant toute les issues, toutes les discussions, les actions, les mouvements et autres tournures des évènements. Bien mieux, il y trouvera même le temps de faire de la politique à ses heures perdues ou de repos. Ainsi au petit Moscou, sa ville natale, il ne pouvait donc passer inaperçu. La question n’a donc rien à voir avec sa taille géante, ni même avec son grand Savoir et connaissances insoupçonnées. Elle a plutôt trait à son engagement politique sans faille en faveur de cette option politique «très socialiste» qui dérangeait l’oligarchie de la haute sphère du pouvoir, lequel décidera sur un coup de tête ou fourré et bien préparé de l’incarcérer durant de nombreuses semaines en compagnie de quelques misérables enseignants, pris pour des amateurs de la politique très dangereux pour la nation. Ce fut juste après ce tragique accident de la circulation qui l’handicapa quelque peu pour le contraindre à s’appuyer durant un bon moment sur sa canne, à la manière d’un véritable Empereur. En fin de carrière, un érudit théologien usa de sa diplomatie, de son aura et de sa grande stature afin de bénéficier de sa subtilité, position et grande influence sur l’administration à l’effet d’aider la confrérie à finir la construction de cette importante et imposante mosquée d’El Khadra de la ville dont il présidera la commission de son suivi organique, devenant l’un des nombreux fidèles de haut rang et grand poids social de la communauté musulmane de la contrée. Depuis sa retraite méritée, les gens du métier sont presque tous unanimes à affirmer que l’enseignement n’a plus la même valeur qu’autrefois et hier encore, n’est plus aussi ferme, aussi fécond, ne produit plus cette érudition du grand Savoir très utile à la nation. Nous sommes, avouent-ils, dans l’impasse de cette mauvaise passe qui nous éloigne davantage du Savoir et de ces valeurs hautement significatives propres à cet enseignement de haut rang que savaient si bien nous prodiguer cette race d’enseignants de valeur inestimable et incomparable, aujourd’hui absente à jamais de nos établissements scolaires. La perte ne peut être qu’énorme au vu de ce grand ratage et plus grand dérapage de tout un haut aréopage de carriéristes ministres de l’Education, devenus plus persistants avec la disparition en cascade de ces figures de proue du Savoir dans toute l’étendue de sa grande dimension.
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De Hugo à Mitterrand : barbarie et civilisation !
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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En signe de commémoration de la journée du Chahid, j’ai jugé utile de la célébrer en lui dédiant ce modeste papier, priant le Tout Puissant de l’accueillir en compagnie de ses pairs en son vaste Paradis.
« Je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande. C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde, c’est à nous d’illuminer le monde (…)*.
Ce fut ainsi que s’exprimait Victor Hugo au Général Bugeaud durant la première moitié du XIXème siècle, plaidant nettement en faveur de la colonisation de l’Algérie par la France. Ce sont donc ses notes récupérées, plus tard, par sa femme Adèle qui l’affirmèrent ou le confirmèrent.
Face au fait colonial, l’imminent philosophe et le Grand Homme de Lettres est-il pris en défaut ou à son propre piège ? Face à la droite concurrente et très menaçante, François Mitterrand, cet auteur de pas moins de sept ouvrages, devait, lui, croire dur comme fer en ce slogan « Changer la vie », adopté par le Parti Socialiste Français (PS) en 1972 !
Pourquoi alors Victor Hugo, cet auteur, entre autres,du best-seller des « Misérables » devait-il en exclure le combat de ces autres misérables algériens, si indigènes de leur état-civil et condition sociale, qui luttaient autrefois de toutes leurs forces contre l’occupant français ?
Et pourquoi aussi, François Mitterrand, devenu alors président de la république française devait-il, lui également, en 1981, abolir la peine capitale au profit des français alors qu’il avait même refusé la grâce, en tant que ministre de la justice durant la décennie cinquante du siècle dernier, à des Héros de la Révolution Algérienne qui furent aussitôt exécutés, en dépit des sollicitations et des médiations qu’il recevait d’imminentes personnalités du monde de l’art et des lettres de ces plumes françaises de qualité, tels André Malraux et Albert Camus … ?
Si, au plan de la belle littérature, Victor Hugo est ce grand monument qui a marqué de son empreinte et grande intelligence la culture françaisede son temps et celle plus universelle du monde entier ; sur la question de la colonisation de l’Algérie, l’homme de lettres a eu un tout autre visage ou si étrange comportement qui n’honore nullement cette probité intellectuelle qu’il affichait si aisément dans ses succulents vers et autres magnifiques écrits.
