Les escaliers d’Alger /Par Rachid BOUDJEDRA
Part I
Giacometti, le grand sculpteur suisse aimait à dire « qu’il n’avait pas de problèmes existentiels mais qu’il avait des problèmes d’accommodation visuelle pour bien rendre compte de la réalité physique qui nous entoure ».
C’est pour cette raison qu’il a été fasciné par les arts primitifs des Chaldéens et des Égyptiens anciens, dans lesquels il trouvait matière à sa passion pour sculpter le monde d’une façon qui lui était particulière à travers une vision où la physique et la géométrie jouaient un rôle prépondérant. Ce qui a fait son génie de sculpteur.
Giacometti aurait aimé les escaliers d’Alger, parce qu’il s’agit d’une matière (Le bronze) brute et brutale dont la forme hélicoïdale donne le vertige. Ces escaliers d’Alger représentent une sorte de symbolique que les Aztèques avaient portée au plus haut niveau comme processus d’élévation et donc de spiritualité et qui mettent en évidence la philosophie picturale du sculpteur suisse et définie théoriquement par l’un des maîtres de la phénoménologie : le Français Maurice Merleau-Ponty, lorsqu’il affirme que « toute technique picturale est une technique corporelle ».
C’est-à-dire qui a son origine dans le corps de l’artiste en tant que conglomérat de la sensibilité et de la spiritualité. C’était le cas pour nôtre immense peintre Mohamed Khadda quand il peignait, à sa façon, des oliviers qui avaient l’air de sortir de son propre corps noueux et complexe.
L’escalier monumental en tant que structure de métal capable de modification formelle et géométrique à l’infini, nous aide à distendre, étendre et « contorsionner » notre regard. C’est pour cela qu’il est « vertigineux » pour le promeneur curieux de l’espace dans lequel il se meut, de déambuler dans Alger.
Commentaires
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- 1. ferhaoui Le 01/12/2019
bonjour tout le monde ou que vous soyez. chère amie chantal, comme vous j'ai beaucoup de respect pour cet écrivain trop discret :mr, rachid boudjedra...ce dernier est un terrible observateur et savait si bien faire parler le fer des escaliers d'alger que avant lui le sculpteur giacometti en avait fait l'oeuvre ultime de toute sa vie, pour titre "l"homme qui marche exposée à l'intérieur du panthéon veille nuit et jour a fin que le temps ressuscitera les oublis -
- 2. Chantal Le 16/11/2019
Merci Rachid Boudjedra pour votre très "subtile" analyse des arts ! Quant à l'un des maîtres de la phénoménologie que vous citez, Maurice Merleau-Ponty, qui affirmait que toute technique picturale était une technique corporelle, j'en suis d'autant plus convaincue que je suis somatothérapeute (la somatothérapie regroupe l'ensemble des techniques psychocorporelles) et que j'avais eu l'occasion au cours de mes études de somatothérapeute (il y a 30 ans ! lol !) d'étudier Merleau-Ponty. Quant à Mohamed Khadda (que j'ai découvert grâce à vous !) comme je vous comprends lorsque vous dites que "cet immense artiste peignait, à sa façon, des oliviers qui avaient l'air de sortir de son propre corps noueux et complexe" car, en effet, notre corps s'exprime, à sa manière, par des symptômes, des douleurs. La maladie est un "langage". Je suis très loin de posséder votre connaissance des arts mais votre "Regard sur Alger" m'a particulièrement intéressée et interpellée. J'espère que nous aurons à nouveau l'occasion de déambuler dans les escaliers d'Alger grâce à vos articles.
Bonne fin de journée à toutes et à tous.
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