Les transformations de la Casbah/ Par Mahfoud KADDACHE
Le problème de l'urbanisme s'est posé dès l'arrivée des Français à Alger. En effet, une fois la ville occupée, il s'est agi de loger la troupe et les différents services militaires ; il a fallu d'autre part adopter la cité barbaresque aux exigences de la vie européenne et surtout de la vie militaire. Il n'y avait aucun projet concernant le sort de cette nouvelle possession, aussi aucun plan d'aménagement ni d'utilisation de la ville ne fût-il conçu. On s'installa au petit bonheur comme on put. Or, en 1830, Alger n'était pas adapté à la vie européenne, il n'y avait ni place publique, ni voie carrossable ; elle était nettement limitée, il n'y avait pas d'espace libre à l'intérieur de l'enceinte et par conséquent aucune possibilité de construction nouvelle. Deux ressources s'offraient aux Français celle d'occuper les habitations mauresques, de s'adapter à leur architecture et celle d'en démolir quelques-unes pour construire des voies carrossables et des places pouvant servir aux rassemblements de troupes et aux marchés. La topographie de la ville, accidentée dans la partie Ouest, n'offrait une zone basse légèrement plane que dans la partie Est qui, en bordure de la mer, pouvait, grâce au voisinage du port, avoir un plus grand intérêt économique. Aussi, c'est dans cette zone qu'il y eut le plus de transformation. On commença par quelques démolitions entre Bab-Azzoun et la Marine, ainsi que dans la rue des Souks pour permettre aux chariots de deux ou quatre roues (Lespes : Alger 1930-1930), gênés auparavant par les nombreuses boutiques, situées de chaque côté de ces rues, de circuler, librement. La première place qu'on aménagea fut celle de la Djenina qui, au prix de quelques démolitions de maisons et de boutiques, devint propre au stationnement des voitures, aux rassemblements de troupes et put même servir de marché. A l'usage elle fut rapidement jugée insuffisante et il y eut de nombreux projets de nouvelles places publiques.
Un plan prévoyant la destruction de nombreuses maisons, d'une mosquée, fut retenu et l'on commença l'aménagement de la place du Gouvernement dénommée d'abord place Royale. Son plan initial conçu dès Octobre 1830 par le capitaine du Génie Gallicé, fut modifié plusieurs fois, et les travaux traînèrent longtemps et ne furent terminés qu'en 1841 (Lespes : Alger 1930-1930). On continua le tracé des rues Bab-Azzoun, Bab-el-Oued et de la Marine qui avaient été auparavant simplement élargies. Ces rues ne furent plus rectilignes mais formèrent des lignes brisées et ce, vraisemblablement, pour des raisons militaires. On les aperçoit nettement, aboutissant à la place du Gouvernement, sur le plan d'Alger de 1839. Pour les deux premières, on construisit des rues à arcades et on fit adopter l'établissement de galeries, de façon à lutter contre les rayons du soleil beaucoup plus ardents dans ces rues larges que dans les ruelles de la haute ville. Mais ces trois rues n'arrivèrent pas à décongestionner le quartier de la basse ville, aussi l'ouverture de deux autres rues fut décidée : celles de Chartres et des Consuls afin d'établir une communication entre les portes Nord et Sud au cas où les rues Bab-Azzoun et Bab-el-Oued auraient été, pour une raison quelconque, rendues inutilisables. Elles n'eurent que six mètres de large et ne furent pas pourvues d'arcades. Voilà pour les voies carrossables.
En ce qui concerne l'habitat, les Français logèrent dans la haute ville, dans la plupart des maisons qui se trouvaient le long des remparts et les maisons de la basse ville. On poursuivit l'européanisation de la ville musulmane, et il parut alors qu'il était possible de s'y adapter en continuant à décongestionner certains quartiers ; aménager les constructions mauresques semblait être le meilleur programme d'utilisation de la cité. Aussi un projet d'ensemble pour les alignements des rues fut établi par l'ingénieur en chef Poirel en 1837. Il prévoyait l'aménagement des rues existantes, la création des places de Chartres et de la Pêcherie et l'élargissement de nombreuses rues adjacentes à celles de Bab-Azzoun et de Chartres. Les rues furent élargies, elles eurent entre trois et cinq mètres, la place de Chartres fut aménagée pour servir de marché couvert.