Même son attitude clairement affichée en faveur de la libération de l’Emir Abdelkader après son emprisonnement par Louis-Philippe, à un moment où la liberté lui était promise par ses geôliers, ne pouvait tout de même le dédouaner aux yeux des Algériens mais aussi devant l’Histoire de l’humanité.
La fameuse phrase qu’il devait prononcer à cette occasion : « Si la parole de la France est violée, ceci est grave. » ne lui accorde ou concède, en revanche, sur ce planprécis que peu de crédit, dès lors qu’il envisageait que la France peuplerait la Mitidja, ce grand plateau au milieu de l’Afrique, où s’installeraient des colons civils qu’appuieraient des troupes françaises en nombre suffisant.
Pour illustrer le tout, il prit pour comparaison une lance dont « la manche serait le civil et le fer serait la troupe ; de façon à ce que les deux colonies se touchassent sans se mêler », faisait-il encore remarquer.
En 1862, dans le chapitre des Misérables où il dresse le bilan du règne de Louis-Philippe, Victor Hugo revient encore sur sa parole trahie à l’Emir Abdelkader et, dans sa liste de « ce qui accuse » le souverain, il ajoute la violence de la conquête de ce pays : « L’Algérie trop durement conquise et, comme l’Inde par les Anglais, avec plus de barbarie que de civilisation, le manque de foi à l’Emir Abdelkader. »
Cette condamnation n’en fut, par conséquent, que très discrète, plutôt à la limite du discours politique très hypocrite, devait-on s’en rendre compte avec du recul. Ramenée ou confondue avec ces autres déclarations très colonialistes, faites par lui-même au crépuscule de sa vie, le 18 Mai 1879, lors d’un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage, l’intervention de ce grand Homme de Lettres devait dissiper tous les probables doutes.
Notamment lorsqu’il affirmait : « L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire, qui date de son commencement dans la mémoire humaine ; l’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe [...]. Les deux peuples colonisateurs, qui sont deux grands peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique ; la France la tient par l’ouest et par le nord, l’Angleterre la tient par l’est et par le midi. Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal. [...] Au XIXème siècle, le Blanc a fait du Noir un homme ; au XXème siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. ** »
Que vaut doncla parole violée de la France au sujet de la promesse faite maisfinalement non tenue à l’endroit del’Emir Abdelkadercontre cette toute dernière affirmation : « Au XIXème siècle, le Blanc a fait du Noir un homme ; au XXème siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde » ?
Et que vaut aussi, sur un autre plan, cette abolition de la peine de mort destinée à tous les citoyens français contre ce très catégorique refus de grâce manifesté avec une si grande arroganceet grand mépris –afin de leur sauver la vie- à ces Héros de la Révolution Algérienne, qui luttaient courageusement de toutes leurs forces pour l’indépendance de leur pays ?
Dans le premier comme dans le second cas, il est donc question debarbarie d’un peuple et de civilisation d’un autre. Ainsi, la colonisation de l’un serait-elle assimilée à de la civilisation par celui conquiert un quelconque espace alors que la lutte pour l’indépendance de ce même pays conquis par le premier n’est que sauvagerie et barbarie ?!
Aussi, l’invasion des pays d’Afrique n’est-elle pas aussi vue ou perçue que sous cet angle où le « Blanc en fasse du Noir un homme » ?! Le résultat logique obtenu, un siècle plus tard, n’est-il pas que « L’Europe ait fait de l’Afrique un monde » ?! Le siècle des lumières de ce continent ne lui commandait-il pas de faire l’impasse sur cette sombre occupation de cet autre du Sud de la Méditerranée ?
Devant tant de déclarations flamboyantes et tendancieuses ou d’actions discriminatoires et très sélectives qui défient l’évidence même quant à la considération accordée à ces nations jadis colonisées par leurs bourreaux, anciens gouvernants et autres hommes de lettres ou de cour, la seule logique historique se trouve être vraiment impuissante à convenablement dénouer l’écheveau, dès lors que ces derniers se sont soustraits de leur devoir de dire la vérité pour trahir à jamais toute une mémoire collective.
Faut-il, pour autant, considérer séparément et très différemment ces deux hommes ? Sinon admettre qu’ils soutenaient apparemment le même raisonnement et leur seule nation ? Au sujet des causes défendues, de par leurs œuvres ou fonctions, l’Histoire les juge, cependant, comme justement très partiaux ou très injustes à l’égard des autres !
Qu’en juge donc, à notre tour !
Pour Victor Hugo, « Ce fut ce peuple éclairé qui va trouver un autre peuple dans la nuit, c’est la civilisation qui marche sur la barbarie » dans cette perspective de l’éduquer et de le civiliser; la suite ou la conséquence à en tirer se situeront, elles, dans le même prolongement de cette action.
