Soulèvement de Margueritte (Aïn Torki)/ Par Badia HAMZA-CHERIF
En 1901, l’Algérie est colonisée depuis plus de 70 ans. L’œuvre « civilisatrice » de la France s’est illustrée par la destruction totale des structures économiques et sociales du pays. Les Zaouïas chargées de l’éducation sont ruinées et n’assurent plus aucun enseignement. L’introduction du droit foncier français et l’adoption du Code de l’indigénat ont fait des Algériens des parias sur leur propre terre. Après la résistance d’Abdelkader, celle de Fatma N’Soumer, de Bouamama, viendra l’insurrection d’El Mokrani de 1871, suivie d’une répression féroce et du séquestre des terres, qui ont fini par faire paraitre aux yeux des occupants, que l’Algérie était définitivement « pacifiée ».
C’est dans ce contexte de fausse quiétude pour les colons, qu’un petit village du nom de Margueritte (aujourd’hui Ain-Torki) près de Miliana va être le théâtre, le 26 Avril 1901, d’une insurrection assez singulière, venant démentir la « pacification » supposée et annonçant d’autres Mouvements de contestation contre l’ordre colonial, Mouvements (Aurès, Sétif) qui aboutiront plus tard à l’Appel du 1er Novembre 1954.
Margueritte et la journée du 26 Avril 1901
Dès le début de l’année 1901, l’administration coloniale signale un regain de ferveur religieuse parmi les « indigènes musulmans » du douar d’Adélia près de Margueritte. Deux acteurs s’agitent en particulier et mèneront plus tard l’insurrection. Il s’agit de Yacoub Mohamed ben El Hadj Ahmed, journalier, seul lettré en arabe de tout le groupe, qui se présente tous les jours dans les cafés du village pour interdire aux Musulmans de boire du vin, de fumer et de jouer.
Le deuxième, Taalbi el Hadj, quant à lui, réunit quotidiennement ses compatriotes sur la Place du marché pour y faire publiquement la prière du soir. Le 22 Avril, une réunion se tient au marabout de Sidi Bouzar, le 24, une autre a lieu à Sidi M’hamed Benyahia, et rendez-vous est pris pour le 25, chez Taalbi, pour préparer le pèlerinage à Besnès (confrérie des Taîbya).
Ce même jour, le Caïd du douar d’Adélia télégraphie à l’administrateur de la commune mixte de Hammam Righa, et l’informe : « Six indigènes, possédant chevaux veulent rejoindre Bou-Amama. Prière envoyer deux cavaliers Tizi-Ouchir. Serai là ». Le 26 au matin, le caïd se rend à la mechta de Taalbi pour y attendre les cavaliers, il est pris en chasse par les pèlerins et se réfugie dans la maison forestière, où il est assiégé.
Un garde champêtre de passage, tente alors de sortir, le fusil à la main, il est immédiatement entraîné dans la cour par les insurgés qui le somment de prononcer la Chahada, qu’il refuse. Il sera tué d’une balle. La maison forestière est fouillée, le caïd est pris, mais arrivera à s’échapper. Le camion d’un hôtelier, qui passe, est arrêté et ses deux occupants faits prisonniers après avoir été sommés de prononcer la chahada. Quand l’administrateur-adjoint de Hammam Righa arrive, il est désarçonné, décoiffé, déshabillé et revêtu d’un burnous. Des conducteurs de chariots de sable subissent le même traitement et les chevaux sont pris comme montures. Le groupe se met alors en marche vers Margueritte, avec à sa tête Yacoub, désigné « Sultan ». Sur le chemin, des ouvriers travaillant dans les champs le rejoignent. Le colon Gariot rencontré dans son champ, sera le premier à avoir la gorge tranchée pour avoir refusé de prononcer la chahada.
