Mohamed ARKOUN: la pensée libératrice en acte
- Par zethos
- Le 15/03/2015
- Dans Le coin de Mourad ZOUAOUI
- 3 commentaires
Penseur majeur de notre temps, Mohamed Arkoun, trop souvent incompris dont l’ensemble de l’œuvre reste à découvrir, fut un passeur infatigable, entre peuples, cultures et religions.
Tout son travail a été de penser l’islam en tant que système culturel et religieux. De mettre au jour " l impensé" et «l’impensable" .De combattre "les ignorances institutionnellement organisés», et de dénoncer l’instrumentalisation de la religion par ceux - États et fondamentalistes-qui ont font un outil de pouvoir et de domination des peuples. Pour lui, un fossé profond et, semble-t-il, irréversible est creusé entre ce que les musulmans appellent "PAROLE DE DIEU" et le discours actuel de l’islam. Partout, c’est le mot-valise "ISLAM" qui est convoqué. Mais les musulmans oublient souvent qu’en disant "ISLAM" ils désignent les constructions théologiques, juridiques, mystiques et autres élaborées par les hommes après l’installation de L’ISLAM comme instance de référence. Constatant que les religions ont joué un rôle prépondérant dans le développement et le contrôle épistémologique des cultures, Mohamed Arkoun estimait qu’elles devaient être soumises à une enquête " déconstructive", puisant dans toutes les sciences humaines aujourd’hui disponibles.
Mohamed Arkoun qui fut un Éminent Penseur a ainsi mené une œuvre de "déconstruction "de tout ce qui a été sacralisé depuis des siècles. Ce faisant, il a pris à contre-pied l’esprit apologétique qui domine les discours des musulmans sur leur culture et sur leur religion. Il s’est également montré sévère à l’égard de l’islamologie classique, dont il contestait l’approche "descriptiviste".
Un abord qui, selon lui, ne tient pas compte des systèmes de pensée sous-jacents à toutes les productions de la Tradition musulmane, et qui laisse un champ de ruines aux croyants. Selon Mohamed Arkoun, il faut étudier l’histoire comme une anthropologie du passé, et pas seulement comme un compte rendu narratif factuel .Mais l’entreprise de ce grand ISLAMOLOGUE et PHILOSOPHE ne s’est pas limitée au religieux. Elle n’a eu de cesse d’interroger tous les systèmes de production de sens, qu’ils soient religieux ou non, qu’ils relèvent ou pas de la modernité. Car si la pensée laïque s autorise à convoquer les religions devant sa Cour suprême, il est philosophiquement juste et nécessaire de convoquer la laïcité devant l’instance du fait religieux .Celui ne peut se voir dénier le droit de demander à la raison laïque -souveraine intellectuellement ,politiquement, et juridiquement - de s’expliquer sur sa politique à l’égard de l’instance religieuse comme lieu de production de l’existence humaine.
La geste arkounienne repose sur 3 opérations : transgresser, déplacer, dépasser. TRANSGRESSER les savoirs légués par toutes les orthodoxies, quelle que soit la souveraineté dont elles se réclament.DÉPLACER les questionnements anciens vers des espaces d’intelligibilité plus englobants et plus pertinents. DÉPASSER les cadres et les outils de pensée scolastiques, les connaissances fausses et les systèmes de pensée obsolètes. Pour ce qui est de l’islam, faire œuvre de transgression, c’est sortir celui-ci de son cadre étroitement religieux, l’ouvrir à la philosophie et aux sciences humaines et sociales, l’interpréter par le biais d’autres sciences que celles qui sont retenues par la tradition religieuse.
Ainsi seulement devient-il possible de déplacer l’Islam de son socle et de ses assurances vers une anthropologie plus large, afin de mieux le comprendre, de mieux le connaitre, de mieux pouvoir expliquer ses évolutions.
Pour Mohamed Arkoun, il importait de mettre au jour les présupposés structuraux de " LA RAISON CORANIQUE" ce qui passait inévitablement par ce processus de subversion. Son ambition aura été de décrypter le " DISCOURS" CORANIQUE de lire les procédures d’écriture non visibles. Une dimension qui ne s’identifie pas au texte des sourates que nous avons sous les yeux et que nous récitons, encore moins au discours, qui se veut clair et transparent, de la Tradition.
Une des transgressions que Mohamed Arkoun estimait nécessaire et urgente, résidait dans la reprise de la question de la prophétie léguée par ce qu’il considérait être "LES TROIS VERSIONS DU MONOTHÉISME". Dans les pensées juive et chrétienne, en effet, le Prophète MOHAMMED reste
écarté du statut de la prophétie qui, pour elles, est réservé aux seuls prophètes de la BIBLE.