Ainsi, dès 1839, la partie basse de la ville tendait à disparaître, démolitions et expropriations contribuèrent à donner un aspect nouveau à ce quartier. L'immigration d'Européens (surtout des Italiens et des Espagnols) fut importante. Tous les nouveaux venus commencèrent d'abord par occuper les maisons mauresques qui furent transformées pour répondre à des exigences nouvelles ; les cours disparurent, certaines recouvertes d'un plafond furent transformées en magasins, d'autres furent rétrécies par la construction d'une aile de bâtiment. Comme les maisons mauresques recevaient toute leur lumière de la cour, les nouvelles habitations furent très sombres, on ouvrit de grandes et affreuses fenêtres sans aucun style et n'ayant aucun rapport avec l'architecture mauresque ; les grandes pièces furent divisées en deux et même trois chambres, les grandes portes remplacées par de petites ouvertures, etc... Ces maisons transformées devinrent bientôt des bâtisses insalubres, sales, mal aérées et sans aucun style.
L'arrivée massive d'Européens et les spéculations sur les constructions menacèrent même le quartier de la haute ville, et de nombreuses personnalités, civiles et militaires françaises s'en émurent, certaines autorités allant jusqu'à interdire toute immigration des Européens dans les quartiers musulmans.
Le projet de 1845 présenté à la commission de voirie prévoyait la construction de nombreuses voies carrossables reliant les deux principales rampes Valée et Rovigo qui formaient les nouvelles limites d'Alger qui, si elles avaient l'avantage de permettre à la basse ville de s'étendre vers le Nord et le Sud n'offraient à la haute ville aucune possibilité de s'agrandir. Une rue orientée Nord-Sud devait joindre le premier tournant Rovigo aux anciens remparts de Bab-el-Oued, une autre devait partir du troisième tournant pour aboutir en coupant les rues Médée, Porte-Neuve, d'Anfreville, de la Girafe, de l'empereur, Sidi-Abdallah, de la Casbah et Sidi-Ramdane, au-dessus de l'actuel boulevard de Verdun. Une troisième, la rue du centre, devait traverser toute la Casbah et partait de la partie supérieure de la rue de la Lyre pour finir sur l'emplacement actuel de la Médersa. Un boulevard devait être aménagé sur la zone qui avait été éventrée entre la Porte-Neuve et la Casbah. On songeait aussi à transformer le fossé et les glacis de l'enceinte turque en deux boulevards ; l'un au Nord, l'autre au Sud de la ville et parallèlement à ces boulevards une rue tout en escaliers fut prévue pour aérer la vieille ville indigène. Cette rue, de la place Royale, devait aboutir au boulevard de la Victoire. Tous ces projets cherchaient à décongestionner la ville indigène, à l'aérer, à la munir de voies carrossables, afin de la rendre plus propre à une vie européenne, de permettre l'interpénétration des deux villes, la neuve et l'ancienne, de favoriser les contacts entre les deux populations.
