Une beauté naturelle, éternelle… !
- Par algermiliana
- Le 16/05/2024
- Dans Le coin de Slemnia Bendaoud
- 3 commentaires
À Tipasa, tôt le matin, et quelque soit la saison de l’année, l’azur du ciel se confond profondément avec l’autre couleur bleue de la mer. Juste une question de nuance dans le bleu qui s’efface à mesure que le temps passe et que le jour se lève de bon pied, en quittant ses vieilles hardes et très anciennes guenilles.
Ici, tout près de la côte Méditerranéenne, cette lune de miel est naturelle ! Bien éternelle … ! Et chaque jour, elle se renouvelle ! Dans cette partie durable d’amour charnel et tout à fait naturel, le ciel se couche sur la mer. Il le fait de tout son poids et corps immense et compact, dégageant par moment le souffle de sa transpiration que la nature physique et celle humaine le subit de front et en profondeur dans sa propre chair.
Et seul au loin, un trait très fin couvert d’un bleu plus nuancé marque le territoire de chacun des deux partenaires, tantôt en action, tantôt dans leur état de décontraction. En plein milieu du ciel, le soleil de plomb qui darde ses rayons sur la région, du lever du jour jusqu’à son crépuscule, avec la même ardeur et le même souffle permanent et effréné de sa puissante chaleur et même force de frappe qu’autrefois et de tous les jours, laisse à penser qu’il tente de tout son poids de les séparer, par moment, l’un de l’autre.
Juste pour leur permettre de reprendre leur souffle et de plus tard revenir en force à leur grosse bise sans cesse répétée.
Avec le même refrain, le même rituel et la même folie d’amour. Avec cette même folie d’amour de retrouver au plus tard l’autre. Le partenaire. Ce partenaire naturel. Cette joie commune de partager avec lui les grands moments de plaisirs et de vrais désirs, bien affichés et longtemps manifestés envers l’autre sexe, sans lequel cette joie formidable n’aurait plus aucun sens !
A l’horizon, en pleine lumière du jour, le bleu céleste épouse donc celui bien marin.
Les écumes des vagues confondues avec ces nuages qui ratissent assez bas, au loin, les aspergent de cette brume matinale, comme pour leur annoncer le lever du jour imminent.
Le couple s’accouple dans son grand lit naturel, lequel tantôt berce son monde grâce à la beauté naturelle de son merveilleux décor et tantôt lui envoie ces fournées ininterrompues de chaleur de plomb qui les maintiennent cloués à l’intérieur même de leurs demeures.
Tarés et bien terrés pour un temps, parfois assez long ! Souvent c’est le temps que durera toute cette saison chaude et caniculaire. Très difficile à vivre, somme toute ! Dès la tombée de la nuit, faite de bleu et de blanc baignant dans le gris, des nuages venus en série et se
bousculant à l’horizon, rentrant à leur bergerie, le couple habillé le jour du bleu de l’espoir se voila soudainement la face.
Et dès le crépuscule annoncé, ils tombent tous les deux dans les bras de Morphée, emportés par leur sommeil éperdu, les yeux bien écarquillés sur le lever du jour du lendemain qui tarde à se manifester.
A ce moment-là, la mer et le ciel s’envolent dans leur rêve de l’intimité, convoler en justes noces, et bien loin des regards plutôt indiscrets de ces êtres humains restés médusés et circonspects devant le déploiement acharné de tant d’ombres épaisses et trop sombres que distille par doses saccadées l’arrivée impromptue et inévitable de la nuit, montée sur ses grands chevaux pour venir juste pour un temps leur tenir bonne compagnie.
Tipasa respire à longueur d’année la fraicheur de ses champs verdoyants et chatoyants, venant à tour de rôle se jeter dans la mer, fuyant par moment cette chaleur suffocante sévissant en été dans la contrée.
Ici, pendant le jour, l’été ou l’hiver, au printemps comme en automne, Tipasa, durant presque tous les jours de l’année, porte le même costume que la veille et qu’autrefois.
