Articles de algermiliana
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Sosie de Bradaï
- Par algermiliana
- Le 09/09/2023
- Dans Le Coin de Djamel TOUAT
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Bonjour mes amis
Bradai, tu n'y étais pas ce jour là. Quelqu'un s'est fait passé pour toi, en fait c'est un de tes sosies qui nous gratifia de son plus beau sourire déclinant une dentition à faire jalouser des povres anti brosse à dent comme moi. MilKeur n'avait vu que du feu. lol.... -
Baccalauréat !
- Par algermiliana
- Le 05/07/2023
- Dans Divers
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Baccalauréat !
Jadis, le baccalauréat avait son miel pur ! Il avait sa peur douce ne ressemblant à aucune autre peur. Une peur semblable à celle de la circoncision ! Douleur en douceur annonciatrice de la virilité ! Le bac nous faisait rentrer dans la cour des grands !! Et, il avait un bonheur sans pair, une sensation unique !
La veille du bac, la nuit fut longue. Très longue, à la longueur d’une année, un peu plus ! Dans l’oreiller de laine s’installent toutes les angoisses.
Le matin, avant de prendre le chemin du centre d’examen, je me sentais hanté par la crainte d’oublier quelque chose : la règle, le deuxième stylo ! La gomme, le crayon, la pièce d’identité ou encore la convocation…
Les candidats, sans exception aucune, étaient, en ce jour-là, bien habillés. En neuf ou en propre. Bien coiffés ! En chic. Les garçons comme les filles.
C’était un jour qui ne ressemblait pas aux autres.
On ne vit pas deux fois le bac !
Ce jour de bac nous rappelait une autre épreuve scolaire fondamentale : l’examen de la sixième !
Le matin du bac, il faut prendre le trolley, le numéro 11 ou le 21, lequel des deux est le plus rapide ? Celui de six heures du matin ou celui de six heures moins le quart ? Perplexe ? Le jour de l’examen, le trolley est en retard ! Même arrivé à l’heure pile, on a l’impression qu’il a été largement en retard. La faute au chauffeur bavard ! On a peur que, en plein chemin, notre monture ne tombe en panne. Le trolley traîne les pas dans toutes les stations, beaucoup plus que d’habitude ! La tortue ! Pour la énième fois, je vérifie l’heure. Je n’ai pas confiance en cette montre que mon oncle m’a prêtée hier soir pour l’occasion. Selon l’expression de mon oncle : «
Les trois aiguilles marchent, comme sur un cheveu, elle est de marque suisse ! », il me l’a répétée dix fois. Il l’a fait « manger » (remonter) en tournant avec précaution la couronne sur le côté. Cette montre est sa fierté pendant le mois du Ramadhan, tout le monde mange et jeûne selon ses tic-tac !
Le bracelet me serre le bras. Il faut arriver devant la porte du centre d’examen au moins une heure avant l’heure de vérité.
Je me suis trouvé, comme les autres élèves, dans une salle qui fait peur, derrière une table individuelle, comme dans le box du tribunal international de La Haye, face à mon nom et mon numéro d’examen écrits sur un bout de papier rouge collé à l’angle droit de la table. Le plumier posé devant moi, lui aussi me fait peur.
Je le regarde, lui aussi me regarde. Et je me demande si je n’ai pas oublié mon deuxième stylo. Le stylo de secours. Et la gomme, et l’équerre, et la boîte de crayons de couleurs pour colorer les cartes géographiques, et le compas ?
La montre de mon oncle me serre le bras.
Ses aiguilles, qui marchent comme sur un cheveu, soudain se sont arrêtées. Mon ventre me serre, j’ai envie de pisser ! La montre de mon oncle ne trahit jamais, fidèle aux jours de Seigneur. Fidèle aux heures des petites créatures du Seigneur. Je la fixe. Elle redémarre.
Il est huit heures, le jour qui ne ressemble pas aux autres jours commence. Le jour de frisson et de bonheur, lui aussi avait une fin.
Le jour du résultat fut un autre jour ! Des youyous dans des maisons. Du silence dans d’autres, un silence de deuil.
Aujourd’hui, le bac a perdu le miel et l’abeille du miel. Les youyous sont inexistants ou rares.
Pour nous, le bac fut nos nouvelles ailes. Le bac fut le chemin vers l’autre. Le premier grand voyage. Avec le bac on avait le droit de quitter la famille et le village. Partir dans une grande ville ou ailleurs.
Le bac était la liberté ! L’aventure.