Dans le plan de la ville d'Alger par Ch. Delaroche, de 1848, on peut voir les divers projets de construction et d'alignement selon le programme de 1846. On voit la rue Bab-Azzoun, la place du Gouvernement dénommée encore place Royale et la rue Bab-et-Oued séparer nettement la haute ville de la basse ville reliée au port par la rue de la Marine. La rue et la place de Chartres sont terminées. La rue de la Lyre est déjà exécutée. La deuxième rue Sud-Nord dénommée Montpensier avec une place est projetée mais non exécutée. Lors de son voyage, Napoléon III fit une enquête personnelle qui eut pour résultat d'arrêter les démolitions de la vieille ville. Le rapport disait que la haute ville devait rester telle quelle, attendu qu'elle est appropriée aux mœurs et aux habitudes des indigènes, que le percement de grandes artères avait pour résultat de leur porter une grave atteinte et que toutes les améliorations ne pouvaient qu'être onéreuses à la population indigène qui n'a pas la même manière de vivre que les Européens (Lespès). La démolition de la haute ville s'arrêta, on ne continua que le percement des artères déjà commencées, c'est ainsi que la rue, de la Lyre pour laquelle les expropriations étaient consommées fut achevée bien que son aménagement dura plus de vingt ans et non sans avoir rencontré de nombreuses difficultés. Le percement de cette rue amena la destruction de trois bazars, ceux d'Orléans, de Salomon et du Divan et de nombreuses maisons ; son prolongement qui devait la conduire jusqu'aux remparts Bab-et-Oued ne fut jamais continué, il fut arrêté à la place de la Djenina. Quant à la rue du Centre, dénommée rue Randon, elle fut construite beaucoup plus rapidement, elle ne fut d'abord ouverte que jusqu'à la synagogue, ce n'est que plus tard qu'elle fut continuée par la rue Marengo jusqu'à la rampe Valée, traversant ainsi toute la Casbah. La rue Montpensier qui, du troisième tournant Marengo devait rejoindre, elle aussi, la rampe Valée, ne fut qu'amorcée et, en 1875, on abandonna un projet qui devait amener l'expropriation de 158 maisons mauresques et la destruction de deux mosquées, et le rapporteur note que « traverser le haut de la ville par une rue européenne, c'est décapiter Alger » (Lespès). On commença à s'apercevoir qu'il est difficile de greffer une ville européenne sur une ville musulmane, et que c'est là une grande erreur d'urbanisme.
Notons aussi qu'une bonne partie des maisons se trouvant sur les abords immédiats du front de mer furent détruites par la construction de la rue Rempart Nord, aujourd'hui boulevard Amiral-Pierre. De nombreuses ruelles disparurent, la rue Macaron, Bélisaire, du 14 Juin, des Lotophages, et ce n'est que grâce au Conseil municipal qu'un îlot de maisons fut préservé de la démolition. Maisons du vieil Alger que l'on voit encore aujourd'hui accrochées aux rochers, dominant la mer. L'emplacement des remparts devait être transformé en boulevards, comme cela est souvent le cas. Sur les terrains du fossé avaient été construites de nombreuses baraques : marchands de bric à broc, lavoirs, boutiques d'artisans, comme en en voit aujourd'hui le long du boulevard de la Victoire ; ces zones étaient très insalubres, et on ne tarda pas à détruire ces baraques ; le ravin Sud, celui de Bab-Azzoun, appelé ravin du Centaure, fut le premier à être transformé en escaliers et dénommé boulevard Gambetta ; du côté Nord, on construisit le lycée et on aménagea un raccourci en forme d'escalier permettant d'éviter les détours de la route ouverte par le génie.
Dans le sens Ouest-Est, la rue de la Casbah, parallèle à la rue Porte-Neuve fut ouverte et une série d'escaliers relia la Casbah à la rue Bab-el-Oued. Après 1880, on construisit le prolongement de la rue Randon, qui traverse alors toute la vieille ville dans le sens Nord-Sud. On semble revenir sur les erreurs premières et vouloir installer la population européenne en dehors de la ville indigène ; on prévoit la grande importance que prendront dans l'Alger moderne les zones situées au-delà de Bab-el-Oued et surtout de Bab-Azzoun. On songe déjà au site de Mustapha. La ville neuve doit chercher de nouveaux espaces et sortir des limites trop étroites de l'enceinte turque, les projets d'agrandissement vont laisser en paix les mânes de la vieille ville. Et depuis, il n'y eut plus d'ouverture de grandes artères dans la Casbah ; on arrêta la destruction et les expropriations de maisons.
