Sens, Contresens et Non Sens
- Par Meskellil
- Le 01/06/2024
- Dans Le coin de Meskellil
- 6 commentaires
Il est des mots qui ouvrent à la vie, qui donnent la vie, il est des mots qui étouffent la vie, qui tuent la vie. Il est dit que « Là où la vie est authentique, la tension existe toujours ». Les mots ne sont bien entendu pas neutres, mais situés socialement. Et dans un texte écrit donné, le sens n’est pas donné une bonne fois pour toutes, il n’est pas univoque. Un texte est construit ou plutôt reconstruit par l’interprétation, les interprétations qui peuvent en être faites en fonction de la manière dont cela résonne en chacun, selon les représentations qu’il a de lui-même, de son environnement social, culturel…,de son histoire de vie, de ses expériences, de ses connaissances…, du monde dans lequel il vit et de la manière dont il le perçoit. Les interprétations sont inévitables, et chacun interprète selon ce qu’il est. C’est là que réside tout l’intérêt, toute la richesse d’une communication. Dans un écrit, le sens n’est pas incorporé dans le mot. Chaque expression dépend de l’usage qui en est fait et de son interprétation. Comment pourrait-on sinon expliquer autrement les changements dans le sens d’un mot, ou les controverses entre les personnes qui lisent ces mots, les interprètes ?
La pensée trouve à s’exprimer par le langage qui n’est pas seulement outil de communication, mais aussi outil de réflexion. Dans l’expression de cette pensée intervient aussi un langage inscrit profondément en chacun, et qui est celui des représentations mentales, des constructions mentales, des images mentales. Lorsqu’on lit un roman, on se représente les personnages, leurs actions, les décors. De la même manière, les images matérielles que sont les dessins, peintures, photographies sont des traductions externes de l’imagerie interne. Des constructions subjectives propres à chaque personne.
À cet égard, le but de la communication n’est-il pas de réussir à mieux se comprendre ? Lorsque nous communiquons, nous sommes persuadés que ce que nous disons est compris tel que nous l’avons exprimé par les autres, de même que les autres sont persuadés que ce qu’ils ont compris est exactement ce que nous leur avons dit ! Pourtant, la réalité est bien différente pour chacun !
Peut-on éviter les interprétations d’un mot, d’un texte, d’une expression ? Oui, bien sûr ! Lorsque l’on recherche le consensus pour éviter tout achoppement, le langage devient un outil de communication neutre et indifférent aux rapports sociaux. Nous communiquons sans vraiment le faire puisque nous sommes tous d’accord ! Il ne subsiste plus aucune brèche, plus aucun espace d’interprétation ! Cela devient un langage neutre et informatif. Dans la communication consensuelle, Il n’y a plus lieu d’avoir la moindre réflexion, d’exercer la moindre critique puisque tout le monde est dans le consensus, et veille à le maintenir. Il ne subsiste plus aucune place pour une quelconque créativité !
La relation à l’autre dans tout cela ! Quelle est-elle ? Je reviens à nouveau à Carl Rogers et à ce qu’il dit concernant les trois attitudes fondamentales qui conditionnent l’entrée en relation avec l’autre :
Une compréhension empathique et exacte du cadre de références interne de l’autre avec les composantes émotionnelles et les significations qui s’y rattachent ;
Une considération positive inconditionnelle consistant à accorder une valeur positive à toutes manifestations de la personnalité de l’autre et ce, à travers une écoute attentive, dépourvue de jugement ou d’évaluation ;
Enfin, une congruence, reflet du degré d’authenticité dans la concordance entre ses propos et ses actes, l’accord entre ce que l’on ressent et son comportement manifeste.
L’empathie confirme à l’autre qu’il existe en tant que personne autonome, dotée d’une valeur propre et d’une identité.
Pour conclure ce chapitre, je dirais que les mots sont polysémiques, qu’un texte autorise une multitude de sens en fonction des représentations, des constructions, des images mentales de chacun façonnées par son contexte social, culturel, son histoire de vie, ses expériences, ses connaissances….Les mots allument la lumière dans les palais de nos cerveaux comme le dit cet auteur. Les mots peuvent nous blesser ou aussi nous aider. Les mots ne transmettent pas que des informations, mais aussi des émotions. Il est question non de « vidange émotionnelle », mais de « partage social des émotions » dont les bénéfices ne sont plus à démontrer. Nous sommes tous divers, différents, pluriels. Cette diversité, cette différence, cette pluralité devraient constituer notre force et notre richesse, et s’il y a un maître mot, une valeur maîtresse à ne jamais occulter, cela devrait être le RESPECT de l’autre à défaut de compréhension, de bienveillance, de tolérance.
Sous forme de boutade ou de caricature si on préfère, cette vidéo et son titre "Le Plaisir des Sens" (politiquement très incorrect). Surtout ne pas se laisser « piéger » par ce qui peut paraître tomber sous le sens (expression qui s’écrivait d’abord "tomber sous les sens" pour signifier "être directement perçu par les sens").
