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Des Auteurs et de leurs Œuvres

 

En préfaçant l’ouvrage de Laurent Gagnebin* relatif à la critique de l’ensemble de son œuvre, Simone de Beauvoir devait conclure par : « On me lira mieux, vous ayant lu. C’est de grand cœur que je vous dis : merci ! »Des Auteurs et de leurs Oeuvres

L’ouvrage en question s’intitulant « Simone de Beauvoir ou le refus de l’indifférence » ouvre sur un chapitre introducteur titré au travers « Une vocation » avec en prime, comme cerise sur le gâteau, cette question pertinente : pourquoi Simone de Beauvoir et non Sartre ?

Comme conclusion à cette très courte préface, on ne peut trouver mieux au plan de la réflexion, de la concision et de la précision. L’auteur, objet de la critique littéraire, se donne donc la pleine mesure de profiter de la critique qui lui est réservée et annonce déjà cet effet de synergie entre son œuvre et le titre qui en fait la critique.

Du coup, préfacer sa propre critique relève de ce grand fair-play littéraire dont Simone de Beauvoir s’est drapée pour démontrer le sens de cette capacité à d’abord assumer les observations, remarques, comparaisons et conclusions de son critique littéraire.

L’approche étant remarquablement bien menée. La finalité de ce travail ne pouvait  inexorablement que vraiment plaire aux deux auteurs, celui dont les ouvrages auront été passés au crible en premier.

D’où d’ailleurs, cette petite conclusion en guise de remerciements. De compliments !

Entre ces deux auteurs, l’œuvre de l’un est l’objet d’un diagnostic que contient l’ouvrage de l’autre : son critique littéraire. Quant à lier l’incidence de la critique littéraire sur la lecture de l’œuvre complète de l’auteur objet de cette « rétrospective », il y a incontestablement de la sagesse dans les propos de cette grande Dame de Lettres.

On ne pouvait donc trouver meilleur moyen d’aborder pareil sujet, trop compliqué et assez difficile à cerner dans son ensemble. Surtout que leur avenir littéraire est du coup bien lié.

Cependant cette même question pose problème entre auteurs algériens et se trouve être très différente de l’exemple suscité dans sa configuration comme dans le fond.

La polémique opposant Rachid Boudjedra à Yasmina Khadra, deux auteurs assez prolifiques, du reste, lors de la tenue du Salon du livre (17ème SILA), en donne, en effet, cette preuve irréfutable que la donne littéraire algérienne est vraiment bien différente.

À l’inverse de l’exemple donné en introduction, le climat régnant entre auteurs algériens, à un haut niveau surtout, demeure assez violent, suspicieux, très complexe et bien dangereux pour la littérature algérienne.

Chacun d’eux fait de son livre son propre territoire, sa seule médaille, son unique logis, son exclusif Paradis, son grand fusil, ses propres galons, ses seuls mérites et tout un univers bien gardé.

On aura à distance taquiné l’autre, peut-être sans le vouloir discuté avec lui, indirectement, à distance et à couteaux tirés, provoqué son semblable, chambré cet autre auteur et bien indisposé tout son monde.

Le tout était de paraitre comme le plus fort, le meilleur de tous, le plus lu et plus considéré dans le monde, trônant son charme et étrennant son grand palmarès alentour et plus loin à l’horizon ou du manoir.

Ils nous auront fait oublier, l’espace d’une querelle byzantine, tant de belles plumes nominées et très distinguées, nobélisées et très bien valorisées.

 La raison ? Ce sont eux qui se considéraient être les meilleurs –ou tout comme- en Algérie, nous brouillant la vue au loin et nous prenant en otage dans leurs abyssales analyses stériles, de leadership inconséquent et inconvenant.

Celui-ci traite celui-là de tous les noms d’oiseaux, alors que ce dernier répond au premier d’une manière moins élégante, plutôt malveillante. Et les deux versent intempestivement dans ces diatribes violentes et à peine injurieuses, indignes de ce haut rang qui est le leur.

Et dire que le premier avait honorablement fait le maquis et que le second venait depuis quelques années seulement de prendre sa quille, en leurs qualités respectives d’ancien maquisard et de haut gradé militaire.

Etait-ce cet uniforme qui leur donne toutes ces formes et trajectoires bien difformes pour aussi dangereusement ternir cette image de marque de la littérature algérienne qui peine déjà à trouver ses bonnes marques à l’étranger comme à l’intérieur du pays?

Aller jusqu’à se traiter mutuellement de tous ces noms et mauvaises expressions ; en fait : d’être ‘’tout sauf un écrivain’’ pour l’un, et de taxer celui-là  ‘’d’être dans la contrainte’’ ne relève-t-il pas de cette insulte à la littérature ?!