Celui donc taillé sur mesure par cette nature généreuse et féconde assistée de ce temps radieux et souvent bien ensoleillé, foisonnant et faisant miroiter au loin et à dessein ce merveilleux bleu où espoir et espérance se conjuguent et se confondent juste pour pleinement profiter de la beauté paradisiaque des lieux et du temps printanier qui y règne presque durant toute l’année.
Tipasa, la Romaine, garde de l’histoire ancienne de la région un bon bout sinon la bonne clef qui permet cet accès facile et bien discret aux fins fonds de ses profonds secrets dont les seuls vestiges en bordure de mer ou le mausolée de Hélène de Séléné, reine de Maurétanie, juchée plus loin et en haut de la colline qui la surplombe, tentent de vainement la replacer dans son contexte historique d’autrefois.
Se situant dans le prolongement de la colline qui prend naissance du côté de Koléa à l’est pour échouer à l’ouest aux abords de la plaine de Hadjout, ce dôme géant, pierreux et très rocailleux, puissant et très imposant par sa stature et sa carrure, fait face à l’imposant Mont du Chréa jusqu’à nous paraitre comme le taquiner à distance.
Koléa qui a tout le temps peur que le Mont Chréa lui tombe dessus ou sur la tète, selon l’anecdote racontée à son sujet, semble être très bien protégée par ce mausolée, se tenant debout et défiant le temps en très solide et véritable sentinelle, juste pour bien protéger la ville de l’osier et des généreux gosiers du chant « chaabi d’antan » contre les dangers de la nature.
En forme de coupole, mais pleine à l’intérieur où juste un chemin, très étroit, dans son aspect de labyrinthe longeant de l’intérieur son contour, sert d’itinéraire pour sa visite guidée, la demeure d’autrefois fait encore peur à cette jeunesse d’aujourd’hui.
Si bien que souvent le touriste qui s’y rend, y entre ou s’y aventure avec cette faim de loup de satisfaire à ses désirs culturels, en sort pleinement affecté de sa visite des lieux, se posant même ces questionnements, lesquels remettent fondamentalement en cause ses connaissances acquises bien avant de voir de près ou de l’intérieur même le lieu objet de sa visite éducative et instructive du moment.
Dans ces mêmes lieux, le temps nous impose son fardeau et nous dicte ces lois corrosives qui atteignent de plein fouet l’homme et non l’humanité en tant que domaine d’activité d’une histoire faite d’abord et avant tout grâce à l’homme en sa qualité d’artisan des guerres et générateur de progrès social.
Ici, l’on apprend à tout moment sur l’histoire lointaine et ancienne de l’Algérie et les différentes ères et autres dynasties qui ont jalonné et façonné son glorieux et parfois laborieux parcours, perçues bien des fois différemment d’un cercle tout indiqué à son opposé ou d’une sphère attachée au pouvoir à celles qui le convoitent par ces moyens légaux ou même parfois détournés.
Sur ces mêmes lieux de l’ancienne civilisation, l’histoire de l’humanité coule de source, atteignant l’homme dans sa chair, la nature dans sa grande sphère, dans cet effort humain permanent et continu, et même –conclusion des conclusions- dans sa propre vie humaine
Les souvenirs donc, lâchés insidieusement par la mémoire tels des troupeaux de moutons se bousculant pour se désaltérer à la source de la rivière culturelle de la cintrée, reviennent au galop et à la foulée se cramponner longtemps à ces ruines faites de pierres et de terre, lesquelles tiennent encore tète au temps et surtout rigueur aux nombreux aléas du mauvais temps, semblables à des témoins gênants pour une nature voulant à tout moment s’en défaire ou s’en débarrasser au premier mouvement de son corps.
Entre ruines romaines et la ruine de son économie touristique due particulièrement aux néfastes conséquences de cette décennie noire qui vient de frapper de plein fouet l’Algérie, Tipasa trouve cependant beaucoup de difficultés à se lever tôt le matin et surtout de bon pied afin de longtemps garder son équilibre devant cet important et incessant flux de visiteurs du second ou dernier rang qui la prennent d’assaut aux premières lueurs de ce soleil fascinant.