« Le Plaisir des Sens »
(Vidéo à ouvrir à la suite du texte ci-dessus, merci beaucoup)
Commentaires
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- 1. Meskellil Le 07/02/2015
Bonjour cher ami Mourad,
Bonjour à tous,
Merci pour votre expression, aussi bien le poème que le commentaire concernant l'écriture, ses origines, ses visées dans lesquelles je me retrouve pleinement. Cela reste mon interprétation, et n'engage que moi bien sûr. Merci également pour le poème d’Aragon interprété admirablement bien par Ferrat chanson magnifique ! Donc en choeur« Heureux celui qui meurt d’aimer »
Je précise par ailleurs que je ne suis pas seule contre tous. Je suis seulement comme tout un chacun, chacune, avec tout ce qui fait que je suis ce que je suis, et surtout que je ne mène aucun combat solitaire contre les autres, ou contre tous:. "Nous sommes tous divers, différents, pluriels. Cette diversité, cette différence, cette pluralité devraient constituer notre force et notre richesse" -
- 2. kéryma Le 07/02/2015
Cher Mourad,
Merci pour ton poème Mourad, je le trouve assez mélancolique, il pourrait contenir un message flottant dans les airs emporté par cette bise bien glaciale, mais un poème si beau que je lis et relis à voix haute car j'apprécie encore plus!
Bien à toi cher ami,
Kéryma, -
- 3. ferhaoui Le 06/02/2015
bonjour mon cher ami mourad z, j'ai lu et relu votre texte avec un plaisir inchangé ! je suis sincères dans mes propos... dans un laps de temps j'ai pensée aux élèves et aux professeurs qui baillent devant ce paysage merveilleux.car une vieille habitude, dont je ne me déferai sans doute jamais, loin de toute flatterie j'ai toujours savouré vos textes et commentaires et ils m'enchantent! l'ami ferhaoui, oran -
- 4. Mohamed Le 06/02/2015
Enfin ! tu es revenu .Je m’inquiétais fort pour toi .Dis moi et cette conférence de Meskellil est ce qu'elle avait un sens. Oh ,oui GM elle parlait de tous les sens . Tu as saisi au moins un sens d'elle Fiston . Je peux me vanter d'avoir été le premier à lui répondre par un une lettre anonyme mais dans le sens où j'ai eu trop et beaucoup de peine à comprendre son sens . Tu me fais rougir au moins je pourrais dire à tout le monde que mon Fiston a tout le bon sens d'une future lumière dans le savoir du sens .Ah GM et si tu savais aussi comment j'ai concentré tous mes sens pour chaque parole qu'elle prononçait.même si elle n'avait aucun sens pour moi Était- elle à la hauteur d'avoir tenu tête à ces gens sensés venus l’écouter . . Il fallait la voir GM seule contre tous ,elle répondait à ces interlocuteurs dans tous les sens. Elle nous a même fait à la fin de sa séance du cinéma sur le sens . Elle a fait venir un homme qui parlait pour faire rire les gens ; il dit qu'il n'avait pas trouvé aucun sens pour traverser et continuer sa route . Mais Fiston , rire de nos jours dans une conférence je crois que ce n'est pas sensé et 'y aller ça n'a plus aucun sens . Mais Essaie de ne pas oublier le sens du thème de cette conférence d’aujourd’hui elle te sera utile plus tard .GM tu me fais penser ,je crois que je vais me lancer dans ces conférences ça rapportre gros . Du moment qu'elle a un sens pour toi vas y rien ne t'empeche d'etre comme Meskellil . -
- 5. ZOUAOUI mourad Le 06/02/2015
LES MOTS
Malgré moi,souvent,je me sens soumis
Aux rites obscurs ,jadis révérés ,
Lorsque les tribus subissaient l emprise
Des mots primordiaux jamais proférés.
Je sens vivre en moi l ame primitive
Des etres d instinct,aux sens aiguisés,
Qu un culte magique enchaine ,captive
Et livre au destin qu il faut apaiser.
Car comme eux,je crois qu il est des paroles
Qu il faut craindre et taire ainsi qu autrefois ,
Lorsqu on voilait les traits des idoles ,
Inspirant l extase ou jetant l effroi.
NB / POESIE FRANCOPHONE D EGYPTE -
- 6. ZOUAOUI mourad Le 06/02/2015
Bonsoir MESKELLIL,
Pour ma part, j utilise le français bien que j essaie de suivre avec énormément
d attention ce qui se fait en arabe ,tamazigh ,anglais .....
L écriture est fondamentalement intention de communication ,poétique de relation.Elle se déploie toujours en destination de,en direction d un plublic potentiel ou privilégié.
Je me dis qu un beau jour,lointain ou proche ,je n en sais rien,il y aura une rencontre entre ce que nous tentons de faire et un public dont l imaginaire sera libéré ,et qui aura appris à déchiffrer les signes ,à anticiper et à produire du sens.
Pourquoi l écriture ? Moi, personnellement j ai d abord ce rapport amoureux avec les mots .L écriture est pour moi, fondamentalement un jeu.IL y a des gens qui bricolent ;d autres aiment les belles voitures ; moi, j aime les mots,je n y peux rien. Il faut etre terriblement insatisfait de la réalité ,pour se plier à la discipline de l écriture ,pour recourir à l invention d une autre réalité.Il y a le jeu,l amour des mots et en ce qui me concerne ,il y a le moment historique que nous sommes en train de vivre ,moment qui nous condamne à vivre une sorte de polyvalence ,à nous inscrire
dans des champs de registres et des thématiques différents ,pluriels.....
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