Le temps seul se chargea alors de modifier l'aspect de la ville, et lorsque une vieille maison est vaincue par lui, elle cède, lorsque ses rondins de thuya ne veulent plus la supporter et que ses murs se lézardent : on l'achève, et comblent y en aurait-il qui résisteront à la vieillesse ? Dans la basse ville, tout l'ancien quartier de le Marine à l'Est de la rue Bab-et-Oued, est aujourd'hui détruit. C'est dans cette zone que les maisons mauresques avaient subi le plus de transformations.
De nombreuses avaient été remplacées par des maisons européennes de rapport. Il ne reste que quelques maisons mauresques en bordure de la rue de la Marine, de la rue Bab-el-Oued et du boulevard Anatole-France, et l'îlot de maisons qui est compris entre le boulevard et le front de mer. De nombreuses rues pittoresques ont disparu : la rue des Trois-Couleurs, véritable bas-fond de « ancien Alger », la rue Philippe, le marché de l'Ancienne Préfecture, les nombreux passages voûtés et obscurs, la maison de Sidi-Abderrahmane, patron d'Alger, et de nombreux autres souvenirs. A leur place, s'élèveront bientôt des hôtels et des maisons luxueuses qui borderont une grande avenue.
Après l'élargissement de la rue des Souks, de la rue de la Marine, l'aménagement de la place du Gouvernement et des rues Bab-Azzoun et Bab-et-Oued, le percement de la rue de Chartres et la création de la place qui porte le même nom, on a fait subir à la ville à partir de 1846 des modifications profondes : on élargit la rue de la Lyre (1859-1862), on perce la rue Randon (1865-1892), on ouvre le boulevard Gambetta (18701892). La construction du boulevard de la République va surélever le niveau de la basse ville qui, au lieu de baigner son pied dans la mer, va dominer du haut du boulevard. A l'intérieur, de nombreuses rues furent élargies, les ravins furent comblés, les fortifications détruites 1896-1898), les portes mêmes disparurent. Après la disparition de l'ancien quartier de la Marine et de la Préfecture, seule la haute ville est encore assez intacte, mais le temps commence déjà à menacer les plus vieilles maisons et si de nombreuses, se soutenant les unes aux autres, semblent lui résister, plusieurs ne tiennent que grâce à des béquilles de madriers.
ASPECT DE LA CASBAH
Quel est après ces altérations et ces démolitions successives l'aspect actuel de la ville ?
La Casbah ne forme plus une masse compacte, le triangle décrit par les voyageurs et les visiteurs d'Alger n'est plus aussi impénétrable ; en dehors des ruelles en dédale formant un labyrinthe, des grandes voies permettent de la traverser complètement. Dans le sens Ouest-Est, la déclivité du terrain ne permet pas la circulation des voitures et les grandes rues qui ont cette orientation sont construites en escaliers et petits paliers de deux à trois mètres séparés par une marche. C'est le cas de la rue de la Casbah et de la rue Porte-Neuve. La rue de la Casbah est la plus longue avec plus de cinq cents mètres de long et mesurant de trois à cinq mètres de large. C'est une avenue comparée à la rue de la Mer Rouge qui a 200 mètres de long et moins de 1 m 50 de large. Elle est bordée de maisons européennes dans la partie la plus haute près du boulevard de la Victoire et dans la partie inférieure près de Bab-el-Oued. La construction des maisons européennes s'explique par le voisinage de la citadelle, alors centre militaire important et par celui de la rue commerçante de Bab-el-Oued. Actuellement, la plupart des anciens locataires européens les ont abandonnées ; elles sont occupées dans la partie haute notamment par des chaouias et des personnes vivant seules et ne pouvant louer une chambre que dans les maisons européennes. Les maisons de la partie inférieure sont occupées par des familles musulmanes qui n'ont pas pu se loger avant-guerre dans les maisons de la Casbah, et qui, à contre-cœur, ont dû accepter ces demeures. La rue Porte-Neuve (300 mètres de long) a été élargie dans la partie centrale entre l'embranchement de la rue d'Anfreville et celui de la rue Randon (100 mètres). Dans cette partie on a construit aussi des maisons européennes, certaines entièrement occupées par des familles Musulmanes, d'autres par des célibataires. La rue de la Casbah et la rue Porte-Neuve furent utilisées au temps de leur élargissement pour les communications entre la citadelle et la Casbah ; elles étaient surtout fréquentées par des Européens qui s'orientaient difficilement dans les autres ruelles de la Casbah. Comme voies de circulation elles ont, le premier surtout, perdu de leur importance ; .le trolleybus mettant facilement la place du Gouvernement en communication avec le quartier Bab-Djedid. La rue Porte-Neuve, beaucoup plus centrale que la rue de la Casbah, a conservé, elle, une certaine animation, elle est empruntée par tous ceux qui habitent les nombreuses ruelles qui y sont adjacentes.