Avant l’entrée du village, le gros colon Jenoudet possédant une propriété de 1200 ha accepte de prononcer la chahada et de prendre le burnous, il est invité à se joindre au cortège et reçoit son nom arabe. Son chef de culture, Gay, et son cuisinier Rollin, refusent la chahada, ils sont égorgés mais Rollin survivra. Au village, les maisons, boutiques et cafés sont mis à sac, le butin est constitué essentiellement d’espadrilles, d’outils pouvant servir d’armes ou de munitions, et d’argent. Tout au long de cette journée, Yacoub avait ordonné de ménager les femmes et les enfants, ce qui sera respecté sans faille.
Les Européens rencontrés sont appelés à se faire musulmans : deux d’entre eux refusent, Gildo et Fernandez, ils seront tués. Vers 15 heures, quatre cavaliers venus de Miliana font leur apparition, à leur tête Bazinet, chef de bataillon, et Dupuch, lieutenant de gendarmerie. Ils sont faits prisonniers. Les insurgés poursuivent leur marche, investissent la seconde ferme de Jenoudet, font prisonniers les habitants, les frères Dudex, et s’engagent avec leurs captifs sur la route de Miliana.
Au col de Lef-Raz, ils se retrouvent face à une brigade de gendarmerie et une compagnie de tirailleurs, qui ouvrent un feu nourri contre eux, les insurgés refluent alors vers le village et Tizi-Ouchir, puis se dispersent dans les broussailles. Le soulèvement aura duré à peine huit heures dans le temps, mais, à l’échelle de l’histoire, il comptera beaucoup plus. L’habituelle répression coloniale se met en marche : exécutions sommaires, incendies des gourbis, vols, viols des femmes et des filles, arrestations de 400 « suspects » et séquestrations de tous leurs biens…
Une instruction judiciaire est ouverte et 125 prévenus sont renvoyés devant la cour d’assises sur la base d’infractions de droit commun. Le procès initialement prévu devant le tribunal criminel d’Alger, aura lieu finalement à Montpellier, à la grande rage des colons. Après une détention d’un an et demi et 19 décès parmi les prévenus, le procès s’ouvre finalement le 15 Décembre 1902.
Malgré le réquisitoire raciste du procureur qui demandait « 10 têtes » de « fanatiques », il n’y aura pas de peine de mort, les jurés ayant suivi la défense de Me L’Admiral, un métis, avocat de Yacoub, qui présentera avec brio, l’affaire comme une affaire politique, et non comme une affaire de droit commun; or pour les infractions politiques, la peine de mort avait été abolie par le droit français.
Le 8 Février 1903, tombe le Verdict : 11 condamnations aux travaux forcés de 3ème catégorie, les plus inhumaines, dont 4 à perpétuité, des peines de prison de 5 à 20 ans et 81 acquittements. Yacoub et Taalbi meurent une année après leur arrivée à Cayenne, aucun des autres condamnés ne survivra. Ceux qui ont été acquittés n’ont jamais pu revenir chez eux. Il sera fait application contre eux du code de l’indigénat, qui permettait « l’éloignement » des individus jugés « dangereux », fussent-ils innocentés par une cour d’assise. Le procès avait, entre temps, eu un très large écho dans la presse française et Yacoub avait même été présenté comme un « nouvel » Abdelkader.
1) Yacoub Med Ben-El-Hadj Ahmed (dit le Sultan) - 2) Tâalbi EL-Hadj Ben-Aïcha - 3) Bourkiza M'Ahmed Ben-Sadock - 4) Tâalbi Miloud Ben-Aïcha - 5) Abdellah El-Irtsi M'Ahmed - 6) M'Hamed Atman Ben-Abdelkader.
Conclusion
Cette insurrection de Margueritte a été le plus souvent présentée comme une révolte d’ouvriers agricoles démunis, durement frappés par la dépossession de leurs terres et subissant l’arbitraire du « Code de l’Indigénat ». Si cet aspect est indéniable, en ce jour du 26 Avril 1901 pourtant, aucune revendication d’ordre économique, social ou politique n’y a été exprimée. Seul s’est manifesté le sentiment très fort d’appartenance à l’Islam, comme valeur pouvant redonner dignité et force pour affronter l’oppresseur, même d’une façon meurtrière.