Pour François Mitterrand, il est question de ce même raisonnement, repris aussitôt bien autrement à son propre compte, plus tard, assez fantastiquement paraphrasé par Charles de Gaule grâce à cette citation reprise par son Ministre de la Culture André Malraux : « L’Algérie restera Française comme la France a toujours été Romaine » !
A vrai dire, de Victor Hugo à François Mitterrand, en passant par Charles de Gaule, le raisonnement de la France coloniale au sujet de l’Algérie n’a pas tellement changé ; bien que deux longs siècles se soient déjà écoulés et qu’une toute nouvelle génération, côté français, est désormais au pouvoir.
En d’autres termes, celui qui n’a pu réserver ne serait-ce que juste quelques lignes griffonnées à la hâte à la douloureuse misère que vivait le peuple Algérien dans salongue quête de retrouver au plus vite son indépendance et sa liberté dans son ouvrage intituléLes Misérables, ne peut toutefois restituer toute cette vérité dont est investi tout homme de lettres qu’il fut. Lui manquait-il vraiment du courage pour le faire ? Ou encore de la sincérité dans ses propos et actes ?
Quant à François Mitterrand qui avait choisi, lorsqu’il fut élu à la tête du parti socialiste français (PS) au milieu des années soixante-dix du siècle dernier, ce subtil slogan « changer la vie », bien avant même de sauver la vie aux condamnés à mort de la justice française en abolissant sous son règne et septennat la peine de mort dans son pays, ne pouvait-il pas faire juste un clin d’œil à ces prisonniers algériens que le régime au sein duquel il officiait allait sous peu les exécuter ? Les prenait-il juste pour de vulgaires terroristes ? De simples fellagas ? Ou encore de très dangereux criminels ?
Pourquoi donc ce premier socialiste élu président de la république française au suffrage universel, le 10 Mai 1981, s’était-il tu ou muré dans son silence près d’un quart de siècle auparavant lorsqu’il s’agissait de sauver des vies humaines à des Algériens (ces autres sujets français de l’époque coloniale !) pour ensuite déclarer au soir de son élection : « Les français ont choisi le changement que je leur proposais (…) ? N’avait-il alors rien à proposer à ces indigènes dont le sort n’était autre que la guillotine ?
Déjà, en date du 10 Décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte, le Premier Président Français, ne soutenait-il pas : « Je saurai remplir les devoirs que le peuple m’imposera … Je jure fidélité à la République (…) »
Aussi, toutes ces différentes déclarations ne font nullement référence au triptyque « Liberté, Egalité, Fraternité », principes autour desquels ont été pourtant fondées la République et la Démocratie Françaises.
« Rester fidèle à la République » est-il si incompatible avec la liberté des autres ? A-t-on cette présence d’esprit que « le changement proposé aux nôtres » peut également par ricochet être valable ou se propager aux autres ? « La France a-t-elle finalement illuminé Monde » comme le souhaitait jadis Victor Hugo ?
Comment donc ce génie humain qui a pu si intelligemment transformer la nutrition en gastronomie, le besoin sexuel en sentiment amoureux, le combat en stratégie, l’instinct grégaire en politique, l’eau en lumière, le bois en mobilier, la pierre en statue, le sable en produit de la fonderie, la terre en Paradis, l’image visuelle en peinture, l’abri en architecture, le son en musique, le langage en littérature, le robot en contremaitre, le mouvement en voyage, puisse laisser les peuples du monde se distancer et leur séparation si profondément ou démesurément se creuser dans le temps sans que son apport ne daigne pour autant y remédier ?
Où en est-on donc dans ce rapport de la barbarie avec la civilisation des peuples du monde, des siècles après ces premières invasions ? Chez les peuples autrefois opprimés, la colonisation reste la principale cause de leur sous-développement qui dure encore dans le temps ! Et pourtant, au sein de l’autre camp, on dit toujours être partis chez le voisin d’à côté ou celui plus lointain dans l’optique de le civiliser. De l’éduquer, au moins !
Qui dit vrai ? Et qui ment ? L’histoire n’a-t-elle pas déjà répondu à la question ?
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Le souffle de la vie /Le Livre des Jours de Taha Hussein
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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Ce texte a, entre autres, la particularité de démontrer le mérite à accorder à Mohamed Abdou dans le cheminement de la carrière littéraire et professionnelle de Taha Hussein.
En février 1947, André Gide préfaçait « Le livre des jours », de l’écrivain Taha Hussein, dans sa version traduite en langue française. Ce fut un évènement majeur pour la littérature arabe. Les traducteurs de l
ouvrage, Jean Lecerf et Gaston Wiet, auront, donc, su porter, plus tard, imparablement et admirablement, son excellent produit et succulent art bien au-delà de la vallée du grand Nil.
