Les secrets bien gardés du lycée Mustapha Ferroukhi/ Par Slemnia Bendaoud
Sans vouloir tomber dans l’affabulation de la révélation des secrets d’Alcôve, il est cependant permis de mettre l’accent sur certaines différences de taille qui existaient entre le lycée Mustapha Ferroukhi et son homologue de Mohamed Abdou de Miliana, destiné exclusivement au sexe féminin.
Tournant autrefois le dos à la mixité, chaque lycée s’intéressait donc à la formation d’un seul ou unique sexe dont il héritait administrativement : celui très masculin pour le premier et celui purement féminin pour le second.
C’est de là d’ailleurs d’où jaillit ou nait en fait l’essentiel de leur principale différence. Mais pas seulement ! Et si le lycée Mohamed Abdou était très connu pour son faible pour le sexe faible, celui de Mustapha Ferroukhi, par contre, trouvait souvent la partie belle en engrangeant en son sein ces autres élèves considérés comme des hommes forts ou bien puissants.
Des hommes, dirions-nous ! Oui … en effet, de véritables hommes, mariés en plus, mais aussi pères d’une toute petite famille, comptaient également parmi ses nombreux élèves ! L’information n’a rien d’une très amusante blague ou très vulgaire galéjade puisqu’elle tient de cette vérité tangible dont très peu de leurs camarades connaissaient alors réellement leur véritable statut.
Aussi, durant l’année 1973, le lycée Mustapha Ferroukhi comptait déjà parmi ses nombreux effectifs pas moins de trois nouveaux mariés dont la célébration de leur mariage s’était déroulée durant les grandes vacances de l’été qui précédait la nouvelle rentrée des classes.
Deux d’entre eux étaient inscrits en classe de première lettres (L1 et L2) et un autre était, lui, élève de la classe de terminale (TSB). Ces trois mousquetaires ou maris-élèves ne furent cependant connus que par leur environnement immédiat lequel tenait, par pudeur ou respect du voisinage, à garder le secret.
Ainsi donc, devait-on dire sinon au besoin bien le rappeler, parmi les nombreux effectifs du très célèbre Mustapha Ferroukhi, existaient également, à l’instar des maitres et des professeurs, des élèves chefs de famille’’ qui suivaient leurs cours normalement, en leur qualité d’internes au sein de cet établissement.
Et si la déontologie le permettait, car, en pareille circonstance, la sagesse prend souvent en ligne de compte la toute supposée réserve d’usage, leurs noms autrefois tus peuvent vous être communiqués à présent, même si de nombreux sexagénaires parmi leurs anciens camarades détiennent depuis longtemps déjà l’information.
A titre comparatif, cette différence-là est vraiment de taille ! Car, à l’opposé, aucune élève n’étrennait, à notre connaissance, son nouveau statut de mariée parmi les pensionnaires du lycée Mohamed Abdou.
Non pas que l’établissement lui-même les refusait, mais parce que ce sont plutôt les traditions et les coutumes de l’époque qui les interdisaient manifestement. Et très formellement aussi !
Au-delà du simple constat, il est fait cependant d’autres plus profondes ou très sérieuses lectures de cet épiphénomène.
Explication :
Le poids des coutumes et des traditions était très fort chez certaines tribus et communautés que leur impératif de se régénérer sur la base des mêmes données (souvent de reproductions ancestrales) leur imposait souvent de conclure des mariages de convenance très précoces afin de participer activement à la pérennité de la tribu, de la grande famille et du nom patronymique porté en signe de véritable identité.
Aussi, la taille de cellule familiale était tellement si importante, grâce à ce lien familial indéfectible qui unissait tous ses membres, que le pouvoir, souvent très exorbitant du grand patriarche, s’étendait parfois à des kilomètres à la ronde pour concerner ce fils étudiant ou travaillant à distance, afin de lui imposer la conduite à suivre ou à tenir mais aussi ce nouveau statut à désormais porter et bien assurer.