Cette insurrection, dans la forme qu’elle a prise, signifiait qu’il y a des valeurs qui assurent autre chose que la survie matérielle, et qui face à la misère et au dénuement, ont plus d’importance car elles constituent l’ultime rempart contre l’anéantissement total. Ces valeurs de l’Islam restaient inentamées chez les insurgés, malgré les tentatives de la colonisation, de les nier en substituant ses propres valeurs comme seules dignes d’intérêt et de respect. En ce sens, le soulèvement de Margueritte est bien l’expression d’un conflit culturel et identitaire.
Aussi, Margueritte a été qualifiée de dernier soulèvement « messianique », en effet, il faudra attendre le 8 Mai 1945 pour voir apparaitre le drapeau national. Mais à ce moment, ne s’agissait-il pas d’une alliance entre les valeurs de la Foi, et celles du nationalisme anti -colonial ?
Les Partis politiques se créent à partir de 1926, le Mouvement réformiste, commencé dès la fin du 19ème siècle, va se développer avec Ben-Badis, et permettre une réappropriation culturelle, qui aidera à la prise de conscience politique.
L’aboutissement en sera l’Appel du 1er Novembre 1954 avec son programme défini par l’article 1er :
« La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques » De Margueritte, au 1er Novembre 54, en passant par Sétif, et de l’indépendance à aujourd’hui, où en sommes-nous, avec un néo-colonialisme qui n’a jamais abdiqué pour nous imposer ses valeurs et qui trouve « preneurs » chez nous ? Où en sommes- nous de nos valeurs tirées de notre islamité, fondement de notre nationalisme, dans un monde qui a érigé le « Veau d’or » comme Dieu unique ? Que faire ?
Pour y répondre, je fais mienne la très belle phrase de M.Mahi TABET AOUL, tirée de son livre « Islam et Culture » (page 287). Parlant des pays musulmans, M.Mahi TABET AOUL écrit : » Ils ont besoin d’une élite qui doit reprendre la pensée coranique, non pas comme un précieux document archéologique, mais comme une pensée vivante, actuelle et en perpétuel devenir, qui doit imprimer l’action. En redéfinissant leur voie, sur la base de leur propre culture, ils ne doivent pas s’enfermer sur eux-mêmes et s’isoler. Ils doivent s’ouvrir aux autres pays, en établissant des rapports de coopération et de respect réciproque »…
Chronologie des faits
1901
- 26 Avril au 1er Mai : Soulèvement des habitants Aïn-Torki et Miliana « incidents de Margueritte (selon la presse algéroise de l’époque) dirigé par Yacoub ibn El Hadj.(cf. Chronologie algérienne 1830-1962, T1 ; p 158/159)
- 02 Mai: Arrestation de Yacoub Ibn El Hadj par l’autorité coloniale près de Djendel par l’administrateur de la commune mixte Mr. Diard.
1902
- Janvier : Arrêté du gouverneur général de l’Algérie, portant séquestre des biens de 87 indigènes, impliqués dans les évènements de Margueritte (commune mixte de Hammam Righa). (cf. Chronologie algérienne 1830-1962, T1 ; p 160).
- 11 Décembre : Comparaison devant les assises de Montpellier (France), de 87 fellahs accusés d’avoir participé aux pillages de Margueritte (Miliana). Verdict : plusieurs peines de prison et 52 acquittement. (cf. Chronologie algérienne 1830-1962, T1 ; p 161).
1903
- 08 Février : Verdict de l’affaire de Margueritte : 21 condamnation et 81 acquittement.
