Ma toute première classe
- Par algermiliana
- Le 02/12/2020
- Dans Le Coin de BELFEDHAL Abderrahmane
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L’Enfant n'est pas un vase que l'on remplit mais une source que l'on laisse jaillir... «Citation»
BONSOIR À TOUTES ET À TOUS
BONSOIR MAÎTRE
Il y a longtemps, très longtemps, avant de rejoindre l'école indigène. Je revois encore ma petite classe si modeste avec ses lawhates, avec ses vieilles nattes et ses murs peints au bleu et au vert et une petite fenêtre qui selon les saisons laissait apparaitre le souffle des temps.
Ma classe était vieille dans le cours des âges, elle était même vieille par rapport à la naissance de l'école indigène qui disposait de tout un arsenal lié à l’état civil, au registre des inscriptions et aux manuels scolaires. Doté d’une cantine et d'un cinéma de fortune, elle représentait aux yeux des enfants indigènes les merveilles d'un autre temps. Depuis l'ère lointaine, à ce jour, elle garde jalousement son nom de LICOULE LAARAB, tandis que LICOULE FRANCISSE, juchée sur les hauteurs du Nador assurait exclusivement pour les enfants de souche française, les cours d'initiation et du primaire dans des conditions dignes de leurs semblables implantes dans l’hexagone.
Si les temps entre les deux écoles étaient répartis selon les mêmes horloges saisonnières, la différence était de taille allant du simple habit, aux programmes enseignés et jusqu'au virement vers la vie active.
Mais, avant cela, qu’en est-il de ma classe réglée aux échos des voix qui s'élèvent haut dans le ciel, perpétuant les versets coraniques sans pour autant saisir la portée réelle car l'heure étant réglée au parcoeurisme Nous y voilà au seuil de la classe et que pour renter on prendra le soin de nous libérer de nos chaussures.
Sbah el kheir sidi, Sbah el kheir sidi, sans attendre un instant, déjà le chotrog s'était mis à broyer l'atmosphère, alors que sidi, par sa voix ferme annonçait le commencement de la journée.
« tchrak » « tchrak », Haya kraw, Haya kraw, la journée s'était mise en marche de façon chaude et décidée animée de bout en bout par les petits taleb appelés gnadizes.
Le Chotrog est un bâton léger dont le bout est rattaché à une queue de bœuf bien séchée au soleil méditerranéen. Pour écrire, les plumes sont taillées dans le bambou et l’encre est obtenue suite à une fusion de l’eau et de la laine grillée, mixées autant de fois, elles produisent un extrait noirâtre. L’extrait soumis à de petites doses d’eau, remué à outrance, il devient ainsi une encre fluide pouvant reproduire lisiblement les écrits sur la surface polie de la lawha.
L’œil vigile de Sidi, les claquements du chotrog, une récitation tout azimut, rappellent sans doute aucun, que l’on est bel et bien dans une classe coranique.
Alhamdou lilahi rabi l 3alamin, Haya kraw, haya kraw, « tchrak » « tchrak », et l’atmosphère dans son amplitude baignait dans un rythme cadencé que la voix des petits TALEB entretenait en haut et en bas. Ravivée par le regard perçant de sidi qui pour chaque petit taleb n'est que le signal et surtout un sérieux rappel que la récitation individuelle qui se déroulera en fin de journée est décisive et capitale la récitation collective sorte de relaxe marquera la fin de la journée.
Le lendemain matin, la lawha prend sa toilette quotidienne, elle doit glisser heureuse dans l'eau claire et limpide baignant dans la saveur du salsal et toute la joie pour les pieds mignons d'avoir évité les caresses du compagnon d’armes de la fabuleuse falaka, elle est loin d'être une forme de torture tel que ramené par certaines plumes tendancieuse visant à ternir l'image de la religion la plus tolérante.
Cependant dans l’emploi des jours, il y avait aussi des moments de grande joie et de détente. Pour sidi et pour les gnadizes rien absolument rien, n’égalait la journée des sadakates. Le chotrog dans une attitude digne des grands fakirs est momentanément mis en veilleuse, mais si près de sidi. Les nattes brillant par mille feux recevaient gracieusement les exquises de la cuisine traditionnelle. L'honneur est au mbassas, au ftir et au kaabouche.
Sidi, d’habitude au regard franc et taciturne affichait des lors un large sourire et il avait toutes les raisons du monde d’être de la sorte car tout baignait dans la quiétude et la sérénité.
Dans peu de temps, chaque gendouz aura le privilège et l’honneur de glisser dans la main de sidi une jolie pièce de vingt francs. En somme, c’est une belle offrande fruitée d’argent.
Le jour des SADAKATE c’est aussi un jour de grande référence pour le petit TALEB qui, au prix d’efforts titanesques avait enfin soldé un HIZB entier que la mémoire ne manquera pas de retenir de façon claire, nette, et précise.
Une fois l’offrande ayant pris congé, laissant sur place les assiettes d'argile vidées de toute victuaille, sidi d’une main sobre et sereine, usant de crayons noirs et de couleurs, armé de patience, transpose sur la LAWHA un cycle de formes géométriques rappelant en leur état les talismans des époques lointaines.