Même si ni Malraux, ni El-Akkad, ni Cocteau, ni Zola n’ont eu leur bac ! Le jour du bac me rappelle ma cousine Fadila Mor, la première brave lycéenne dans notre grande famille qui a décroché le baccalauréat. Une pensée de respect pour elle !
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Et... Nous appartenons au commun des mortels !!!
- Par algermiliana
- Le 10/06/2023
- Dans Le Coin de Ahmed ARBOUCHE
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Dans cette vie qui n’est autre qu’une arène échiquéenne, ou une arène de gladiateurs, face aux fauves; chacun a droit de se substituer à une pièce, pas des moindres bien sûr ; pour être à l’abri du supplice et du lynchage.
Tout le monde convoite le fauteuil du roi, celui de la reine, du ministre ou du général, soit !!!
L’humble petit pion est laissé à la dérision, à l’abnégation et aux viles besognes mais ; n’oublions pas qu’après l’émulation sur l’arène, ce petit pion, disons ce petit gladiateur, se range dans un boitier avec l’ensemble des pièces ; enfermées sous un couvercle.
Dans ce trou noir il se retrouve côte à côte avec le fabuleux roi qui l’a toujours méprisé.
Comble du paradoxe et par chance, dans ce boitier où règne l'obscurité totale, comme dans une tombe; toutes les pièces sont rangées couchées, sauf le pion; il peut se tenir debout, par sa taille négligeable et... Par son humilité !!!
Pour ainsi dire, nous appartenons tous au commun des mortels et, heureux sont les hommes humbles qui jouissent de la plénitude de leur raison d’être !!!
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La grandeur de l'Émir
- Par algermiliana
- Le 01/06/2023
- Dans Arts & Culture
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L'émir Abdelkader a écrit le texte qui va suivre dans une cellule de prison, probablement au Fort Lamalgue à Toulon, dans le courant du mois de janvier 1848. Un texte aux belles envolées littéraires dont les accents rappellent Goethe et Chateaubriand, ses presque contemporains :
"Quelle perplexité est la mienne ! Que faire ? Je suis à bout de forces. Inutile ! À quoi bon poursuivre ? Vois ! Mon être tout entier est près de se diviser et de se disperser.
Tantôt je fonds comme la neige dans l’eau : elle fait retour à son élément originel et s’y dissout. À chaque fois que j’ai dit : « Voici l’issue ! » on la referme devant moi : je ne puis surmonter l’obstacle... J’implore un Protecteur et n’obtiens nul secours ; personne pour me donner asile ou pour me repousser ! Y a-t-il un remède à ce mal incurable ? Absurdité ! Folie ! Il n’y a plus d’espoir.
Si tous les trésors du monde étaient déposés à mes pieds, si tous les trésors de la terre pouvaient tenir réunis dans les pans de mon burnous et s’il m’était donné de choisir entre eux et ma liberté, je choisirais ma liberté. À chaque fois que j’imagine à tort quelque répit je me vois plus accablé encore. Mes entrailles sont des feux de désir, des brasiers. Dût l’ensemble des mers se déverser sur eux redoublant leur ardeur. La brise légère du Nedj en se mouvant les embrase ; des vents de toutes sortes les attisant tour à tour. Même si je buvais toute l’eau de la terre, je ne pourrais étancher ma soif. Chaque fois que j’ai dit : « Nos demeures à présent sont proches ». Je n’ai pu me consoler d’eux : la proximité gonfle ma peine. Elle ne m’apporte aucune guérison pas plus que l’éloignement n’est profit.
La proximité ? C’est l’amour qui me ravage et me laisse éperdu. L’éloignement ? C’est un désir ardent qui me scinde et me déchire l’âme.
Ô mon cœur blessé, qu’ils soient proches ou lointains. Le remède est inaccessible et je demeure en ma folie ! O cœur de mon âme, tu fonds sous la brûlure et le chagrin ! Ô mon regard, tu ne cesses d’être noyé de larmes ! J’interpelle et questionne au sujet de cette âme, et c’est moi en vérité qui l’égare ; la folie, on le dit, est de diverses sortes ! Éperdu, je vais en tous sens ; j’interroge qui je rencontre ; je n’évite ni marcheurs ni cavaliers. Je leur dis : « Celui qui me réunira à moi-même, où donc est-il : que je sois à lui pour toujours ? » J’interroge encore sur la haute terre où est l’emplacement de ma tente. Je recherche avidement... la fraîcheur des deux oasis, Demeures où sont mes campements de printemps et d’été. Depuis que je naquis jusqu’au temps où je devins semblable à la saison d’hiver..."
