Nos mamans d'autrefois...
- Par algermiliana
- Le 11/09/2016
- Dans Le coin de Djillali DEGHRAR
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Jadis, les mamans d’autrefois sont également comme aussi les mères d’aujourd'hui. Devenues, inévitablement, comme une industrie de production d’enfants, des travaux ménagers difficiles et durs. A cela s’ajoutent d’autres épouses. Elles subissaient le dictat du père ainsi que celui de la mère. El Adjouza comme on adore la surnommer. Elle était là, présente, autoritaire, la maîtresse incontestée des lieux. Gare aux épouses indisciplinées, désobéissantes et surtout rebelles.
Ces femmes, comme ne cessait de le répéter et de le décrire si bien ammi Makhlouf, se bataillaient comme des forcenées, elles étaient au four et au moulin pour non seulement combler leur mari mais également satisfaire la Djedda qui fut et reste la patronne des lieux.
Ammi Makhlouf, d’un âge dépassant largement les 80 ans. Trapu, un peu gros, fier de sa moustache, mal entretenue, qui déambulait le long de ses lèvres. Ses cheveux blancs furent cachés par une chéchia qui de temps à autre ne cessait de la remuer. Pour laisser enfin ses doigts se faufiler afin d’atteindre les endroits qu’il tente vainement d’y accéder pour de se soulager après un simple grattage.
Il était assis, au même endroit, toujours comme à l’accoutumée. Il plaçait sa canne d’appui de telle sorte qu’il ressente une position adéquate et lui permettait de s’assoir convenablement. De temps à autres, il changeait de position.
On allait souvent à sa rencontre parce qu’il était une personne âgée et admirable. Il savait donner une dimension à tout ce qu’il entreprenait et à tout ce qu’il disait. Par contre, nous, on savait parfaitement l’écouter comme un homme avisé.
Actuellement malade, les maladies chroniques ont eu raison de lui. Sans oublier deux grandes opérations chirurgicales lourdes qui ont eu comme conséquences de graves séquelles dont quelques unes sont encore visibles.
Il ne cessait de nous raconter et décrire son parcours de passé pleins d’histoires, de joies, surtout de regrets et de tristesses. Soudain on voyait, sur le coin de l’œil droit, juste au dessous de la paupière tomber quelques gouttes de larmes qu’il arrivait à peine de dissimuler. D’un coup de revers de la main gauche, il effaça ces larmes. Ces larmes résument toute sa vie. Après quelques instants, son visage s’est de nouveau éclairci et s’est transformé en devenant tout rouge. Un long silence s’en est suivi. On voulait changer de discussions, il s’est opposé en disant ceci :
Vous connaissez ma femme Zahra qui est comme vos mères. Khalti Zahra. Une vieille grand-mère, sa santé fut ravagée par les multiples travaux de ménages de l’époque. Ce n’était pas comme ceux d’aujourd’hui mais, traire les vaches et les chèvres, laver le linge (pas celui qu’on possède maintenant) mais celui qui vous fasse plier en deux. Préparer la manger pour un grand nombre de personnes. Préparer et rouler le couscous, changer la paille pour les animaux et leur donner à manger. Préparer le pain, Pas tricoter mais tisser des tapis voire des vêtements pour l’hiver tels que la Kachabia, les tapis etc…Une véritable usine, c’était difficile et ardus. Des travaux durs et même très pénibles du matin au soir. En plus elle devrait faire face non seulement à ses rivales, disait il, qui étaient mes trois autres épouses mais également à ma mère qui était la patronne et la maitresse des lieux. Un véritable gendarme faisant respecter comme le code de la route et autres Je demande souvent à Khalatkom Zahra, ma femme, de me pardonner, conclut-il...
Les trois autres épouses sont mortes et Zahra s’en est sortie indemne de ce calvaire, néanmoins avec des séquelles dues à beaucoup de maladies. Parmi les séquelles qui ont dévasté son corps furent les accouchements au nombre de 15. Mettre au monde dans ces conditions, c’était terrible. Vous vous rendez compte ? 15 accouchements durant sa jeunesse, c’est incroyable. Les femmes de nos jours avec 2 ou 3 gésines, sortent complètement disloquées. Parmi les 15, il y a effectivement des enfants morts nés, d’autres meurent avant la date limite. Par contre, la maman elle est là, elle subie et en silence. Elle était confrontée à beaucoup de problème de travaux ménagers qui étaient très encombrants, ennuyeux et pénibles En plus et surtout le fait de n’avoir que des filles. Alors, il fallait qu’elle s’efforce et s’agrippe pour enfanter uniquement des enfants.
Beaucoup d’efforts furent accomplis et consentis afin de paraitre la plus normale parmi les autres. Les autres épouses se moquaient et ironisaient sur celles qui gésines uniquement des filles et c’est là le branle bas. Laissons de coté les accusations et les diatribes. Heureusement que les maris de l’époque étaient adroits, aptes et robustes, ils ripostaient à n’importe quelles éventualités et ou complications liées à cette charge de production et qui sont devenues malgré eux des rituels. Et c’est tout.