- 09 Août : Arrêté du gouverneur général de l’Algérie (Mr. Jonnart), relatif à l’exonération des 52 indigènes du séquestre imposés dans l’affaire de Margueritte, après avoir été acquitté par la cour d’assise de Montpellier.
1905
- Yacoub Ibn El Hadj et son second Thaalbi EL Hadj ben Aïcha, moururent au bagne dans des conditions étranges.
- 16 Décembre : Suppression de la commune mixte de Hammam Righa (d’Alger). A cette date tous les inculpés condamnés par la cour d’assises de Montpellier, n’ont pas encore expirés leurs peines. Pour procéder à une éventuelle recherche des inculpés, décédés après cette date, je crois se rabattre sur les régistres d’état civil de la commune de plein exercice de Hammam Righa (car selon les écrits officieuses disaient que à l’expiration des peines, les inculpés ont regagnés leurs domiciles, à moins qu’ils ne furent expulsés vers d’autres communes, parce qu’ils étaient indésirables parmi les colons).
Soulèvement Vu par un Algérien
L'affaire Marguerite et les tribunaux répressifs sous la lIIème République/Par BOUALEM NEDJADI
« Les Tortionnaires 1830-1962 » Editions ANEP Alger 2001 PP.59/61 et 97/98
Cette sombre affaire s'est passée sous le gouvernorat de M. Paul Révoil du 18 Juin 1901 au 13 Avril 1903. (Démission imposée [en réalité cette affaire éclata sous Jonnard qui était en poste au mois d’Avril 1901). Cette affaire dévoila un penchant quelque peu favorable aux quelques français libéraux. Il serait très utile, pour l'histoire, de rappeler leurs positions louables vis-à-vis de la communauté algérienne. En effet, à la suite de cette affaire, il faut noter la déclaration à cette époque du Sénateur républicain Pauliat qui croyait, lui, qu'il y avait déjà "exaspération profonde d'un peuple réduit à la misère" et rejoignait les propos de P. de Cassagnac: " La France ne s'est point montrée une mère mais une marâtre pour l'Algérie indigène".
Le début du soulèvement : L'idée était née lors d'une fête religieuse de Sidi Bouzar le 22 Avril. Le 24, lors d'une deuxième réunion au marabout de Sidi Mohamed Ben Yahia, la décision fut prise; le dirigeant de cette insurrection fut, d'après certains écrits, Yakoub et son lieutenant Hadj Ben Aïcha, ils devaient tous deux mourir au bagne en 1905 (décès très étrange des deux dirigeants, ainsi que 17 autres détenus), la chambre d'accusation de la cour d'Alger avait décidé les renvois des 125 inculpés devant la cour d'assises; la cour de cassation, dessaisissant la cour d'Alger, renvoya l'affaire devant la cour d'assises de l'Héraut (France), à la grande indignation des colons. Le procès commença le 11 Décembre 1902 et se termina le 8 Février 1903; l'avocat commis d'office, Me Ladmiral, plaida avec chaleur et émotion. Sur les 134 inculpés 17 étaient morts en prison. Parmi les inculpés, il y avait 80 malades dont 15 vieillards de 65 à 70 ans et un aveugle. Au cours de leur procès, le procureur interdit tout contact avec les accusés et des procès-verbaux furent dressés contre les femmes qui leur apportèrent à manger. Les acquittés furent bannis de leur village, cependant, même ceux ayant obtenu un non-lieu avaient été frappés administrativement et le séquestre avait été préventivement apposé sur les biens de tous les inculpés par un arrêté du gouverneur général, leurs biens furent rapidement vendus au profit du trésor. Lors de sa détention, Yakoub dut subir des expériences d'hypnotisme par des médecins. La cause de ce soulèvement est à ne plus en douter: les brimades, les abus, les vexations quotidiennes, les humiliations journalières, mais surtout les spoliations et les licitations abusives qui avaient été provoquées.
