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Au bénéfice du doute…Non lieu !!!/ Par Meskellil

  Je veux essayer moi aussi ! Ya pas de raison ! Enfin… si! Des raisons y en a, mais j’en ai tellement envie ! Rien qu’une fois ! Juste pour voir ce que ça fait ! Sûr que je n’aime pas ça ! Entreprise périlleuse mais, j’ai envie de la tenter une fois ! Et une fois n’est pas coutume ! Mais comment vais-je m’y prendre ? Sur quoi tenter cette expérience ? Et quand ? Parce qu’il faut s’y préparer ! Réfléchir, prévoir ! Au millimètre près ! Ne rien laisser au hasard ! Un acte prémédité se doit d’être parfait ! La sentence peut être lourde ! « Tout de même… ! Tu es sûre que c’est une bonne idée que tu as là ? Imagine que tu te fasses prendre ? Et puis, quel intérêt ? Des défis, il y en a d’autres, moins risqués, si le but est de te mettre à l’épreuve, non ? Alors wach hazek ? Hadha li gallek arouah liya ya bla walla ndji lik ! ». Bon, toi la conscience, ça va bien hein ! On t’a rien demandé ! Viens pas me tourmenter avec tes fais pas ci, fais pas ça, t’es sûre de ci, t’es sûre de ça ! Toujours là où il faut pas ! Toujours à te mêler de tout ! Yedjzini !! Stop !! « D’accord, mais écoute-toi parler, tu n’oses même pas formuler ce que tu veux faire… . Encore une fois, es-tu sûre de vouloir le faire ? Parce qu’après, si ça tourne mal, viens pas pleurnicher ! ». Chuuut toi ! Si t’étais pas là à fourrer ton nez partout, je pourrais peut-être arriver à me concentrer un peu !! Qu’est-ce que tu peux être casse-pied parfois !! T’es contente ? Tu m’as fait perdre le fil ! Et en plus, à en faire des tartines et des tartines, tu me fais douter ! J’ai le trac avant même d’avoir fait quoi que ce soit ! C’est pas comme si j’allais commettre un crime, un homicide ! Oh, et puis zut ! J’en étais où déjà ?

Au bénéfice du doute...L’histoire ! Ouais, l’histoire ! Ça peut le faire ! On a compo la semaine prochaine ! C’est vrai qu’elle a raison l’autre là ! Cette empêcheuse de tourner en rond ! Je connais assez bien mes cours en plus ! Je n’sais pas si ça vaut l’coup ? Zut et flûte ! Ça m’est égal ! Je veux essayer ! Je ferai attention à pas me faire prendre ! Mais comment procéder ? Les petits papiers sur lesquels tu passes des heures à recopier les cours en lettres riquiqui, au risque de te choper une tendinite ? Non, merci, très peu pour moi ! Sortir le cahier 3aynani ? Tu n’y penses pas ! Alors, comment faire ? Voyons…, voyons…, ah mais, bien sûr !! La jupe !! Imparable la jupe ! Suis-je bête ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Un super bon plan ça ! Impossible de me faire prendre ! Bénis soient les écossais et leurs kilts ! J’en ai un justement ! Presque toutes les filles en ont, des kilts ! C’est la mode en ce moment ! On l’appelle aussi jupe portefeuille, justement parce qu’un pan de la jupe se rabat sur l’autre tel un portefeuille. Ils se superposent et se boutonnent chacun de son côté au niveau de la ceinture. Le pan supérieur étant épinglé sur le pan intérieur par une jolie épingle pour éviter les indiscrétions. C’est pour faire joli aussi, mais surtout pour parer à toute effronterie d’un vent mutin inopportun !

