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Premiers pas à l'école maternelle de Miliana/ Par Noria

À l'âge tendre de quatre ans, le cours de mon existence bascula brutalement dans l'abîme du chagrin avec le départ tragique de ma mère. Une plaie profonde que même le temps peinait à panser. Contrainte par les circonstances et privée de tout autre choix, je fus confiée aux soins de ma tante paternelle à Miliana, arrachée ainsi à ma vie familière et à l'effervescence de la Casbah d'Alger. Malgré les bonnes intentions qui imprégnaient le foyer de ma tante, l'atmosphère y manquait de la chaleur à laquelle j'étais habituée. Mais dans l'obscurité des jours les plus sombres, je puisai en moi une force insoupçonnée pour continuer. Ma tante et l'école, bien qu'incapables de combler le vide laissé par ma mère, m'offrirent un semblant de stabilité dans un monde en désarroi.

Ecole Maternelle/ Miliana

Chaque matin, bravant l'inconnu avec courage, je me lançais dans l'arène de la vie. L'école, modeste bâtisse, nichée à l’angle d'une ruelle tranquille, représentait pour moi un havre de savoir au milieu du tumulte urbain. Mais le chemin pour m'y rendre, depuis le quartier des Annassers où résidait ma tante à l'époque, était semé d'embûches. Mes retards constants irritaient l'enseignant, qui me condamnait à chaque fois à une punition, m'obligeant à rejoindre le hall où je subissais sa réprimande sévère. La douleur de cette punition humiliante et publique qui transperçait mon cœur déjà meurtri, creusait un peu plus le fossé entre mes camarades et moi. Les premières semaines furent les plus difficiles. Je me sentais comme étrangère parmi mes camarades, déconnectée de leur réalité, de leurs jeux et de leurs rires. Les leçons en classe se diluaient dans la brume de ma tristesse, incapable de me distraire du vide béant qui m'habitait.

Au fil du temps, je m'adaptai à cette nouvelle réalité, la salle de classe devint pour moi un univers enchanteur, où chaque recoin débordait d'activités stimulantes. Les murs témoignaient de nos premières explorations artistiques, ornés des œuvres que nous avions créées de nos propres mains. Chaque matin, au son de la cloche de récréation, une ambiance particulière s'installait, nous nous pressions joyeusement autour de la table où attendaient les petits verres de lait fumants, émanant une délicieuse odeur lactée qui emplissait la pièce. Curieusement, cette salle ne se trouvait pas dans notre école, mais dans l'établissement voisin. Pour y accéder, nous traversions simplement notre cour, puis, d'un pas empreint d'excitation, nous empruntions quelques marches et franchissions une grande porte ouverte. C'était un instant de pause bien mérité, un intermède entre les jeux et les apprentissages, où le lait chaud devenait le symbole de cette parenthèse enchantée.

Ainsi, ces souvenirs persistants de la récréation évoquent bien plus que de simples rituels alimentaires. Ils incarnent la magie des instants simples, l'innocence des joies partagées, et la manière dont la chaleur d'un verre de lait pouvait réchauffer nos cœurs, créant des souvenirs qui perdurent dans le doux écho du passé.

Ecole Maternelle/ MilianaNormalement, c'est cette grande porte qui était le point de passage quotidien vers la salle où nous prenions notre lait.

Ecole primaireLe hall

Mon premier anniversaire à l'école maternelle de Miliana s'est écoulé presque inaperçu, comme un rappel amer de la solitude qui caractérisait ma nouvelle vie. Alors que les autres enfants festoyaient avec joie, je me suis retrouvée seule avec mes pensées sombres, regrettant la vie que j'avais laissée derrière et espérant des jours meilleurs. Au fil des saisons, j'ai grandi, apprenant à surmonter ma peine et à savourer la splendeur qui m'entourait. Le Zaccar est devenu mon gardien, les douces sources mes confidentes. Et avec le temps, j'ai compris que ma mère veillait sur moi, guidant chacun de mes pas depuis les cieux.

Lorsque l'année scolaire toucha à sa fin, un mélange de soulagement et de nostalgie m'envahit. Bien reconnaissante pour la stabilité que ma tante et Miliana m'avaient offerte, mon cœur aspirait à retrouver ma famille, à retrouver les rues animées de la Casbah. Le jour où je retournai chez moi, une part de moi-même retrouva sa place. Les ruelles familières, les visages accueillants, tout semblait briller d'une nouvelle lumière. Ainsi, fermant le chapitre de ma vie à Miliana, je me tournai vers l'avenir avec optimisme, certaine que, quelles que soient les épreuves, je trouverais la force de les affronter, portée par l'amour et le soutien de ma petite famille.

Commentaires

  • Bradai
    • 1. Bradai Le 29/04/2024
    En lisant le récit on sent que dans l’obscurité du temps une histoire était bien enfouie
    Et, toute histoire de notre jeunesse est un espace temporel gravé en nous . Il suffit parfois de la ressortir de revoir cette jeunesse et la regarder encore une fois pour se rendre compte si depuis qu’on a changé on a rien oublié du passé..Car dans ce passé de notre vie nous avons connu la fin de notre enfance afin d’entamer un début d’adolescence et puis pour enfin le terminer en adulte.
    Et tant que la vie dure au douloureux le plus ou moins marquant de notre passé nous visionnons ce qui a été réaliste comme le parfait et le plus imparfait.Car, c’est à notre age adulte qu’a commencé aussi pour certains l’histoire d’un regret de ce passé qui ne peut se définir ni s’éteindre meme dans un reve..
    Et c’est ce qui fait que tant que la mémoire demeure nous n’oublierons pas.
  • Djamila
    • 2. Djamila Le 21/04/2024
    Ton récit est un témoignage puissant de résilience et de courage. A travers tes mots, j'ai pu ressentir la profondeur de ta douleur ainsi que les défis que tu as dû affronter. Ta capacité à puiser dans ta propre force intérieure est remarquable. Merci Noria de partager ton histoire avec nous.

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