Souk El-Djemâa (Soggémah), : Une École, un Quartier, une Vie.../Par Noria
Après avoir quitté les paisibles décors de Miliana, où j'ai entamé mon périple scolaire à la maternelle, mon retour chez moi fut une réminiscence d'une toile de maître, où chaque rue, chaque édifice, déployait son propre récit. Située en face du marchand de charbon « Chouitina », notre école était un havre de connaissances au cœur de la tumultueuse Basse Casbah. Le trajet quotidien jusqu'à l'école était lui-même une exploration, à travers les ruelles étroites et animées, où les odeurs de cuisine envoûtantes rivalisaient avec les éclats de voix des commerçants.
À l'intérieur, le bâtiment de l'école se dressait majestueusement, prêt à accueillir les futurs apprentissages. Les salles de classe, pleines de vie, étaient ornées de livres aux pages encore inexplorées et de pupitres bien alignés, tels des gardiens silencieux. C'était un lieu où le savoir était vénéré, où les murs résonnaient des rires enfantins mêlés au doux bruit de la craie sur les tableaux noirs.
Mon entrée en CP1 a été un moment de transition excitant, notre classe était située à l'étage côté gauche, où les bancs en bois étaient polis par des générations d'enfants assoiffés d'apprendre. Mais ce qui rendait ce lieu si spécial, c'était notre enseignante, une figure maternelle aux yeux pétillants, qui nous accueillait chaque jour avec un sourire radieux et une énergie contagieuse. Elle nous choyait avec tendresse, transformant la salle de classe en un univers magique où chaque leçon devenait une exploration passionnante.
En CP2, notre classe fut déplacée à l'étage côté droit de l'école, où de nouvelles aventures nous attendaient. C'est là que je fis mes premiers pas dans le monde de la littérature française, les leçons de français étaient une véritable découverte. Les livres étaient rares, mais les mots étaient vivants, portés par la voix enjouée de notre enseignante, (une française). Les cours de langage étaient animés par des gravures vivantes qui semblaient prendre vie sous nos yeux ébahis, nous transportant dans des mondes imaginaires et des histoires captivantes. Avec mes camarades, Zakia et Fadila, nous formions un trio inséparable. Ensemble, nous nous lancions dans une compétition amicale pour exceller dans nos études, chacune cherchait à surpasser l’autre dans notre matière de prédilection.
Après les heures passées dans nos salles de classe, la cour était notre refuge où nous pouvions laisser libre cours à notre imagination. Nos cris se mêlaient aux chants des oiseaux, créant une symphonie de vie et de joie qui remplissait l'air de notre école. Avec mes camarades, nous inventions des mondes fantastiques, des aventures épiques qui nous transportaient loin de nos livres et de nos cahiers.
Mais l'école Souk El-Djemâa (Soggémah) ne se limitait pas à ses salles de classe. En sortant, nous étions souvent accueillies par le spectacle animé de la rue. En face, le marchand de charbon régnait sur son royaume de suie et de cendres. Sa silhouette trapue était toujours accompagnée d'un sourire malicieux, défiant quiconque osait le taquiner.
Malgré les défis de l'époque, marquée par la précarité, nos souvenirs d'école à Souk El-Djemâa (Soggémah) demeurent empreints d'une douce nostalgie. C'étaient des temps simples, où la joie se trouvait dans les petits moments de la vie quotidienne, où l'amitié et la camaraderie étaient nos seuls trésors. Même si les décennies se sont écoulées depuis lors, et que la basse Casbah a changé, ces souvenirs demeurent intacts, préservés dans un coin spécial de ma mémoire. Chaque fois que je repense à ces jours insouciants, un sourire se dessine sur mon visage, rappelant l'innocence et la joie qui ont marqué cette période de ma vie.
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