Et pourquoi donc en arriver là ? Pourquoi pour l’un se mouvoir en censeur de toute une collective histoire bien glorieuse et très civilisatrice, et pour l’autre se cacher derrière cette fonction officielle et aura propre à cette « ouverture occidentale »?

Le peuple algérien n’a que foutre de ce que peut bien penser Gabriel Garcia Marquez des auteurs algériens et de la littérature algérienne. Il veut juger lui-même, par ses propres moyens, de leurs œuvres complètes sur pièce et sur place, et surtout de leur intérêt à porter très haut l’étendard algérien dans ce ciel de belles lettres et de grandes merveilles scripturales.

Un salon du livre à hauteur de celui qui se tient chaque année à Alger n’a que faire de ces « tirs à boulets rouges » dont participent à longueur de temps des plumes trempées dans la haine de l’autre, sans jamais élever le niveau de notre littérature.

Le « fauteuil » de littérature est très mouvant et bien chavirant, nous n’en voudrons pour preuve que ce prix Nobel qui change chaque année de titulaire.

Et s’il reste cet objectif que convoite toute plume confirmée et bien affirmée, seule la sagesse des propos et des acteurs intéressés à côté de leurs œuvres de mérite  peut bien y mener un jour.

Ici, nous sommes bien loin de cette conclusion relative à cette très subtile et honnête préface de Simone de Beauvoir.

On dirait qu’on aborde un autre sujet, qu’on dérape sur un autre terrain, qu’on s’installe dans un autre univers !

Revenons donc vite à notre belle littérature … ! On était sur un terrain miné !

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(*) – Simone de Beauvoir ou le refus de l’indifférence – Editions Fischbagher – Paris 1968.

Par Slemnia Bendaoud

Commentaires

  • Meskellil
    • 1. Meskellil Le 28/01/2016
    M. Proust dit que la lecture est une amitié. G. Green dit que l’amitié est une émanation de l’âme, quelque chose qu’on sent, K.Gibran en fait une douce responsabilité, jamais une opportunité, quand à Mourad que je salue, elle est grâce d’une concordance, douceur de deux mains unies, noblesse quand tout est corrompu, pureté de la vie… Avec ma grande et sincère amitié cher ami et grand frère Ferhaoui.
  • ferhaoui
    • 2. ferhaoui Le 27/01/2016
    bonjour tout le monde bravo à p'tite soeur meskellile qui a effect une remarquable plaidoirie...y apas photo!!! malgré des années simone de beauvoir traverse le temps en beauté....oran l'ami, ferhaoui.
  • Meskellil
    • 3. Meskellil Le 26/01/2016
    Ahhhh ! Simone de Beauvoir… ! "On ne nait pas femme: on le devient"

    Deux temps, deux styles d’écriture, deux rythmes pour un seul texte. Une première partie où le style descriptif dense et complexe, porté par un rythme lent, posé, mesuré, créé une atmosphère empreinte d’une grande solennité, de recueillement, faisant ressortir cette reconnaissance mutuelle forte entre deux auteurs dans une situation suffisamment inhabituelle pour la souligner : Simone de Beauvoir préfaçant avec beaucoup d’élégance et de simplicité, l’ouvrage d’un autre écrivain, consacré à une critique de l’ensemble de son œuvre littéraire. Admirablement rendu !

    Puis, vient la rupture dans la seconde partie du texte, introduite doucement, subrepticement pour nous installer dans un univers radicalement différent, explosif, en présence de deux écrivains Algériens connus et reconnus s’empoignant à la force des mots, vociférant à perte de voix pour mieux couvrir celle de l’autre, se perdant dans les méandres du futile, de l’anecdotique au détriment de l’essentiel, de la sève de ce salon, les belles Lettres Algériennes. Le contraste est brutal, la scène revêt des allures surréalistes. Le rythme du texte se cale sur les échanges désastreux entre les deux écrivains et devient un peu saccadé, rapide rendant la scène réelle, vivante, éprouvante d’inconséquence, consternante. On ne peut évidemment pas y être indifférent !

    Réflexion et analyse subtiles et profondes menées avec beaucoup de rigueur et de talent, un prolongement à l’article « Le livre, ses sous et ses dessous » pour un constat encore plus accablant !

    « Tout est près. Les pires conditions matérielles sont excellentes. Les bois sont blancs ou noirs. On ne dormira jamais. » A. Breton.

    Merci beaucoup M. Slemnia pour cette élévation, une bouffée d’air pur bienfaisante en dépit de la gravité du sujet. Cela fait beaucoup de bien !
  • Chantal
    Excellente analyse mais on ne peut en attendre moins de la part de Slemnia Bendaoun ! Merci à vous.

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