Ils en feront connaître plus loin la plume exceptionnelle d’un auteur assez singulier ou très particulier, sur tous les continents de la planète. Cependant, l’handicap visuel de cette plume de renom ne pouvait, donc, l’indisposer à transcrire toutes ces grandes merveilles littéraires venues des ténèbres de l’enfer de son exil intérieur. Dans ce titre autobiographique, l’auteur parle de sa vie, de son enfance, de sa jeunesse, de ses études, de ses sentiments, des premiers moments de l’éclosion de son talent et de son exclusion par tout un environnement qui lui était resté hostile ou incompréhensible. Il y décrit avec force détails son mal, expliquant au passage ces menus paramètres qui lui rendaient sa vie – amputée de sa vue – vraiment très difficile.
Comme l’indique son titre, dans cet ouvrage, l’auteur parle des jours, de ses propres jours (El Ayam). Il ne s’agit pas d’un livre-repère ou d’un cahier-journal. Il est plutôt question de toute une vie d’un illustre écrivain qui décrit – paradoxalement – ce qu’il ne voyait pas malheureusement. Contre son mal incurable, il n’avait que les mots comme moyen de lutte, unique remède et aucun autre intermède. Ses pulsions étaient sur le champ transformées en mots durs, drus, purs, solidement tissés et habilement tressés dans un texte qui faisait frémir les meilleures plumes du monde. En particulier, celles aidées par cette acuité visuelle dont l’auteur du « Livre du jour » en manquait au point de lui en substituer sa seule muse fusant de tout bois. Devenu aveugle dès l’âge de trois ans, Taha Hussein est natif d’un pauvre et misérable village de la moyenne-Egypte, en 1889. Il deviendra, plus tard, sans nul doute, le meilleur écrivain arabe de l’époque. Diplômé de la Sorbonne, en 1919, où il y soutiendra sa thèse, entièrement réservée à l’œuvre de mérite et à la vie de Ibn Khaldoun, il aura auparavant, en simple élève sous la férule du célèbre Mohamed Abdou, connu à la grande université classique arabe (religieuse) d’El Azhar, au Caire, puis, comme simple étape de transit encore, la toute récente université moderne de la même ville. Plus tard, de grands noms de la littérature occidentale, auteurs de prestigieuses œuvres et grands titres de mérite, se faisaient un honneur, lors de leurs visites au pays du Nil, de rencontrer, enfin, Taha Hussein, l’écrivain.
Et pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se référer à la magnifique préface d’André Gide (prix Nobel en 1947), en plus de ses nombreux écrits sur l’œuvre de cette grande plume arabe, bien connue à travers les travées de notre planète. Aveugle mais, surtout, un brin polyglotte, Taha Hussein suscitait déjà ce grand complexe de l’inévitable paradoxe de la vie; tant l’auteur du « Livre des jours » était bel et bien à jour dans ses écrits et autres réflexions sur la littérature et les sciences sociales, de manière plus générale. Ne voyant plus rien de ses yeux, il consultait souvent le cœur et ce sixième sens qui l’aidèrent à mieux comprendre le quotidien de la vie, bien mieux d’ailleurs que ne pouvaient le faire pratiquement tous les prestigieux auteurs de la planète, ne connaissant pourtant ni handicap de la vue ni d’autre mal durable, incurable ou endémique. Dans le « Livre des jours », il faisait part de son autobiographie, poussé ou pressé par le seul souffle de la vie. Les yeux bridés, il n’avait pourtant nullement la vue ou l’esprit guindé par un quelconque empêchement de nature pour faire le récit de sa propre vie. Dans toute l’étendue de son austérité, de son antériorité, de sa complexité, tenant compte de la nature des éléments d’analyse qui ne reposent nullement sur l’élément palpable, mais plutôt sur le seul sentiment que véhicule une mémoire restée encore bien intacte.
Le plus curieux ou très fantastique à connaître encore dans la vie de Taha Hussein est que son auteur préféré n’était autre qu’un autre aveugle de la belle littérature, cette grande plume qu’était Aboul Alaa Al Maari (973-1057), très célèbre poète, plus connu pour sa virtuosité, l’originalité et le pessimisme de sa vision du monde, auteur de ces fameux vers : La vérité est soleil recouvert de ténèbres Elle n’a pas
d’aube dans les yeux des humains. Promu ministre de l’Education nationale, les Egyptiens lui doivent « cette éducation gratuite pour tous » et ces nombreuses écoles créées un peu partout sur le territoire de ce grand pays du Nil. Premier recteur de l’université d’Alexandrie qu’il avait créée en 1942, après avoir été le premier doyen de la faculté des lettres du Caire (1930), il fut aussi professeur de l’Antiquité, depuis 1919, soit dès son retour de France et jusqu’en 1925, où il aura à moderniser l’enseignement supérieur et à animer et dynamiser la vie culturelle du pays.