Par subrogation, subordination ou même de force, le vieux patriarche est donc présent partout sinon c’est lui le véritable chef en tout lieu où s’exerce une quelconque action afin de démontrer toute sa puissance et très grande considération à, à la fois, remplacer au pied levé dans ses menues responsabilités sociales tant son fils nouveau marié que sa bru en tant que nouvelle arrivée au foyer de ses beaux-parents dont le véritable Maitre du foyer familial n’est autre que celui du père de son tout jeune mari.
Ainsi vivait donc la famille algérienne, très conservatrice de son état cloisonné d’avant et juste d’après la guerre de l’indépendance nationale, où le rôle dévolu à la progéniture du grand patron patriarcal découlait de source de cette délégation progressive de son pouvoir au profit d’abord de l’ainé de ses fils avant d’atteindre avec le temps l’ensemble de ses frères, tous contraints de suivre leur père dans sa logique et autre raisonnement dans leur quotidien, tout en étant eux-mêmes déjà chefs de famille au sein de cette toute petite tribu qui les couve et couvre de sa bénédiction.
Voilà pourquoi nous côtoyions autrefois ces internes en leur qualité ‘’d’élèves mariés’’, tous contraints de faire dans ce mélange ou mixage du côté strictement traditionnel avec celui plutôt purement moderne de la vie en société, afin de contenter les parents et de suivre cet indispensable enseignement, lequel changera plus tard tout dans leur avenir et comportement.
Cette catégorie d’élèves, issue de surcroit de toutes les communautés que recèle la société algérienne dans sa grande diversité et expansion territoriale, figurait parmi cette gente juvénile la plus érudite et la mieux cultivée du pays, de sorte que sur ces trois candidats au Baccalauréat de la session de juin 1974 deux d’entre eux l’ont eu avec une bonne moyenne (pour un taux moyen national de réussite de l’ordre de 12% seulement) pour devenir plus tard parmi les hauts cadres de la nation et des professions libérales.
Et même celui qui n’avait pas eu la même chance de faire aussi bien que ses camarades devait, lui aussi, embrasser une brillante carrière professionnelle dans l’enseignement. C’est dire que le poids déjà faramineux du facteur purement traditionnel ne constituait nullement un quelconque fardeau ou frein quant à la poursuite de leurs études supérieures.
Comme quoi : seuls ou en famille restreinte, ces pépites étaient très douées pour décrocher leur bachot et, plus tard, bien réussir leurs études supérieures. Cela nous renvoie à plutôt mieux considérer cette virilité du mâle qu’enregistrait et élevait, à l’époque, le lycée Mustapha Ferroukhi.
Contrairement à son jumeau de la même ville, situé lui aussi sur ce plateau fixé en légère pente sur le versant sud du Mont Zaccar, le lycée Mustapha Ferroukhi était donc plus connu pour sa très précoce fécondité et grande fertilité, même si cette délicate mission est très logiquement dévolue à ce sexe féminin qui fréquentait celui qui avait pour nom le lycée Mohamed Abdou.
A vrai dire, nous ne faisons là que tenter cette impossible comparaison entre ces deux institutions du Savoir afin de tout juste mettre en relief cette très singulière particularité d’une époque surannée dont nous avons jugé utile de la déterrer, tout juste pour évoquer ces autres souvenirs qui relèvent des secrets bien gardés du mythique lycée Mustapha Ferroukhi.
Aussi, tous grands-parents maintenant, ces autres élèves-chefs de famille peuvent-ils, à leur tour administrer cette même formule d’autrefois à leurs enfants et autres petits enfants ? Il est fort à parier qu’ils seront bien incapables même juste d’y penser ! Tant, tout a depuis bien changé dans leur environnement et esprit.
Commentaires
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- 1. keryma Le 30/07/2014
Bonsoir Slemnia Bendaoud
Je pense et à mon humble avis qu'il faut tout lire et ne pas commenter, car en ce qui me concerne je préfère garder le secret si joliment révélé! -
- 2. Chantal Le 27/07/2014
Bien jolie narration même s’il s’agit d’un passé révolu que j’ai lue tel un conte.
Merci à vous Slemnia Bendaoud.
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