Mohamed Arkoun dénonçait ce refus de reconnaitre la pertinence du fait historique de " LA PAROLE CORANIQUE DEVENUE LIVRE ". Il invitait à repenser la logique aristotélicienne qui engendre cette exclusion et à relire de façon globale ces trois expressions théologiques héritées du Moyen Age. Au profit de nouveaux espaces de compréhension pouvant rapprocher, par un questionnement commun et partagé, les trois versions du monothéisme. La pensée de Mohamed Arkoun apparait à bien des titres inépuisable. Il développe non pas une " pensée contre la religion», mais une pensée autre de la religion, une pensée libératrice. Laissant derrière lui un immense chantier que toutes celles et tous ceux qui l’ont côtoyé auront à cœur de faire vivre. Car, à l’instar de Michel Foucault, il a cherché inlassablement à percer et à changer " le régime politique, économique, institutionnel de production de la vérité". "Intellectuel révolté», comme il se définissait lui-même, Mohamed Arkoun avait surtout le souci de l’homme et de tout ce qui pouvait faire grandir et protéger sa dignité de personne autonome, libre, responsable. Un véritable humaniste de notre temps. Ce grand penseur aura été aussi un fils de l’Algérie .Mohamed Arkoun aimait l’Algérie profonde, l’Algérie de Saint Augustin et de l’Émir Abdelkader, l’Algérie de sa mère et de son oncle derviche de la RAHMANIA. Il la portait en lui mais ne la séparait pas de l’ensemble de l’espace maghrébin. Il a choisi le Maroc pour dernière demeure en donnant un dernier pied de nez aux" clôtures dogmatiques «de l’esprit .Appelant par ce seul geste à transcender nos frontières politiques et mentales. Une transgression qui a provoqué des polémiques aussi nombreuses qu’inutiles là où son choix avait pour perspective d’ouvrir de" nouveaux horizons de sens action et d’espérance" pour les êtres humains. Et de rendre un ultime hommage à ce GRAND MAGHREB qu’il a tant aimé ............ devant l’instance du fait religieux.
Commentaires
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- 1. ferhaoui Le 16/03/2015
bonjour tout le monde bonjour mon ami mourad zouaoui, c'est la vérité la pure ce que a avancé p'tite soeur meskellil a votre égard elle le dit je sens ca vient du coeur!! en tout admirablement (f d cita) a mon tour de le redire au tant de fois s'il le faut!!! je ne rate jamais de lire vos commentaires et ne me laisse et laissent personne indifférent au reste mon plaisir a été renouvelé avec une telle puissance que j'aimerais que mes amis et amies du cite le relisent, si meme ils l'ont déjà lu. il est dit quelque part: dis- moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es.... il est vrai, mais je te connaitrai mieux si tu me dis ce que tu relis l'ami ferhaoui, oran. -
- 2. Meskellil Le 16/03/2015
Cher(e) ami(e) Mourad/ Liberté bonjour,
je tiens à vous remercier pour toutes les contributions dont vous enrichissez le site. Diverses expressions dans lesquelles sont constamment présentes l’ouverture, la tolérance, la modération, l'altérité… Ces expressions riches et profondes sont autant de supports à la réflexion, à la méditation sur notre rapport à nous-mêmes, aux autres, au monde. Merci encore de votre constante générosité.
Quelques extraits de K. Gibran (Eh, oui, encore… !)
« Vous donnez, mais bien peu quand vous donnez de vos possessions. C'est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez véritablement. Car que sont vos possessions, sinon des choses que vous conservez et gardez par peur d'en avoir besoin le lendemain ? »
« Il est bon de donner lorsqu'on vous le demande, mais il est mieux de donner quand on ne vous le demande point, par compréhension ; Et pour celui dont les mains sont ouvertes, la quête de celui qui recevra est un bonheur plus grand que le don lui-même. »
« Et n'y a-t-il rien que vous voudriez refuser ? Tout ce que vous possédez, un jour sera donné ; Donnez donc maintenant, afin que la saison du don soit la vôtre et non celle de vos héritiers. Vous dites souvent : "Je donnerai, mais seulement à ceux qui le méritent". Les arbres de vos vergers ne parlent pas ainsi, ni les troupeaux dans vos pâturages. Ils donnent de sorte qu'ils puissent vivre, car pour eux, retenir est périr. »
Amicalement -
- 3. Miliani2Keur Le 16/03/2015
Si Zouaoui
Merci De restaurer la pensée -encore a découvrir; de Mohamed ARKOUN, cet esprit autonome, rebelle et prophétique, dénoncé, autodafé et enseveli finalement par tous les rentiers des traditions islamistes, Occidentale, Algérienne, cet "Artificier" de tous les préts a penser : Islamo-Traditionnel ou Materialiste, a l'orgueil démesuré a éte inconsciement censuré partout.
Il est litéralement chassé de son village natal par l'omerta sociale par la bouche de Mouloud Mammeri : triste rentier de Zaouia réactionnaire et par qui (naturellement), le néocolonialisme de l'Amazigh politique débarque en Algérie et coutera ce qu'il coutera a l'Algérie. Lequel (Mammeri) opposant politique "5 étoiles" pur-jus dont l'occident en a la recette, apposera comme base linguistique "Amazigh" le ... dictionnaire de Foucauld, agent Francais, qui mourra justement de la main d'un des touaregs qu'il était censé... "étudier", Triste ironie de Colonisé (ou mémoire appaisée), son "sanctuaire" est un lieu de pélerinage a Tamanrasset!
Superbe pioche Khouya Zouaoui, méme si le texte comporte de l'emprunt pour "Déguanger" le CORAN du texte transcrit..
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