Souvenir d'une note d'un prof/ Par Med BRADAI
En hommage à tous les professeurs qui ont fait le lycée Mustapha FERROUKHI
Mr Caillette, un prof de français bien de cette dernière génération des anciens lycées et collèges en notre temps de présence au lycée FERROUKHI. Rien qu'à voir son vieux cartable de cuir allant de prés de son âge le conservant avec cœur, vous dit que c'est dû peut être en souvenir d'un compagnon de toujours qu'il ne peut lâcher, et cela, vous donne estime et respect pour lui.
Son cours à lui diffère de cette littérature des autres profs qu'on a eu, et de lui je garde encore ce souvenir d'une heure de compo de cet après midi d'un premier trimestre. Une heure passée entre lui et moi dans un duel de silence ou ses yeux derrière des lunettes de vue exprimaient envers moi une vision de sa pensée.
Le sujet étant bien exposé au tableau, libre à chacun de le commenter à sa manière, un sujet qui va au delà d'une pensée d'adolescent à une autre d'adulte prête à confronter une vie future.
Dans ce silence régnant dans une salle au moment des compos, ou l'on sort et on applique dans ces circonstances l'emploi de la formule individualiste " chacun pour soi, Dieu pour tous ". Et ce silence nous donnait bien cette raison qui en dit long à tout élève, qu'aujourd'hui chacun doit s'en soucier de remplir sa copie de soi même, la note remise étant pour chacun individuelle et non collective.
Les minutes passent et durant ce temps écoulé ma copie de feuille blanche est bien là un peu écartée à l'autre bout du coin de la table, sans aucune autre feuille de brouillon sur la table, mon stylo à plume "watherman" conservant toujours son chapeau reposait au frais, attendant un geste d'une de mes mains pour imiter lui aussi ses compères dans leurs tracés de lignes continues.
Ma place à moi dans cette salle, est à distance de quelques tables de l'estrade supplanté du bureau en bois massif du prof. J'étais là, assis à une table comme tout élève confronté à un devoir. Parfois pensif, un regard au plafond à compter les couches de peinture, ou admirer les quelques mouches survolant nos têtes, ma position étant loin cette fois-ci de la fenêtre où je pouvais me permettre de contempler les merveilles du dehors.
Dans une position d'assise à la légère, un bras pendant derrière la chaise l'autre au coude posé sur le bord de la table. Ce prof en français s'est préoccupé de moi en voyant ma tête toujours haute, constamment voguant au ciel, l'air absent à tout travail, et depuis son regard s'est figé davantage dans ma direction... Il se leva et fit semblant de faire cette tournée habituelle des profs, à travers les rangs pour savoir un peu ou notre travail en est... Convaincu que ma feuille est bien toujours sans tache, il revint à son bureau, nos yeux se croisèrent de temps à autre le temps d'une pensée et chacun prenait soin de ne point déranger l'autre.
Au juste, je ne savais quoi dire ou plutôt quoi écrire sur ma copie. Et les minutes passaient, l'heure approchait à sa fin. Ce prof en homme conscient, lança aux têtes baissées pour éveiller les retardataires du propre que le temps de la remise des copies n'est qu'à dix minutes seulement. Un regard furtif me fut destiné avant qu'il ne s'assoie pour la dernière fois, peut être m'adressait -il ce dernier ultimatum pour me dire qu il ne peut me noter moins d'un zéro c'est la seule note qu'il puisse me donner. Et dire peut être voilà quelqu'un qui ne me donnera point de peine de veiller tard à la correction de sa copie.
Nos yeux se rencontrèrent pour une dernière fois, quand il vit une de mes mains s'appropriait du stylo et l'autre avançant lentement un peu plus la feuille du loin il se contenta de s'adosser un peu plus à sa chaise et d'attendre l'heure de la sonnerie de la fin du cours.
En ces dix minutes qui restent, mon stylo fut heureux comme les autres. Il avait fait ce qu'il fallait faire en temps de précipitation d'une dernière valse avant la dernière note d'un accordéon. Ma copie fut de quatre à cinq lignes pas plus et remise à temps, sans que personne n'en s'est douté que j’étais prés de ce zéro tant redouté en compo sauf mon prof.
A la remise des copies, celle m'appartenant était bien la dernière à être distribuée. Elle me fut remise en dernier par ce prof Caillette où nos regards se sont croisés mais cette fois avec un beau sourire du coin de ses lèvres, tout en me disant des yeux « Regarde ta note et souris moi un peu pour que je puisse voir ta joie », sur la marge de la feuille un 17/20 bien encadré d'un cercle rouge récompensait mes quarante minutes de silence avec cette observation qui m'est restée en souvenir de lui : « Je te félicite mon garçon ». C'est des souvenirs, seulement des souvenirs de ce majestueux lycée Mustapha FERROUKHI qui nous restent.
Commentaires
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- 1. bradai Le 31/07/2017
Oh! oui Chantal mais sais tu ce que je lui ai dit sur ma feuille de compo " comme le sujet posé ne m' intéressait du tout que j'ai compté pour passer mon temps 17 fois le nombre de fois que nos regards se sont confrontés et c'est de là qu' il m'a félicité en me disant sur la copie "je te félicite mon garçon" moi je n'ai compté que 16 et je vois que tu mérites bien tes 17 /20 au nombre que tu as su compté plus que moi vu que notre pensée la tienne comme la mienne allaient dans le bon sens de nos idées de savoir compter.
Au fait son nom etait Mr : Cayette et non pas Caillette je m'en excuse de cette faute -
- 2. Chantal Le 28/07/2017
Waouh ! Quelle chance d'avoir eu un professeur comme lui Med ! On sent le "vécu" dans ton récit !
Bonne journée à tous !
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