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Les feuilles mortes
- Par algermiliana
- Le 18/05/2023
- Dans Le Coin de Le ziton
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" Tout nous échappe sans cesse, même les êtres qu'on aime.
Mais reste la certitude que certains moments ont été ce qu'on appelle le bonheur."
"Se souvenir est facile pour ceux qui ont de la mémoire, mais oublier est difficile pour ceux qui ont du cœur. "
Une chanson vous touche d’autant plus profondément que l’on se sent personnellement concerné par son contenu et que l’on peut apprécier la mélodie.
A Dida
Cœurdialement
Le Ziton
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Les Chemins d’Oran
- Par algermiliana
- Le 04/05/2023
- Dans Recherches
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Quand j’ai proposé à Zohra de l’accompagner dans la recherche de ses racines paternelles à Oran, je ne me doutais pas que ce serait si compliqué de la filmer dans la rue, à l’image de la place des femmes dans l’espace public en Algérie. J’ai rencontré Zohra en 1998. Nos enfants étaient amis en classe. Les assassinats se multipliant, Zohra et sa famille venaient de quitter Alger. Vingt ans plus tard, divorcée, enfin titulaire de la nationalité française et d’un poste de professeure d’anglais dans un lycée du 93, elle ressent le besoin d’aller à Oran à la rencontre d’un père qu’elle n’a pas connu. En suivant Zohra dans son enquête pour retrouver Benchaâ Belkhiter chanteur de raï et homme de théâtre, mort dans un accident de voiture controversé avant sa naissance, nous allons découvrir comment à Oran et dans le reste de l'Algérie, les femmes peinent à exister. Difficultés qui ont contribué à l'exil de Zohra en France.
Ce film avec Zohra est un rêve de longue date. Dès notre première rencontre, j’ai eu envie de filmer Zohra, de capter son énergie, son humour. Sa façon de se mettre en scène et de s’affirmer lors de nos dîners, fêtes, réunions. Nous nous sommes connues par nos enfants, amis de la maternelle à la fin du collège. J’aime sa manière tellement courageuse de faire face aux aléas de la vie, son divorce, ses difficultés à s’insérer dans l’espace institutionnel français.
À 35 ans, paniquée par les assassinats à répétition, Zohra quitte avec mari et enfants une existence bien établie à Alger pour les rivages incertains d’un pays inconnu. Sans se décourager elle passe sept fois le permis de conduire (qu’elle détenait en Algérie, mais ici, face à l’examinateur elle perd ses moyens). Elle passe six fois le Capes interne de l’éducation nationale, sésame d’un poste fixe de professeur d’anglais. Sa volonté et sa persévérance m’épatent.
Quand Zohra m’a parlé de son désir d’aller à la rencontre de son père, Benchaâ Belkhiter, mort avant sa naissance, j’ai tout de suite proposé de l’accompagner. Il s’agissait d’investiguer Oran, la ville natale de Benchaâ où sa famille réside encore. Zohra n’en connaissait rien, sa mère ayant rompu tout contact avec la belle-famille à la mort de son mari dans un accident de voiture en novembre 1962.
En me lançant dans cette aventure, je ne me doutais pas de ce que le tournage allait provoquer dans ma vie de réalisatrice. Comment la confrontation au réel aimantée par l’introduction d’une caméra serait l’occasion du tsunami que tout documentaire espère.
En octobre 2016 je pars en repérage à Oran. Pour approcher la société oranaise, je monte un atelier de réalisation vidéo avec des femmes d’une association féministe locale.Suite à un tournage dans la rue, la sûreté militaire me refuse le visa pour revenir à Oran filmer Zohra. Très contrariée, extrêmement frustrée, je décide néanmoins d'accueillir ces aléas administratifs, de laisser la vie imposer sa loi au film, ce qui est au fond la visée du cinéma direct. Je tente de transformer cet obstacle en un atout supplémentaire d'immersion dans la société oranaise. Je décide de maintenir le tournage du film avec Tina, l’assistante qui m’a accompagnée dans mes repérages et qui, elle, a le visa d’entrée en Algérie.