Bon ! Maintenant que « l’arme » est définie, passons aux choses sérieuses, les petits détails ! Il faut les peaufiner ! Si la couverture du cahier d’histoire est épinglée aux quatre coins sur le pan intérieur de la jupe, et que le pan extérieur vienne se rabattre-dessus, on n’y verra que du feu ! De sorte que même si le prof suspecte quelque chose, il n’osera jamais me demander de relever ma jupe ! « Diabolique ! Et malhonnête qui plus est ! Tu me déçois ! Ne te lance pas là-dedans ! Tu connais tes cours bon sang ! ». Je sifflote…, je sifflote… essaie de faire la sourde oreille…Rien à faire ! Aussi aiguë qu’une douleur dentaire cette conscience ! Pénible ! Rageante ! Mon enthousiasme retombe ! Ah, celle-là, quel rabat-joie ! Ce n’est pas comme si je faisais ça tout le temps ! Là, j’suis sûre que tu n’me dirais rien parce que t’y serais habituée ! Tu m’aiderais même, j’en suis sûre ! Alors, fiche-moi la paix, tu veux ? Tout ce cinéma pour un simple copiage ! T’en fais pas un peu trop, dis ? Oui ?! Alors, lâche-moi !

Voici le grand jour arrivé. La compo d’histoire ! Bien évidemment j’ai mis ma jupe portefeuille, et une fois entrée en salle de cours, j’ai épinglé sur le rabat intérieur le cahier ouvert comme prévu. Je l’avais bien aplati auparavant. Ça fait toujours un peu épais, mais assise, ça n’se verra pas, et ma place se trouve au fond du premier rang côté mur. Le prof ne pourra rien voir ! J’ai un trac fou ! Je me sens bizarre. Mon cœur, très émotif, me tambourine la poitrine. J’ai l’impression que tout le monde lit tout sur mon visage, et entend tout ce boucan intérieur ! Très désagréable ! Sois pas ridicule ! C’est pas écrit sur toi ! J’ai mis ma camarade de table au parfum, histoire de lui épargner et de m’épargner des surprises. Il faut que tout ait l’air normal. C’est parti ! Le sujet d’histoire tombe ! Le plus délicat arrive ! L’opération copiage ! Je suis un peu anxieuse, mal à l’aise, estomac contracté, mâchoires serrées. Scellées même, mains légèrement fébriles ! Je commence à transpirer. Une goutte de sueur coule lentement le long de mon dos. Je frissonne. J’ai envie de battre en retraite ! « Tu vois, je t’avais bien dit de ne pas te lancer là-dedans ! Regarde dans quel état tu t’es mise » ! C’est décidé, j’irai jusqu’au bout !

Quand j’ai répété l’opération à la maison, ça avait marché comme sur des roulettes. Aucun accroc ! Tout était parfaitement bien huilé ! Oui mais ça, c’était à la maison !! J’étais toute seule, et puis il y avait tous ces bruits environnants auxquels on ne prête pas attention ! La radio lointaine des voisins, le bruit de vaisselle dans la cuisine, une porte qui se ferme, des enfants dehors qui ponctuent leurs jeux de cris, les vendeurs ambulants… Bref ! Tous ces bruits familiers du quotidien parfaitement intégrés, formant une joyeuse cacophonie ! Rassurante, parce que toujours là ! Sauf… ! Oui sauf que dans la salle de cours, c’est une tout autre histoire !! Le bruit n’y a pas sa place ou très peu ! Territoire du silence oblige ! Rigoureux, guindé ! Pauvre bruit obligé de se contenir jusqu’à n’en plus pouvoir ! Indiscipliné le bruit ! Je le comprends, mais je comprends aussi le silence ! Obligés de s’entendre tous les deux ! Ils évoluent toujours dans le même espace ! Compromis voire compromissions sont de mise ! Dans la salle de cours, et qui plus est en compo, le bruit est soumis à rude épreuve ! Et au moindre geste, au moindre mouvement, il accourt et met du cœur à l’ouvrage amplifiant toutes les manifestations, même les plus insignifiantes. Trop impulsif ! Trop excessif ! Même si je comprends qu’il ait besoin d’évacuer un peu de cette tension qu’il y a en lui. Il exploserait sinon ! Le moindre son, le moindre chuchotement, le moindre crayon ou stylo posé ou tombé, deviennent des prétextes pour s’en donner à cœur joie ! Aucune discrétion ! Aucune retenue !!