Ce doyen de la littérature arabe reste l’un des plus importants penseurs du XXe siècle, en sa qualité d’essayiste, romancier et critique littéraire hors-pair. Partout à travers le monde, il était, donc, considéré comme « le rénovateur de la littérature arabe ». Son « Livre des jours», édité en trois tomes (tous rédigés entre 1926 et 1955), en exprime d’ailleurs cette nouvelle structure narrative. Ce choix du récit autobiographique à prétention littéraire était alors quelque chose de vraiment neuf (nouveau) dans la littérature arabe. Ainsi, le premier tome « d’Al Ayam » (les jours) portait-il sur la mise en valeur de cette « quête individuelle d’une mémoire retraçant le cheminement d’un souvenir vers la raison ». Mais aussi, d’un autre côté, d’une « raison appelant la mémoire afin de se justifier aux yeux du monde ». L’itinéraire était, donc, bien tracé. Il consistait en cette succession de jalons proposés à la société afin de renaître d’elle-même. Elle constituait cette nécessaire passerelle pour « aller d’un âge imaginaire mythique, figé dans sa propre mémoire, à la maturité d’un regard scientifique et rationnel sur le monde ». Le « Livre des jours » traduit, donc, indéniablement le difficile souffle de la vie de son auteur, ses grandes peines et ses terribles douleurs, ses silencieuses frustrations comme ses insupportables exclusions; et parmi celles-ci, figure, bien entendu, sa privation de la vue, phénomène qu’il put cependant surmonter grâce à cette plume alerte et très diserte qui aura eu la très lourde charge de faire toute la lumière sur tout son itinéraire littéraire, depuis son enfance jusqu’à cette étape où il acquiert ou atteint le sommet de son art.
Sa proximité avec le très célèbre Mohamed Abdou ne lui a pas procuré uniquement que des amis. Bien au contraire, elle aura plutôt provoqué des remous dans le clan qui lui était opposé idéologiquement, au point où Taha Hussein sera entraîné dans un affrontement larvé avec la toute autre célèbre université religieuse d’Al Azhar, pour être aussi traité de mécréant vendu à l’Occident. En plus de ces nombreux reproches faits à l’homme de lettres de renom par les islamistes d’Al Azhar, son « Livre des jours » connaîtra la censure de certains de ses passages (quatre gros chapitres lui ont été charcutés) par les responsables du ministère de l’Education nationale, pour être par la suite carrément retiré (intégralement interdit) des programmes scolaires des écoles du palier secondaire en Egypte. Ce fut une deuxième mort pour l’auteur de cet ouvrage. Mais les jours suivant sa première mort furent encore plus douloureux pour la littérature arabe et universelle. Après sa disparition, ce sont des pans entiers de ce grand art scriptural qui disparaissent, à leur tour ! Avec leur inamovible auteur ! Dans sa vie, Taha Hussein aura connu, à la fois, le meilleur et le pire. Plutôt plus le pire… !
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Rachid Mimouni...Tout l’intérêt d’une « peine à vivre » !
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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Quoi de plus symbolique que de réserver un espace à la hauteur de la réputation et des œuvres de qualité de l’auteur dans ce moment précis, coïncidant avec le dix-septième anniversaire de la mort de celui dont tous les titres ont été primés, l’honneur de la tribu en particulier !
En moins de vingt ans, l’auteur émérite aura écrit toute une dizaine de titres de mérite, dont la résonance de leur contenu porte plus loin que le territoire de son pays de naissance tant le style en « va-et-vient » épouse par moment « cette écriture en spirale » propre à Kateb Yacine dont il s’en est inspiré à merveille et qui séduit et conduit tout droit le lecteur à coller de tout son esprit et attention au texte souvent bien succulent et très singulier.
Soit en moyenne un ouvrage tous les deux années d’écriture besogneuse, tel que le dicte cette religion musulmane en référence à l’espacement des naissances engagé dans le cadre du planning naturel relatif à la science de l’accroissement démographique.
Oui ! Les livres font également partie de cette progéniture laquelle, avant de rendre hommage à leur famille, propage au loin et durant de longues générations le savoir dans toute sa dimension et profondes qualités humaines.
Mieux encore, ils sont ces fils qui ne demanderont, ni même jamais n’exigeront leur part à un quelconque héritage parental, rendant immortelles les idées de leur créateur et étreignant éternellement la grande stature de leur maitre, le rendant présent à tout instant.