Dans le sens Nord-Sud, une grande voie, la rue Randon prolongée par la rue Marengo est la rue où la circulation est la plus intense ; longue de plus de 700 mètres et large de 6 mètres, elle est la seule voie carrossable qui traverse entièrement la Casbah ; il serait plus juste de dire qu'elle en est la limite inférieure actuelle. Un grand nombre de voitures l'empruntent : camions transportant les légumes et les fruits des Halles au marché Randon et toutes voitures assurant le ravitaillement des populations de la Casbah ou travaillant à leur service. Cette voie est bordée par des maisons européennes presque entièrement occupées par des familles juives. Comme nous le verrons plus loin, c'est la rue la plus commerçante de ce quartier. Partant de la place de la Lyre, la rue qui porte le même nom est aussi une voie carrossable, nous avons déjà vu que son prolongement, la rue Bruce, a été à peine amorcé. Le rue de la Lyre bordée de galeries à arcades et d'immeubles européens, occupés encore par des populations européennes n'a pas détourné une partie du trafic de la rue Bab-Azzoun. Elle joue cependant un grand rôle dans l'activité commerciale.
De magnifiques boulevards à l'emplacement des anciennes fortifications favorisent les communications entre la Casbah et les quartiers voisins. La superficie occupée par la Casbah a considérablement diminué. Dans la partie la plus élevée se trouve le dernier réduit de la vieille cité.
Ce quartier peut être limité par la rue de la Casbah au Nord, le boulevard de la Victoire à l'Ouest, la rue Rempart-Médée et la rue du Centaure au Sud, la rue Randon et la rue Marengo à l'Est. Cette zone ainsi délimitée peut être considérée comme le centre de la Casbah ayant tous les caractères du vieil Alger ; aucune démolition systématique dans ce quartier. Rien n'a été modifié, on retrouve encore les ruelles étroites, les nombreux passages voûtés et les « sabbats ». La circulation n'est possible qu'aux piétons, les rues élargies, les voies carrossables traversant la Casbah se trouvent à la périphérie de cette zone, ce sont les rues que nous lui avons données comme limites. La rue Montpensier qui devait traverser cette zone n'a pas été continuée. A l'intérieur de cette grande zone toutes les maisons sont des maisons mauresques, il n'y a même pas une dizaine de constructions européennes.