Je m’égare, je radote direz-vous ? Non ! Vous allez vite comprendre pourquoi ! Primo ! Chez moi, je n’ai pas répété assise derrière un pupitre, mais simplement sur une chaise. Très facile de baisser les yeux, de lire les cours, de tourner les pages du cahier posé sur les genoux. Pas d’obstacle ! En salle de cours, mes genoux disparaissent sous le pupitre ! Le détail qui tue ! Le bois n’est pas transparent non plus, donc le cahier je ne le vois pas, ce qui m’amène à faire des mouvements incessants en arrière, en avant, en arrière…. pour voir ce qu’il se passe sous ce fichu pupitre ! Ça finit par se remarquer ! Deuxio ! Chez moi, il y a tous ces bruits environnants qui étouffent, masquent tous les autres petits bruits. On ne les entend même plus du tout ! Vous me suivez toujours ? Pour tourner les pages du cahier, épinglé à la jupe, dont le rabat supérieur n’est pas totalement libre puisque retenu par un bouton à la ceinture, même si l’épingle qui fait joli a été enlevée, je suis obligée d’introduire mes mains sous le pupitre, de faire un mouvement en arrière pour tenter de voir ce cahier, en tourner les pages, lire et trouver la bonne leçon. C’est ce que je suis en train de faire là ! C’est assez sportif ! Un vrai exercice de contorsionniste ! Un grand moment de solitude aussi ! Pour le bruit toujours à l’affut, tu parles d’une aubaine ! Une occasion en or, oui ! Et, il ne s’en prive pas !! Et, ça fait des kekhhh, et des kekhhh accompagnés de ces mouvements d’arrière en avant de mon buste…! Tant et si bien que… ben, le prof rapplique ! Aussi sec ! Moi, tout aussi sec, je rabats le dessus de la jupe sur le cahier ! Le prof méfiant vérifie qu’il n’y a rien sur la table, rien sous la table, que mon cartable est bien par terre ! Tout semble normal ! Soupçonneux et méfiant, il se plante derrière moi, sûr qu’il y a anguille sous roche ! Moi, je fais mine de réfléchir, les yeux dans le vague. Il finira bien par partir ! « Tu vois, tu t’es fourrée dans de beaux draps, je t’avais bien dit de ne pas te lancer là-dedans ! » Chuuut, toi !! Le prof attend toujours. Je continue à réfléchir. Ça devient long… Je gribouille quelques mots sur mon brouillon, histoire de…. Désemparé, il regarde une dernière fois, finit par regagner son bureau, bredouille, dépité. Ouuuffff ! Quelle guigne ! Je transpire en abondance. Mes vêtements me collent. J’ai un peu froid. Allez, allez, on se laisse pas abattre ! Je retrouve ma détermination et reprends les choses en main. Galère ! Galère ! Le topo est identique : primo, deuxio, le prof qui rapplique, moi qui rabats le pan de la jupe ! C’est mécanique ! Lui, le visage froissé, le regard sombre, convaincu qu’il y a quelque chose qui n’tourne pas rond ! Moi, en tension paroxysmique, prête à m’allonger, à passer à table !! Il ne dit mot. N’en pense pas moins ! Décide de s’installer là, cette fois-ci ! Dans la mélasse ! Et jusqu’au cou ! Ma fluidité mentale se grippe, mes cours que je connaissais assez bien, se crispent, se rétractent, et me lâchent ! La totale !! Energie et concentration évaporées à essayer de mettre en œuvre ma stratégie ! « Voilà bien ce que je craignais ! Que vas-tu faire maintenant, hein ?! »