Le savoir ne conduit-il pas, pour l’occasion, à l’immortalité du Savant, du bon conteur et de l’érudit poète-rossignol ?
Oui ! Il s’agit bel et bien du conteur et du rossignol, parce que la prose de Rachid Mimouni est composée de ces deux styles et formes d’expression cursive, tissés dans la même trame et brassés dans le même moule ou texte littéraire : celui qui ressuscite ce goût à la lecture des récits d’autrefois et de ces projections d’avenir, encore d’actualité.
Ce parallèle s’impose donc grâce à la magie des mots de l’auteur, puisque tous ses ouvrages, tels des vers sonnant encore grâce à l’apport conséquent de la force et puissance de leur rythme et tonalité, ont été primés.
Ils sont donc aussi considérés tels ses propres fils. Parmi les plus érudits et ceux très intelligents qui soient ! Eux aussi font honneur à la famille ! Bien plus que cela, ils le font de fort belle manière et pour toute l’Algérie, leur unique et véritable patrie !
Rachid Mimouni est donc cette plume multifonctionnelle qui trouve cette aisance à faire pâlir de jalousie ses semblables, puisqu’elle sait passer allègrement de ce style cocasse et très tenace à celui fin et très raffiné pour décrire ces scènes de la vie où se mêlent sans discernement et sans la moindre retenue l’amour, la sexualité, la dictature, le terrorisme, la hogra, la harga, la bureaucratie et tant d’autres maux sociaux qui constituent cette plaie sociale de l’Algérie des années deux mille.
Dans son style, il est incomparable tant ses parades et nombreuses escapades sont imparables, bien superbes et très subtiles. Souvent très utiles pour ces jeunes plumes qui cherchent à faire dans cette façon bien singulière sinon osée de narrer des évènements ou de raconter des récits dans ce bel art cursif de communiquer, avec beaucoup d’aisance et énormément de plaisir pour ces faces cachées de la vie en société.
Le choix de ses titres est déjà en soi une « invite express à leur lecture ». Et dès les premières lignes, c’est le lecteur qui s’y accroche ! Etait-il à ce point persuadé et si convaincu que c’est le titre de l’ouvrage qui accroche, sinon de lui-même le lecteur, vraiment dégoûté, décroche ?
En vérité, ni ses titres ni leurs contenus n’ont été en deçà des attentes de ce public qui connaissait déjà depuis le début des années soixante-dix la valeur réelle de « l’enfant du pays », et davantage avec cet « honneur de la tribu » dont il n’aura lésiné sur aucun moyen pour habilement le défendre, sinon farouchement le recouvrer.
A l’instar d’autres matheux comme Tahar Djaout, Anouar Benmalek et autres encore, Rachid Mimouni était donc happé par la magie des mots pour léguer à l’histoire les chiffres et leur exercice fastidieux.
Dans ce choix bien difficile, ce sont ces sciences exactes qui lui traceront sa carrière professionnelle pour être par la suite relayées par cette littérature de charme qui embarqua l’homme sur ce terrain magique des belles-lettres, celles qui le feront connaitre plus tard bien au-delà des murs algériens.
Ces chiffres-là lui auront probablement appris toute cette rigueur dans l’analyse des faits et évènements dont les lettres se chargeront tout à l’heure de leur bonne expression et magnifique traduction dans ce décor fascinant à plus d’un titre.
Il est parfois des choix ainsi faits. Et celui effectué par Rachid Mimouni à un moment crucial de sa vie a toujours été guidé par cet amour pour les lettres (bien souvent magiques) qui aura eu en fin de compte bien raison de ces chiffres immuables et par trop conventionnels.
A-t-il été très tôt inspiré ou admirablement séduit par un quelconque auteur classique pour le suivre plus tard à la « lettre » et au pas de charge sans se soucier de l’heure qu’il était, ni même de consulter « ces chiffres » que lui indiquait le cadrant de sa montre ?
Loin de ces chiffres assez fastidieux dans leur assemblage et expression, l’heure n’était-elle pas à ces joutes littéraires qui faisaient voyager l’être humain bien loin dans ses rêves les plus fous et les plus improbables ?
Pourtant à en croire l’auteur : « La mathématique est la seule véritable science. Tout le reste n’est que fioritures, ensemble de règles et de préceptes destinés à masquer un vide essentiel et surtout à décourager les amateurs. En mathématiques, les règles sont claires et connues à l’avance. C’est le seul exemple de vraie démocratie* ».
