Un président pas comme les autres
- Par algermiliana
- Le 13/12/2016
- Dans Le coin de Djillali DEGHRAR
- 2 commentaires
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De nos jours, on observerait mal un président de la république, celui d’un état souverain, vivre ainsi. José Mujica, appelé affectueusement Pépé, l’ex président de la république de l’Uruguay était délibérément le plus pauvre au monde.
Il avait choisi de vivre humblement, comme il avait vécu auparavant. Il n’accordait aucune importance aux privilèges qui accompagnaient le poste qu’il occupait ; celui de président de la république de l’Uruguay (2010-2015). José Mujica dit Pépé était le symbole d’une nation, il incarnait à lui seul ce Robin des Bois dont sa génération en rêvait.
Pépé Mujica, né dans une famille de paysans pauvres, il a toujours voulu souhaiter vivre et rester au milieu des plus démunis. Cependant, s'il s'est engagé et a milité depuis son plus jeune âge, c'est effectivement pour défendre les plus pauvres et les plus opprimés ! Au fin fond de cette banlieue pauvre de Montevideo, au Paso de la Arena, tout le monde connait José Majica, tendrement surnommé, et à plus de 80 ans, « Pépé Mujica ».
« La maison du président ? C’est là-bas, au fond du chemin de terre ! Vous voyez ? C’est la petite maisonnette au toit en zinc vert avec des poules devants ! » Répond ce jeune adolescent, oh combien chanceux d’être le voisin du grand Pépé. Aux nombreux passants qui cherchaient la demeure du président. Il vit depuis plus de 20 ans dans cette sobre petite maison rurale de 45 m2 avec sa femme Luca et sa chienne handicapée, à trois pattes, Manuela.
Parce qu'il a été ce Président de la République d'Uruguay de 2010 à 2015 ! Il n'a jamais quitté cette baraque, même lorsqu’il était le chef de la nation ! Ainsi, il était impossible voire impensable de les quitter et/ ou de les délaisser, et cela, même lorsqu’il était Président. Les richesses de la République et le Palais présidentiel, étaient trop luxueux pour lui !
Prisonnier de l’autoritarisme pendant 10 ans dont 2 ans au fond d'un puits.
Lorsqu’il avait l’âge de 15 ans, et plus précisément en 1950, le jeune José, orphelin de père à 6 ans, entreprend à s’engager contre la pauvreté et la tyrannie.
Durant les années 60, face à la montée des groupes paramilitaires qui veulent prendre le pouvoir dans son pays avec fermeté, agressions, enlèvements et assassinats, José Mujica est un des concepteurs, avec Raoul Sendic, du groupe emblématique des Tupamaros. Sortes de “Robin des Bois” uruguayens. Les Tupamaros s'étaient donné pour devoir et obligation (sorte d’AAHAD) de protéger le peuple et de détériorer la montée des groupuscules. En 1973, alors que la dictature militaire fait rage, il est fait “prisonnier-otage” par les militaires, il fut emprisonné dans des conditions intolérables.
Torturé, et mis à l'isolement total, il sera détenu pendant plus de 10 ans, dont 2 ans au fond d’un puits. Il en sortira en 1985, complètement fou. Une folie et un procédé marquant dont il fera curieusement sa plus grande force.
"C'est étrange, dit-il aujourd'hui, mais l'homme apprend parfois plus dans les moments difficiles que dans les moments de bonheur. Ces années noires ont été horribles, par contre, elles m’ont apporté beaucoup de choses : sagesse, réservé, avec des prises de décisions importantes voire nécessaires au moment propice et favorable. » Un silence, puis : “Par exemple, je ne sais plus haïr. Vous connaissez le luxe de ne pas haïr ?”.
Elu Président, il fait redistribuer les 90% de son salaire à des organisations caritatives.
A sa sortie de prison, le Tuparamo reprend le combat, un combat plus pacifique cette fois-ci mais toujours aussi infatigable et sans pour autant faire des concessions. En 1994, il devient député. En 1999, il est élu sénateur et est réélu aux mêmes fonctions en 2004. Tout en continuant de travailler comme agriculteur. En 2010, consécration d'une vie au service de son peuple, il est élu Président de la République.
Fini donc la maison de prairie et le dur travail d’agriculture ? Et la bienvenue au confort présidentiel, aux voitures de fonction, au luxueux Palais présidentiel et aux très confortables émoluments de la République ? Pas du tout ! En tout cas ! Ce serait bien mal connaitre Pépé Mujica !