À Oran comme dans le reste de l'Algérie, les femmes ont du mal à exister dans l'espace public. Savoir manier une caméra est un enjeu d'autonomie et d'expression. En tissant sur l’enquête de Zohra l'histoire du film empêché à cause d'un plan tourné dans la rue par des femmes algériennes, je raconte aussi les difficultés des femmes dans la société algérienne, difficultés qui ont suscité l'exil de Zohra en France, difficultés qu’il fallait intégrer dans un film évoquant une/des femme(s) algérienne(s).Mettre en scène le fait que je n'ai pas eu de visa pose des questions de cinéma, sur la place du réalisateur, de la réalisatrice en l'occurrence. En introduisant dans le récit du film des séquences sur sa fabrication, se donne à voir le pouvoir et les limites du cinéma direct ainsi que les effets de la caméra sur les situations qu'elle enregistre. J'ai donc pris le parti de perdre le contrôle, de faire confiance au processus de réalisation pour que naissent d'autres possibilités formelles d'expression du réel et que soient valorisés les accidents, la contingence et l'incongruité.
Parfaitement intégrée dans la société française, Zohra se définit comme citoyenne du monde. -
Tu apprendras....
- Par algermiliana
- Le 04/05/2023
- Dans Le Coin de Le ziton
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Je vous invite à déguster ce beau texte.
Au moment où la société semble perdre beaucoup de ses repères,
Où l’on ne sait plus, bien souvent, reconnaître la valeur ou la profondeur de certains sentiments, Ce texte amène à une profonde réflexion. Un magnifique plaidoyer pour la vie, et la vie n’est qu’un apprenti-sage.
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Les vieux : bonté et sagesse par excellence !
- Par algermiliana
- Le 13/04/2023
- Dans Le Coin de Ahmed ARBOUCHE
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En une journée glaciale du mois de février ; comme pour se complaire de la nostalgie du hameau que couvrait un brouillard épais, un enfant guettait par sa fenêtre les rares passants qui arpentaient un sentier ; à proximité de leur maison.
Un vieil homme passa avec sa brouette, s’arrêta non loin de leur maison et entra dans le jardin d’une demeure abandonnée, prit son sécateur et commença à tailler des rosiers plantés, il y’a bien longtemps, par les voisins partis ; on ne sait où.
Le vieil homme prit dans sa brouette toutes les tiges amputées, comme pour dire qu’il a nettoyé les lieux ; n’y laissant aucune trace d’immondices, avant de quitter les lieux.
L’enfant tourmenté au plus profond de lui-même par ce geste, lui paraissant osé, éprouva un sentiment de répréhension, nécessitant de sanctionner la faute commise par le vieil homme partant avec sa brouette et, emportant avec lui quelque chose qui ne lui appartenait pas. Le vieux s’éloigna pour n’apparaitre - au loin- que silhouette et, l’enfant se retira de sa fenêtre, écœuré d’avoir assisté à une scène dégoutante, qui décrit la malhonnêteté.
Le lendemain, le garçon sur le chemin de l’école, raconta à ses amis l’histoire du vieil homme à la brouette, la qualifiant d’affreuse et de violation de bien d’autrui ; tout le monde acquiesça !
Quelque temps après, le garçon ne trouva pas mieux que de narrer cette histoire à la maitresse leur demandant de décrire un personnage surprenant et énigmatique ; comme devoir de maison.
Peu d’années passèrent, l’école connut un grand changement et son paysage changea jusqu’à devenir méconnaissable ; les arbres plantés crûrent et les rosiers donnèrent des fleurs multicolores, pavoisant de manière admirable tout son environnement.
Un jour, la directrice d’école rassembla tous les élèves de son établissement pour leur faire part du changement qu’a connu leur école et des efforts consentis pour réaliser ce résultat très satisfaisant.
Paraissant émue et profondément endeuillée, elle leur parla d’un vieil homme volontaire et dévoué ; celui qui était à l’origine de ce resplendissant décor qui les entourait, puis leur annonça la nouvelle de son décès… C’était sa manière de lui exprimer sa profonde gratitude et ses sincères condoléances.
Il n’était que ce vieil homme qui avait taillé les rosiers de la maison abandonnée.
Tout le monde le louangea et regretta - tant - cet homme inconnu, si bon et si généreux, qui venait semer la beauté dans toute sa splendeur ; dans la discrétion la plus totale, au sein de l’école ; sans oublier que les rosiers de la maison abandonnée furent exubérants, à afficher un décor voluptueux, après la taille.
Le garçon qui l’a décrit - à tort - pleura à chaudes larmes ce noble vieillard, qui n’était animé que de bonnes intentions et, pour se repentir, il alla demander à la directrice d’aller aux funérailles du vieil homme, accompagné de ses amis.
Le vœu avait été exaucé pour permettre à l’enfant d’effacer son préjugé négatif et de saisir la leçon de ne jamais se fier aux apparences qui nourrissent un quelconque ressentiment pour autrui.