Une fois l’œuvre achevée, le flambeau ainsi conçu est remis aux honneurs du petit TALEB qui, fort confiant et rassuré, est dès lors fin prêt pour la grande traversée. Le petit TALEB, poussé par l’ardeur de montrer ses capacités de parcoeuriste, s’engage dans un périple qui doit l’amener en compagnie de sa LAWHA et de son HIZB tour à tour vers les ruelles, les rues, et jusqu’aux SOUKIFAS du village. Les habitants à leur tour n’ont jamais perdu de vue cette fierté de récompenser le petit TALEB : « tiens mon fils, tu mérites plus que ça. C’est le CORAN.» le petit TALEB en guise de reconnaissance s’attaque sans faute aucune, et sans aucune hésitation à une récitation digne des grands orateurs.
Beaucoup, parmi les petits TALEB, armés de volonté ardue ont pu au fil des années, rejoindre la soixantième marche.la marche du podium de tous les podiums. « HAYA KRAW, HAYA KRAW », TCHRAK, TCHRAK, une récitation individuelle, une récitation collective et ainsi, chemin faisant, la classe coranique devait quitter son quartier pour une place de choix dans la mosquée. Sidi, fonctionnaire de l’état avait ainsi, perdu de vue les exquises d’antan, ainsi que le tintement des vingt francs. La classe coranique jadis libre et indépendante, est assujettie au règlement régissant les affaires religieuses. Le CHOTROG à son tour fut soigneusement rangé dans la mémoire « d’il était une fois ».
La LAWHA, le SALSAL, et la dwaya à leur tour se sont effacé au profit d’une ardoise magique qui, suite au frottement avec un KALEM invisible, fait apparaitre en sus d’un verset, d’un HADITH, la passion d’aller toujours vers de petites choses nouvelles. Les CHEIKHS dans leur mission d’enseigner la parole divine n’ont jamais dissocié leur devoir du CHOTROG. Cependant un seul a fait l’exception. En guise de traitement, il offrait à ses gnadizes de succulents bonbons à la menthe. Il a pour nom : SI HNINI. Peu de temps après ces moments immémoriaux l'heure était fixée au fameux livre la lecture liée au langage communément appelé ALI OMAR et c'était le commencement d'un autre temps, d'une autre époque, d'une autre façon de voir le monde. L’écho de la cloche, le bruit du chotrog et le glorieux appel de la liberté remontés sur les ailes du temps, nous rappelleront toujours que le passé est la clé de l’avenir.
Tant d'années se sont écoulées et au profond de nous-mêmes, au plus profond de nos souvenirs, sommeille le plus beau nectar de la plus belle fleur qui, trempée dans l'eau claire et limpide avait livré le meilleur d'elle-même. EL MIDAD Une lawha,un kalem, s'élevant au rythme des gestes cadencés nous rappelleront pour toujours que les sadakates bien avant les prodiges de la sociologie et de la psychologie avaient constitué l'un des élements les plus solides dans l'entraide et le rapprochement entre les humains.
Ma classe toute première c est aussi le souvenir poignant de ceux qui nous ont quitté dans l'humilité et la sagesse, c'est aussi cette âme pure qui erre dans le ciel bleu nous invitant sans cesse à nous soutenir et à nous mieux comprendre par la façon la plus naturelle et sans contrepartie. Dans ma classe première, avant d'entrer on se libère de nos chaussures tout en formulant le signe de la paix et je pense que c'est ici que se dessinent les plus belles arabesques d’une fulgurante épopée que la lawha avait transposé depuis les temps illustres.
Commentaires
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- 1. Miliani2Keur Le 13/12/2020
Bonjour AbderrAhmane
Je ne sais pas si nulle part a éxisté une évocation aussi journalistique qu'émotionelle de ce soldat Invisible qui tiens l'Algérie debout debuis المرابطون - les Mourabitounes: Le TALEB - الطالب (celui qui étudie le Coran), La ZAOUIA, avec ses déboires, ses miséres, ses compromissions, ses tendres mésquineries, fût une impitoyable école spirituelle qui a forgé des hommes de trempe, capable de la plus haute Affection autant que du plus haut sacrifice. La Zaouia aujourd'hui corrompue jusqu'a la détrempe par la bigoterie ambiante et le soudoiement politique.
Merci pour le détail, a profusion, toute cette symbolique mystique du Taleb, devant produire sa plume, son encre, versifiér sa Tablette - Louha, pour enfin livrer tout son effort à l'argile et a l'eau éssentiels et regénerateurs,, et se faire marteler, quotidiennement, la vanité de l'étre, le sublime de l'effort, école du Jihad : le vrai, l'intérieur, le grand, الأكبر . Combien cette modeste Lawha fût le bouclier qui à anéanti tant de menaces, tant de rivalités sociales, et Oh Combien comme toute notre existence de Nation en voie d'émancipation et de désalienation, nous devons complétement reprendre et réciter, renarer, jusqu'au tournis, jamais assez, jamais assez, ce patrimoine et le redistiller ...
Oui le Guendouz (Taleb ou étudiant) est encore viable, a nous de le réinventer, Néo-Mourabit il semble étre la seule menace au DollarDjihadiste, incubé par Lawrence d'Arabie dans les fioles du CIA avec le pognon des rejetons Omeiades!
Merci Si BelFedhal pour ce fragment de mémoire!
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