Une deuxième zone, tout en ayant été altérée, des rues ont été transformées, élargies, de nouvelles ouvertes, des nombreuses maisons mauresques détruites et remplacées par des constructions européennes, n'en a pas moins conservé les caractères de la vieille ville. C'est la zone de contact avec la ville et les quartiers européens. C'est la partie qui est sur le pourtour de la première à l'Est et au Sud. Elle est limitée par la rue du Rempart Médée prolongée par la rue du Centaure au Sud, la rue de la Lyre, la rue Bruce, une partie de la rue de la Casbah et la rue du Lokdor à l'Est et au Nord. C'est un quartier mixte, cependant les maisons mauresques sont en plus grand nombre, surtout au Nord de la rue Porte-Neuve. Il n'y a de maisons européennes que dans le triangle compris entre les rues de la Lyre, Randon et Porte-Neuve. A part les larges rues qui en font le tour, aucune ruelle ne peut être utilisée comme voie carrossable, exception faite pour la rue du Divan, et la rue Boutin que les voitures peuvent remonter, les marches d'escaliers ayant été supprimées. En général, les ruelles ne sont pas aussi enchevêtrées que dans la première zone ; de nombreuses voies orientées Est-Ouest mettent en communication les rues Randon et Marengo avec la rue Bruce et la rue de la Lyre, et comme il y a une différence de niveau important (nulle à la place de la Lyre, 20 mètres au centre et 40 à 50 mètres à la fin de la rue Marengo). La plupart de ces ruelles sont construites en escaliers ; rue d'Oran, rue Porte-Neuve, rue Benachère, rue du Divan, rue Salluste ; rue de Toulon, etc...
Certaines ne comprennent que des marches comme la rue des Gétules par exemple. D'autres ruelles orientées Nord-Sud coupent les premières, elles sont moins régulières et souvent terminées en impasse. Certaines sont encore très étroites, on compte un " sabbat " assez important de près de 20 mètres de long, les autres, au contraire, ont été élargies par de nombreuses destructions, aménagement du marché Rondon ; dégagement de la Cathédrale, etc... Ici la population n'est pas composée uniquement de musulmans ; des juifs ; quelques étrangers habitent encore les maisons européennes. Les Européens ne se groupent pas par nationalité dans cette zone, ce sont pour la plupart des gens de condition très moyenne, et qui n'ont pas pu émigrer vers les nouveaux quartiers plus riches. Au bas de cette deuxième zone, à l'Est de la rue de la Lyre, et de la rue Bruce, se trouve ce qu'on pourrait appeler la vieille ville transformée où les démolitions de maisons mauresques ont été les plus importantes. Il y a de nombreuses voies carrossables, rue de Chartres, Bab-Azzoun, et quelques rues transversales reliant ces voies comme la rue Nemours, la rue Palma, etc... On y compte beaucoup plus de maisons européennes que de maisons mauresques.
La population musulmane qui, par suite des nécessités de l'urbanisme, ou pour éviter le voisinage de familles non musulmanes vivant selon des coutumes différentes, avait préféré peu à peu abandonner cette zone ne l'a pas encore réoccupée. Dans la partie Est, en bordure de la mer, entre la place du Gouvernement et le square Bresson, se trouve une zone qui n'a aucun des caractères de la ville arabe, les rues sont droites, coupées à angle droit, la plupart sont longues et accessibles aux voitures ; toutes les maisons sont de style français et entièrement occupées par des Européens. Nous avons vu qu'au Nord de la place du Gouvernement, tout le quartier de la Marine et de l'Ancienne Préfecture a été rasé, il ne subsiste que quelques vieilles maisons européennes le long de la rue de la Marine et du boulevard de la République. Un îlot de belles maisons mauresques a été lui aussi préservé, c'est celui que nous avons vu compris entre le boulevard et le parapet.
Ainsi donc, telle une peau de chagrin, la superficie occupée par la Casbah diminue chaque jour, après la pioche du démolisseur, le temps a commencé son œuvre destructrice et, maison par maison, le vieil Alger disparaît. Après s'être étendue sur 50 hectares, la vieille ville n'occupe plus que 18 hectares (superficie du 2"' arrondissement), encore faut-il comprendre dans ce chiffre les nombreuses maisons européennes qui furent construites dans la Casbah. Tout se transforme et ici comme ailleurs le nouveau chasse impitoyablement l'ancien. En disparaissant , notre vieil Alger devient un souvenir et " ce souvenir idéalisé par les regrets qui font les légendes poétiques sera peut-être plus beau que ne fut la réalité ". (Guiauchain : el Djezair-1905).
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