La directrice d’école et ses élèves cueillirent les roses les plus splendides pour former une superbe gerbe qu’on déposa sur la tombe du vieil homme… On n’est riche que par ce l’on donne aux autres !
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La peur de l’autre :
- Par algermiliana
- Le 02/04/2023
- Dans Voyage-Lecture
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La peur de l’autre : Je cherche un seul étranger dans les rues de nos villes !
On a peur ! Un sentiment bizarre et répugnant nous hante, depuis les bancs de l’école ! Nous handicape. Nous dépouille de toute force imaginaire. Parce qu’on a peur de tout, on est condamnés à vivre seuls, isolés, coupés du monde. La peur engendre en nous, inconsciemment, une pseudo-autosuffisance qui n’est que l’autre face d’un suicide perpétuel.
On a peur d’un livre qui interpelle notre immobilité intellectuelle. Qui sème le doute dans nos convictions figées. On a peur d’une chanson qui désigne notre malheur et notre désarroi. On a peur d’un film qui casse un tabou ou qui contient un baiser. On a peur d’un poème qui déclame un cri vivant en nous depuis des siècles. On a peur d’un chrétien qui prie son Dieu à sa façon. On a peur d’un juif qui porte sa kippa et mange casher. Les sociétés peureuses sont les plus fragiles, les plus intégristes et les plus violentes. Elles sont le champ favori de toutes les formes de l’intolérance. Toutes les sociétés menteuses sont peureuses !
Les villes qui vivent encerclées, les portes fermées aux étrangers sont des lieux sans âme, sans rêves et sans avenir. Cet étranger qui ne nous ressemble pas et qui nous ressemble ! Différent de nous par sa culture, par sa langue, par ses goûts, par ses habitudes vestimentaires, il donne un autre sens à notre ville et à notre vie. C’est lui qui souffle un dynamisme dans ses rues et dans ses officines. Sa présence nous ouvre inconsciemment les yeux sur de nouveaux horizons.
L’université a peur de l’étranger ! Nous avons une centaine d’universités, dans chaque ville il y a une université ou plus, toutes spécialités confondues, de la littérature jusqu’à la médecine en passant par les mathématiques et l’informatique, et tant mieux, mais aucun de ces établissements censés appartenir à la pensée universelle n’a un seul coopérant parmi ses enseignants. C’est catastrophique ! La peur de l’université n’est que l’image de cette peur qui gangrène la société et le champ politique. Quand nos universités sont sans aucun enseignant étranger, sans aucun coopérant, les amphis sont sans lumière.
L’autosatisfaction universitaire est une maladie dangereuse et destructrice. L’algérianisation de l’université est une agonie annoncée pour l’enseignement supérieur.
Au nom de la soi-disant “sécurité culturelle”, on sème la peur dans toute une génération et on la prive de toute autre culture universelle. La sécurité identitaire n’est pas l’appel à vivre dans le ghetto. La ghettoïsation est la pire des prisons. Le nationalisme n’est pas une fierté en lui-même. Le chauvinisme est un assassinat de toute nation qui espère bouger et avancer.
La sécurité culturelle, ce n’est pas le repli sur soi, mais plutôt apprendre aux citoyens les langues, leur offrir des films, d’autres supports culturels, des livres, des débats ouverts et respectueux. Par cette pluralité, par cette diversité, le citoyen arrive, par la suite, à comprendre sa spécificité culturelle et à l’aimer humainement et positivement.
En réalité, il n’y a pas de sécurité culturelle, mais une acculturation permanente. Les cultures vivent en cohabitation continue.
C’est absurde : on a peur pour notre religion, on a peur de notre Dieu ! Vivre sereinement sa religion ne signifie pas combattre les autres religions ou les autres religieux. Aimer Dieu et non pas avoir peur de Dieu !
Les villes algériennes sont désertes, aucun étranger européen, américain ou autres ne déambule dans les rues et les ruelles, dans le Nord ou dans le Sud, et c’est triste. Les villes sont remplies de fantômes.
Depuis l’enfance, ils nous ont inculqué cette peur de l’autre. C’est la présence de l’étranger, autrui, d’une façon ou d’une autre, qui réveille en nous le sens de la compétition, le sens de l’aventure. C’est cette présence qui provoque en nous l’émulation positive. Le sens de l’autocorrection, de la révision.
On est nous-mêmes, fiers de nous, quand on a l’autre comme partenaire, comme miroir ! On s’ennuie sans la présence de l’autre. Le différent nous apprend à rêver, à imaginer, à voyager, à combattre la maladie de l’autosatisfaction et le chauvinisme.
___Par Amin ZAOUI___