Lallahoum/ Par Sâadi BENHOUHOU
Quel est l’algérois qui ne connait pas ce nom : Lallahoum ? Ancien quartier de la Basse Casbah où se trouvait « zoudj Ayoun » et le mausolée de Sidi H’lel, ce quartier se situait entre la rue de la mosquée Ali Betchin (rue du Pr Souillah) et la rue de la Fonderie près du lycée Émir Abdelkader.
Complètement démoli, l’assiette du terrain abrite actuellement un marché bidonville. En vérité le nom de Lallahoum était donné à une rue de ce quartier, celle qui reliait la mosquée Ali Betchin et Sidi H’lel, plusieurs autres rues composées ce quartier telles que la rue Sidi Ferruch, la rue Hercule, la rue des Marseillais, la rue Sidi H’lel…Mais qui était cette dame (lallahoum) au point qu’une rue d’Alger lui soit attribuée ?
Il s’agit de la princesse Lallahoum, la fille de Ben Ali, sultan des Kabyles de Koukou. C’était une femme d’une beauté éblouissante et d’une très grande piété. Un jour, elle rencontra le fameux corsaire d'origine vénitienne, Ali Bechin (Puccieni), qui ne put résister au désir de l'aimer. Accompagné de Lalla N'fiça, veuve du raïs Fettah-Allah Ben-Khodja et d'une nombreuse suite, il se rendit auprès de Ben-Ali sollicitant la main de sa fille. Le grand courage de raïs Ali Betchin lors de ses sorties en mer, lui avait permis de réunir les plus riches produits des quatre coins du monde. Il déposa ainsi au pied de la belle princesse les plus riches tapis de la Perse, les soies et les brocards du pays du Levant, les diamants des Indes, l'or du Pérou ... Lalla Lallahoum considérait avec indifférence ces richesses : « Non, dit-elle, je n'ai que faire de tout cela, j'exige que mon prétendant construise une mosquée pour me prouver sa foi ». Son vœu fut immédiatement exaucé et une magnifique mosquée fut érigée, le 4 Mars 1622, sur la rue de Bab El Oued, là où Ali Betchin avait son palais. L’édifice était également pourvue d'une fontaine appelée « Aïn ech chara » et plusieurs boutiques voisines lui furent attribuées en bien habous en vue d'assurer une rente permanente servant à son entretien. Cette vieille et remarquable mosquée subsiste encore de nos jours à « Zoudj-Aïoun ».
Après le décès d’Ali Betchin, la princesse Lallahoum continua l’œuvre caritatif de son mari en faisant du bien et aidant les pauvres. Par sa grande piété et sa foi, elle acquit une grande renommée et un grand respect de la part des algérois. Après son décès, elle fut inhumée à côté de son époux à Djebanet el-bachaouet (le cimetière des pachas), ancienne nécropole située à la porte de Bab-El-Oued. Dans ce cimetière étaient enterrées plusieurs personnalités de notre histoire. Là se trouvait le tombeau d’Hassan Agha, illustre vainqueur de Charles Quint et de son armada aux portes d'Alger en 1541. En ce lieu, se trouvait également une kouba décorée de faïences de Perse et d'Italie, sépulture du Beylerbey Salah raïs, compagnon des frères Barberousse, grand timonier du sultan Soleiman El-Kanouni dit le « Magnifique » et roi d'Alger de 1552 à 1556. Il expulsa les Espagnols de Bejaïa (Juin 1555) et mourut d'une terrible maladie à Tamentfoust, alors qu'il s'apprêtait à une expédition contre les espagnols occupant Oran. Signalons aussi les tombes de quelques autres rois d'Alger : Hassan Corso mort en 1557, Hassan Cheikh décédé en 1640, Daly Brahim en 1710, Ibrahim Koutschouk en 1748, Baba Ali Bou-Sbaâ en 1766 et tant d'autres.
Des attributs particuliers distinguaient chaque sépulture tandis que les tombeaux des rois, tous décorés d'une coupole, présentaient un turban de marbre, celle des raïs d'un bâton d'enseigne et d'une pomme de mât de pavillon. Lors des grands travaux d’agrandissement de la ville d’Alger en dehors des fortifications, ce cimetière fut complètement détruit (il se trouvait sur la place en face de la DGSN). Seules quelques tombes ont pu être déplacées vers le petit cimetière de Sidi Abderrahmane ; le reste est perdu à jamais.
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