Dès le lendemain de son élection, il fait connaitre à ses sujets du Protocole, qu'il est hors de question pour lui d'habiter au Palais présidentiel. Trop riche pour lui ! Il restera dans sa baraque, en point c’est tout ! Mais il rassure, comme même, son monde : la demeure présidentielle continuera à servir, et, il s'y engage. En 2012 par exemple, lors des très fortes perturbations atmosphériques qui ont saccagé fortement une partie du pays, Alors, il la fait inscrire comme refuge pour les S.D.F (sans domiciles fixes) !
Il avait également refusé toutes voitures de fonction qu'on souhaite lui mettre à sa disposition. Sa Coccinelle, bleue achetée en 1987, lui suffit largement, affirme-t-il. Il décide également de faire redistribuer les 90% de son salaire mensuel de Président à des associations caritatives, tout en étant très heureux de garder les 10% restant, soit l'équivalent de 900 euros, montant du salaire moyen en Uruguay.
L'apologie, non de la pauvreté, mais celle du partage et de la sobriété
C'est le 1er mars 2015 que Pépé Mujica a mis fin à ses fonctions présidentielles. Non pas qu'il en avait assez ! A 80 ans, il est encore en pleine forme ! Rien ne vaut l'amour de sa famille, de ses amis et de ses chiens pour vous conserver un homme ! Mais la Constitution de l'Uruguay ne permet qu'un seul mandat présidentiel de 5 ans. Pépé Mujica est donc retourné vers sa demeure, tranquille, aimable, avec le sens du devoir accompli, à ses fleurs et à son jardin, au fin fond de sa banlieue et surtout aux côtés de ses amis.
Quand on lui demande ce que cela lui fait d'être l'ex-Président le plus pauvre au monde, il hausse les épaules. Il dira : « Beaucoup de personnes sont pauvres, très pauvres même, de par le monde. Moi, je ne suis pas pauvre, j'ai juste décidé de vivre de manière économe pour être plus proche de ceux qui le sont. Je ne fais pas le plaidoyer de la pauvreté, mais celui du partage et de l’austérité ».
Est-il satisfait de ce qu'il avait fait, de l'exemple qu'il avait pu et su donner ? Il lève les yeux au ciel. Il dira aussi : “J'ai fait ce que j'ai pu... J'ai passé une grande partie de ma vie à essayer d'améliorer la condition sociale du monde dans lequel je suis né. J'ai eu quelques déconvenues, de nombreuses blessures, quelques années de prison.... Enfin, la routine pour quelqu'un qui veut modifier la donne du monde… »
Vos projets dans l’avenir ?
“Continuer à vivre le plus longtemps possible ! C'est un miracle que je sois encore en vie après tout ce que j'ai vécu ! Et puis lire aussi, lire beaucoup ! J'ai passé plus de 10 ans dans une cellule dont 7 sans pouvoir lire. J’ai beaucoup de retard à rattraper ! ».
Je te souhaite encore de longues années de vie et de lecture, Pépé Mujica, et je te serre avec émotion contre moi. Tu es l’espoir de ton peuple. L’incarnation d’un président modeste mais conscient des réalités qui l’attendaient. A bientôt Pépé José Mujica.
Commentaires
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- 1. Ahmed LABDI Le 14/12/2016
Un sujet à la hauteur de celui qui l'a écrit. Tu nous fascines, monsieur Djillali, tu nous épates toujours avec tes trouvailles, tes recherches pour nous faire goûter, comme Farhaoui et bien d'autres intervenants, de visions nouvelles pour donner à ce site un goût toujours meilleur qu'une première fois. J'ai dans ma sacoche des idées à faire passer mais je suis, pour le moment un SDF de l'Internet. Un SOF s'entend mieux (Un Sans Ordinateur Fixe) L'inspiration me vient le soir mais sans le PC,on n'y peut rien. Je ne peux m'attabler dans un cybercafé plus d'une minute sans être interpellé et puis là, je ne peux pas me concentrer sur aucun sujet. Merci Djillali, merci Ferhaoui, merci Chantal, Merci Keryma, merci Miliani2keur....merci tout le monde même les lecteurs. Et puis un grand merci à notre grande dame Noria pour tout ce qu'elle fait à l'ombre. Merci tout le monde pour tout ce que vous faites. Bonne continuation. Ahmed le bourlingueur. -
- 2. Chantal Le 13/12/2016
Bonjour Djillali,
Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais entendu parler de cet homme absolument exceptionnel qu'est José Mujica ! Un parcours de vie exemplaire, notamment par ses capacités de résilience hors du commun. Quel dommage que les grands de ce monde ne possèdent pas ses immenses qualités de sagesse, d'intégrité, d'humilité et d'amour du prochain. A vrai dire ... je ne pensais même pas qu'un Président de la République tel que lui pouvait exister !
Merci à vous Djillali de me l'avoir fait connaître.
Bonne soirée à tous.
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