La morale ? Non, cette histoire n’a pas de morale. J’ai tenté une expérience qui n’a pas abouti, c’est tout ! Certains détails n’ont pas suivi ! D’autres y arrivent, et même très bien ! Moi, pas ! Je suis assez fière de moi malgré tout! Parfaitement ! Pour une première expérience, c’est pas si mal ! J’ai trouvé un moyen ingénieux, redoutable, vous en conviendrez, et j’ai beaucoup de cran ! Si ! Si ! La preuve ? Je ne me suis pas fait prendre ! De gros soupçons, une grosse conviction, mais pas de preuve ! Pas de mobile non plus ! Mes notes d’histoire sont toujours excellentes ! Une élève au-dessus de tout soupçon, quoi ! Le « crime » presque parfait en somme ! Bilan plus que positif ! Bravo ma grande ! « C’est ça, continue à t’encenser ! Je te rappelle que tu n’as pas encore fini ta compo et que tu ferais mieux de t’y mettre tout de suite, tu n’as plus beaucoup de temps ! ». Rabat-joie, rabat-joie, rabat-joie !!

Je retourne à ma compo, remplis tant bien que mal ma copie, le prof dans le dos, sur le qui vive, prêt à tout ! Je suis quasi certaine qu’il soupçonne ma jupe de subversion ! Je l’ai vu lorgner dans sa direction à plusieurs reprises, le visage hostile et hargneux, le regard assassin ! Comme il n’est sûr de rien, il ne fait rien. Il reste juste là, planté comme un piquet, guettant le faux pas. J’évite de bouger à cause du cahier épinglé sous ma jupe. Des fois que le bruit rapplique ! C’est assez laborieux, je dois reconnaître ! J’ai eu 10 sur 20 à cette compo d’histoire. La plus mauvaise note de toutes mes classes d’histoire réunies !! Non, non, toujours pas de morale !!

Commentaires

  • ferhaoui
    • 1. ferhaoui Le 10/01/2015
    bonsoir tout le monde bonsoir p'tite soeur meskellil, assis près du feu, j'ai lu d'une seule traite, votre chronique: pour titre: au bénéfice du doute...un texte tranquille et mystérieux que j'aime beaucoup. l'auteur(e) est une femme. elle a ce don si rare parmi les homme, le sens de l'invisible. ( j'ai beaucoup apprécié cette photo flout...? qui donne au texte du piment ) l'ami ferhaoui, oran.
  • keryma
    • 2. keryma Le 10/01/2015
    Un grand merci ma très chère Meskellil,
    Tu devrais faire un recueil avec toutes tes belles histoires.

    Nadjiba a raison, ah la jupe porte-feuille Ecossaise! Et tu as épinglé le cahier avec la fameuse grande épingle de la jupe?
    Copier ya hawadja ce n'est pas bon! Oups la morale! Mais quelle lutte avec ta pauvre conscience! 10/20 c'est la moyenne et re oups encouragement!
    Bravo ya lalla et re re oups félicitations! Tu t'en sors bien. La bettya en est toute tourneboulée!
    Je t'embrasse et merci pour tes gentils mots à propos de ma petite maman chérie,
    Kéryma,
  • Nadjiba
    • 3. Nadjiba Le 10/01/2015
    "Peut-être un jour même ces souvenirs auront pour nous des charmes."
    Virgile.
    Ravie aussi par le souvenir de la jupe portefeuille!!

    Bonne fin de journée chère Meskellil.
  • Meskellil
    • 4. Meskellil Le 10/01/2015
    Kéryma bonjour,

    J'ai mis mon matériel de spéléo, et suis descendue dans les basses galeries de cette fichue mémoire. Il n'y avait pas grand chose dans les couches supérieures! Laborieux parce que la lampe s'est éteinte à un moment donné! J'ai cru que je n'allais jamais sortir de là...

    Une promesse est une promesse Kéryma, de plus ça me fait plaisir de te faire plaisir! Le deal c'était une bettya contre un souvenir! Tu te souviens?

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