Rachid Mimouni était donc ce « fils du pauvre » semblable à celui décrit des années plus tôt par Mouloud Feraoun. Sa venue à la littérature, il la doit à son père, analphabète de son état, qui l’inscrivit à l’école française dès le début des années soixante du siècle dernier. Il venait d’un autre monde et ne disposait d’aucun livre chez lui.
Il était bien différent de ses semblables nommées Assia Djebbar, Maissa Bey, Ahlem Mostaghanemi et autres auteurs algériens qui ouvrèrent les yeux sur de véritables bibliothèques familiales appartenant à leurs géniteurs. Ce n’est d’ailleurs qu’en classe de 4ème qu’il s’intéressa à la littérature française en ayant eu à lire « le grand Meaulnes », œuvre qui le fascina et le consigna dans ces longues séances de lecture.
Ce fils du pauvre vivra dans la pauvreté pour mettre à profit ces moments de misère qui allèrent magistralement le propulser au sein de ce cercle très restreint des meilleures plumes du pays et du Maghreb.
Dans une « peine à vivre », l’auteur de la « Malédiction » fait ce « diagnostic clinique de la dictature dans le monde ». Il y décrit alors toute « cette peine à vivre » d’un peuple supportant très mal l’excès de zèle du tyran qui gouverne le pays d’une main de fer, au sein de ce parti unique grâce à ces méthodes iniques et peu pratiques alors en vigueur.
Il symbolise le dictateur à travers la panse de Idi Amin Dada, les insomnies de Staline, la moustache de Boumediene, les grossièretés en intimité de Hafidh El Assad, l’extravagance de Mouammar El Kadhafi et le regard trop méchant de Saddam Hussein. Tous ces présidents de fausses républiques incarnaient chacun à sa façon le dictateur de leur pays, que décrit Rachid Mimouni en appropriant au sien tous ces qualificatifs pour brouiller les pistes à celui qui cherche à s’y identifier grâce à quelques menus indices ou détails par trop insuffisants et peu consistants, glanés çà et là dans le texte de l’auteur.
Et c’est à la mesure des privilèges et à la hauteur des pouvoirs dont dispose le dictateur qu’il élève, lui, le sien et lui confère ce droit absolu de disposer de ses pauvres gouvernés comme de leur existence ou subite disparition et exécution sommaire ou sur le champ.
Rachid Mimouni utilisait à la perfection ce style de la rupture, du reste peu connu sinon totalement méconnu à cette date aux plumes Maghrébines, pour dénoncer ces pratiques en usage contre lesquelles s’élevait la morale citoyenne, aggravant de jour en jour la pauvreté de la basse société et enrichissant à l’extrême ces repus administrateurs de l’état.
Chez lui le style est très critique, semblable à la marque de l’impact d’un vrai stylet ; le verbe assez sec tel un claquement de fouet. Ses phrases sont tantôt très serrées et déballées dans cette spirale infinie et à la vitesse vertigineuse d’un sprinteur à l’approche de sa ligne d’arrivée, tantôt bien aérées, peu acérées et très espacées, exprimant ces images de contes de fées difficilement imaginables sans ce talent hors pair de celui qui les décrit si promptement.
Avec Rachid Mimouni, quelque soit la tragédie rapportée ou le malaise raconté, on est comme embarqué dans ce territoire de merveilles où les phrases parlent d’elles-mêmes, exprimant ces métaphores haut de gamme qui emportent le lecteur aussi loin que le mène les rêves les plus fous que seule la littérature de choix et de mérite est à même de susciter ou d’improviser.
Dans « une peine à vivre », Rachid Mimouni s’attaque à ces dictateurs dans le monde sans les nommer, prétextant que le sien habite ce pays sans nom ! Ce que d’ailleurs anonymat oblige, plume rédige, texte fustige et sécurité exige… !
Peut-être y cherchait-il après cette impossible « paix à vivre » pour ces éternels damnés de la terre ou de la mer ?
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La leçon de l’artiste poète/Malek Haddad
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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Une beauté naturelle, éternelle… !
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
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À Tipasa, tôt le matin, et quelque soit la saison de l’année, l’azur du ciel se confond profondément avec l’autre couleur bleue de la mer. Juste une question de nuance dans le bleu qui s’efface à mesure que le temps passe et que le jour se lève de bon pied, en quittant ses vieilles hardes et très anciennes guenilles.
Ici, tout près de la côte Méditerranéenne, cette lune de miel est naturelle ! Bien éternelle … ! Et chaque jour, elle se renouvelle ! Dans cette partie durable d’amour charnel et tout à fait naturel, le ciel se couche sur la mer. Il le fait de tout son poids et corps immense et compact, dégageant par moment le souffle de sa transpiration que la nature physique et celle humaine le subit de front et en profondeur dans sa propre chair.