Là, l’idylle est à portée de main. Et les rêves les plus fous ou invraisemblables aussi… ! L’amour de l’autre, celui pour toujours ou de circonstance, s’allie au hasard des rencontres pour y trouver son véritable refuge, sinon le terrain de sa bonne expression.
L’expérience a de quoi être tentée ou tout naturellement longtemps être répétée ! On se noue alors ces relations d’amour pour langoureusement s’enlacer l’un dans l’autre ou les deux êtres dans ce désir éprouvé et bien manifesté envers l’autre pour bien rêver ensemble et prendre la vie du bon côté.
Tipasa, la rebelle, fait des émules, l’été venu. Elle s’y prépare déjà dès les premières journées de chaleur de son printemps béni, baignant dans le faste de la nature et l’immensité de la mer. De bleu et de vert est fait son Paradis terrestre. De joie et de bonheur a tout le temps parée sa vie aux odeurs de son parfum qui capte le touriste et le fait toujours revenir sur ces mêmes lieux.
Lieu de détente et de plaisir, Tipasa est également ce berceau de la culture où ancestrale histoire et fine littérature font toujours bon ménage.
Evoquer la région ne peut être fait sans ce détour obligatoire au travers de ces plumes habiles et très subtiles qu’elle a longtemps fascinées pour les inspirer à toujours lui consacrer leurs meilleurs écrits, leurs très justes proses et surtout mémorables vers de poésie ciselée et bien raffinée.
Et sans avoir à les nommer, on rend visite à ce prix Nobel et cette autre académicienne qui ont par leurs écrits de choix bien honoré la région, et surtout la littérature algérienne d’expression française.
Aussi immortelle est la plume qui hume le verbe juste et le style châtié, aussi fascinante restera toujours Tipasa dans la mémoire de ceux qui l’auront visitée.
Un détour en contournant le présent pour s’installer un moment dans sa fabuleuse histoire, invite souvent le touriste à bien risquer le déplacement.
Visiter Tipasa, c’est surtout revisiter l’histoire de toute une nation, riche en évènements et pleine en enseignements.
Commentaires
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- 1. ZOUAOUI mourad Le 15/07/2014
BONJOUR MR/ SLEMNIA
L appréciation que je porte sur ce texte en particulier, c est que vous avez une belle plume Francophone avec un langage accessible et très riche.Votre art de décrire Tipaza cette sirène de la Méditerranée,est exceptionnelle avec son charme,sa beauté idyllique,sa verdure,son ciel au bleu de cobalt et sa mer turquoise .........BRAVO ! -
- 2. Meskellil Le 15/07/2014
Bonsoir,
Texte très intime aux courbes douces, sensuelles, généreuses.
Merci M. Slemnia de nous offrir des textes aussi divers et aussi beaux les uns que les autres
« Comme la mémoire collective a été raturée, les paysages ont été ravagés. Apprendre dans son existence à lire le paysage ou à le fréquenter, c’est à mon sens apprendre à en raconter la suite, ou la poursuite : c’est se donner les moyens de recomposer cet autre continuum, celui de la biographie collective. Aujourd’hui, la lecture des paysages, tout autant que l’archéologie ou la numismatique, aide à comprendre les épisodes, les circonstances de la transformation des peuples et des communautés (…). Lire le paysage c’est enfin estimer le temps. De même le déchiffrage (le contraire du défrichage) et la fréquentation des pays dans leur fragmentation, nous permettent par la reconstruction poétique de vérifier comment les paysages n’ont jamais été des décors consentants, mais les éléments actifs et constitutifs des diverses poétiques mises en œuvre ou en expression par des individus ou par des communautés »
Edouard Glissant, -
- 3. Chantal Le 15/07/2014
Merci Slemnia de m’avoir fait découvrir Tipaza. La manière dont vous évoquez ces lieux est magique ! Dans mon enfance, j’ai souvent entendu évoquer le nom de cette région mais sans y être jamais allée. Il est vrai que jusqu’à mon départ en 1962, en dehors de Miliana, je n’étais pas allée bien loin. A cette époque-là, on ne voyageait pas aussi facilement que maintenant. On se contentait des images de nos livres. L’imagination faisait le reste !
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