Actuellement, khalatkom Zahra vit avec des maladies chroniques comme moi, poursuivit-il, elle aussi avait fait une lourde opération chirurgicale. Ce qui fait que son corps ne répond plus, elle est là, fragile, n’entend pas bien, incapable de faire des efforts ne serait-ce que pour subvenir à ses propres besoins et également aux miens. Elle est devenue maladroite. Ce qui était encore difficile et insurmontable.
Lorsque cette mère va accoucher une énième fois au niveau de l’hôpital, son petit enfant, de surcroit malade voit sa mère partir. Dans sa tête, il ne sait pas où ils vont l’emmener, alors que lui en a fortement besoin d’elle. Cependant, elle, qui savait pertinemment où elle allait mais elle ne sait pas si elle va revenir ou non pour s’occuper de son enfant. Qu’adviendra t il de son enfant malade ? Beaucoup de questions sans réponses. Abondamment de douleurs sans remèdes.
Beaucoup de maladies et pas point de vie meilleure et distinguée, poursuit-il. Nous sommes tous les deux en train de percevoir l’intonation et la souffrance de nos multiples séquelles émanant des maladies chroniques ou bien celles générées par les opérations. Nous vivons avec une pension de la pauvreté de qui est celle de la vieillesse !!! Une véritable misère.
Je lui demande de me pardonner encore une fois. Je pouvais lorsque j’étais jeune de lui épargner pas mal de souffrances mais hélas c’était la loi du silence. Celle de ma mère qui était incontestablement la maitresse des lieux sous toutes ses formes les plus attendues. Chaque fois que je voulais lui épargner quelque chose, on me rajoutait une épouse. Donc, je me taisais et je suis devenu malgré moi un complice.
Toutes les familles disposaient de cette configuration de vie. Néanmoins, personne ne pouvait changer quoique ce soit, c’était comme cela et pas autrement. Parmi les jeunes épouses, celles qui ne pouvaient suivre ce rythme infernal étaient appelée à quitter les lieux, c'est-à-dire le divorce, elle devrait être automatiquement révoquée. C’était une honte pour sa famille et ses proches. Elle devrait justement être à la hauteur des attentes de ses parents en acceptant tout. Même procédé que celui de la « Casa Nostra » Travailler et produire en point c’est tout. La seule récompense pour ces femmes c’était de voir grandir autour d’elle sa progéniture. C’était cela sa vraie récompense. Le reste fut toujours éphémère.
Ma mère, comme la mère de mon ami Youcef, possédaient les mêmes stigmates que ceux de khalti Zahra, subis lors de leur jeune âge.
Moi aussi j’ai laissé dégringoler une larme, peut être, par solidarité avec ammi Makhlouf. Il disait qu’il possédait ce secret dans son cœur et qu’il ne pouvait le garder tout seul. Il fallait qu’il le fasse évacuer un jour, faire ressortir ces cauchemars et ces visons de sa tête, sinon il crèvera tôt poursuivit- il.
A en croire et voir, poursuivit ammi Makhlouf, Actuellement, au niveau des plages et au niveau des stations thermales, on constate des jeunes filles accompagnées avec des vielles dames, qui au bord des plages – et au niveau des stations thermales, même à l’étranger-, en train de s’épanouir et profiter des bienfaits de la nature. Par contre, ma Zahra et vos mères continuent de souffrir et d’endurer en silence. Espérons que Dieu nous pardonnera et les soulagera de leurs maladies et de leurs séquelles.
C’est vrai que les enfants de ces pauvres vieilles mémé peuvent les emmener se désaltérer dans ces lieux paradisiaques, néanmoins le mal est encore profond et rien ne pourra leur colmater les blessures d’antan. Elles sont là présentes, les yeux hagards, l’esprit ailleurs, le sourire subsiste mais il est lui aussi absent. Dès fois, nous n’arrivons pas à les comprendre, elles parlent de cela alors qu’elles réfléchissaient à autres choses. Le codage de leur esprit est complètement perturbé.
Ces mamans d’autrefois ont mis au monde de jeunes filles et jeunes garçons qui ont grandi. Ils ont reçu des titres voire des diplômes. Des ingénieurs, des médecins. D’autres sont devenus des cadres de la nation. Néanmoins, on constate malheureusement, à travers les coupures de presses que des parents sont emmenés, par leurs enfants, vivre au niveau de ces auspices de vieillards. Voila la récompense, après tant de sacrifices.
Il existe beaucoup de Khalti Zahra dans notre pays et même dans le monde, nous espérons que Dieu saura un jour non seulement les récompenser et colmatera leurs blessures mais également leur préserver leur dignité. Nous espérons que Khalti Zahra saura pardonner aussi à Ammi Makhlouf…
Commentaires
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- 1. Miliani2Keur Le 13/09/2016
Salam Khouya Djillali et Saha Aidek Bezzaf Bezzaf...
Ton texte est si dense qu'il demande une 2éme, voire une 3eme lecture, le sujet lui est un puit qui mérite tellement de réflexions sur nos méres, nos grand méres - je ne sais pas Djillali si le progrès n'a pas éte aussi un désastre sur la santé de nos "femmes" (et nous bien sur); on se souvient surtout que beaucoup de nos anciens mourraient d'usure (de mort naturelle) ... ceci est un detail parmis d'autres!
Saha djillali pour cette production- a enrichir!
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