Et seul au loin, un trait très fin couvert d’un bleu plus nuancé marque le territoire de chacun des deux partenaires, tantôt en action, tantôt dans leur état de décontraction. En plein milieu du ciel, le soleil de plomb qui darde ses rayons sur la région, du lever du jour jusqu’à son crépuscule, avec la même ardeur et le même souffle permanent et effréné de sa puissante chaleur et même force de frappe qu’autrefois et de tous les jours, laisse à penser qu’il tente de tout son poids de les séparer, par moment, l’un de l’autre.
Juste pour leur permettre de reprendre leur souffle et de plus tard revenir en force à leur grosse bise sans cesse répétée.
Avec le même refrain, le même rituel et la même folie d’amour. Avec cette même folie d’amour de retrouver au plus tard l’autre. Le partenaire. Ce partenaire naturel. Cette joie commune de partager avec lui les grands moments de plaisirs et de vrais désirs, bien affichés et longtemps manifestés envers l’autre sexe, sans lequel cette joie formidable n’aurait plus aucun sens !
A l’horizon, en pleine lumière du jour, le bleu céleste épouse donc celui bien marin.
Les écumes des vagues confondues avec ces nuages qui ratissent assez bas, au loin, les aspergent de cette brume matinale, comme pour leur annoncer le lever du jour imminent.
Le couple s’accouple dans son grand lit naturel, lequel tantôt berce son monde grâce à la beauté naturelle de son merveilleux décor et tantôt lui envoie ces fournées ininterrompues de chaleur de plomb qui les maintiennent cloués à l’intérieur même de leurs demeures.
Tarés et bien terrés pour un temps, parfois assez long ! Souvent c’est le temps que durera toute cette saison chaude et caniculaire. Très difficile à vivre, somme toute ! Dès la tombée de la nuit, faite de bleu et de blanc baignant dans le gris, des nuages venus en série et se
bousculant à l’horizon, rentrant à leur bergerie, le couple habillé le jour du bleu de l’espoir se voila soudainement la face.
Et dès le crépuscule annoncé, ils tombent tous les deux dans les bras de Morphée, emportés par leur sommeil éperdu, les yeux bien écarquillés sur le lever du jour du lendemain qui tarde à se manifester.
A ce moment-là, la mer et le ciel s’envolent dans leur rêve de l’intimité, convoler en justes noces, et bien loin des regards plutôt indiscrets de ces êtres humains restés médusés et circonspects devant le déploiement acharné de tant d’ombres épaisses et trop sombres que distille par doses saccadées l’arrivée impromptue et inévitable de la nuit, montée sur ses grands chevaux pour venir juste pour un temps leur tenir bonne compagnie.
Tipasa respire à longueur d’année la fraicheur de ses champs verdoyants et chatoyants, venant à tour de rôle se jeter dans la mer, fuyant par moment cette chaleur suffocante sévissant en été dans la contrée.
Ici, pendant le jour, l’été ou l’hiver, au printemps comme en automne, Tipasa, durant presque tous les jours de l’année, porte le même costume que la veille et qu’autrefois.
Celui donc taillé sur mesure par cette nature généreuse et féconde assistée de ce temps radieux et souvent bien ensoleillé, foisonnant et faisant miroiter au loin et à dessein ce merveilleux bleu où espoir et espérance se conjuguent et se confondent juste pour pleinement profiter de la beauté paradisiaque des lieux et du temps printanier qui y règne presque durant toute l’année.
Tipasa, la Romaine, garde de l’histoire ancienne de la région un bon bout sinon la bonne clef qui permet cet accès facile et bien discret aux fins fonds de ses profonds secrets dont les seuls vestiges en bordure de mer ou le mausolée de Hélène de Séléné, reine de Maurétanie, juchée plus loin et en haut de la colline qui la surplombe, tentent de vainement la replacer dans son contexte historique d’autrefois.
Se situant dans le prolongement de la colline qui prend naissance du côté de Koléa à l’est pour échouer à l’ouest aux abords de la plaine de Hadjout, ce dôme géant, pierreux et très rocailleux, puissant et très imposant par sa stature et sa carrure, fait face à l’imposant Mont du Chréa jusqu’à nous paraitre comme le taquiner à distance.
Koléa qui a tout le temps peur que le Mont Chréa lui tombe dessus ou sur la tète, selon l’anecdote racontée à son sujet, semble être très bien protégée par ce mausolée, se tenant debout et défiant le temps en très solide et véritable sentinelle, juste pour bien protéger la ville de l’osier et des généreux gosiers du chant « chaabi d’antan » contre les dangers de la nature.