Les colons, très vite, en profitèrent pour demander l'application de la responsabilité collective sur les tribus et le droit pour les maires d'appliquer les pouvoirs disciplinaires.
Le voeu des colons ne tarda pas à se réaliser, le 26 Mars 1902 était signé le décret instituant des tribunaux spéciaux pour les "Indigènes", presque sans droit d'appel ainsi que des tribunaux répressifs. En outre, le 29 Mai 1902 était signé le décret donnant aux administrateurs compétence en matière de simple police dans les communes mixtes. Le Sénat mettant fin à une obstruction qui durait depuis 5 ans acceptait la loi instaurant des cours criminelles valables pour les seuls indigènes.
La séparation de l'église et de l'Etat fut acquise grâce à une loi de Décembre 1905, proposée par Aristide Briand ; mais ne concernera pas les mosquées et encore moins les Cadis; rien ne changera pour le culte des musulmans. Bien au contraire, le Cadi, se verra restreindre ses prérogatives au profit des notaires à la solde des colons, pour continuer la spoliation effrénée des terres appartenant encore aux paysans algériens.
NOTES :
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Me Ladmiral, avocat Guadeloupéen, décrivit la très grande misère des inculpés et "la cruauté de la loi des vainqueurs". Il se servit de cette tribune pour apprendre à l'opinion française ce qu'étaient le régime de l'indigénat et les pratiques d'internement administratif. Me Ladmiral, un homme très apprécié par les Algériens. Quant à Clemenceau, dans un article dans le journal La Dépêche de Toulouse, il citait le séquestre préventif des biens des accusés et il prit une position politique: " Je demande que notre colonisation se fonde sur le respect du droit humain. Aux populations à qui nous enlevons leur indépendance, nous devons la compensation d'un régime de justice, de douceur, de haute humanité".
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Le ministre de la justice ordonna aussitôt de faire cesser immédiatement "ce viol de la personnalité humaine" in Le Matin (du 14 Février 1902).
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Les procès-verbaux forestiers étaient très nombreux dans le douar Adélia: 132 en 1899, 219 en 1900, sur les 15.000 ha du douar, 4912 ha de terres domaniales relevaient du régime forestier.
- Un monsieur Jenoudet avait réussi à lui seul à se procurer plus de 1.000 hectares de bonne, terres qui lui revenaient de 22 à 27 F l'hectare. Les insurgés avaient été durement frappés par la colonisation, en application du Sénatus-consulte, 1463 ha leur avaient été enlevés, en 1868, au moment où le douar fut délimité, il restait encore aux 2194 habitants, 9.323 ha de terre melk. Des expropriations successives en 1877, 1881, leur enlevèrent 1.799 ha puis intervinrent les licitations. Ces cessions aux européens les privèrent encore de 3.329 ha, il ne restait plus que 4.066 ha pour 3.206 habitants.
Soulèvement Vu par un Français
Par Marcel HAUTEJA
Après la grande révolte de 1871, la paix semblait avoir repris ses droits, même si ici ou là, une agitation larvée se manifestait par des crimes et des agressions sans plan d'ensemble toutefois.
Parmi ces incidents, le plus grave fut celui de Margueritte, le 26 Avril 1901.
Ce jour là, les indigènes des environs de Miliana, conduits par un exalté, Yacoub Mohamed Ben el Hadj Ahmed, qui parlait d'aller rejoindre l'agitateur Bou-Amama, se soulèvent, pillent les fermes, s'emparent du village de Margueritte contraignent les habitants à se soumettre à l'Islam, font quelques victimes et poursuivent leur marche vers Miliana.
Le Lieutenant de Gendarmerie Dupuch et ses gendarmes de Miliana, puis une compagnie de tirailleurs accourent au devant d'eux, et, après un combat très vif, réussissent à stopper cette révolte locale. Cette affaire avait dû particulièrement frapper les esprits puisqu'elle donna lieu à l'impression de plusieurs cartes postales.
On peut également constater que la justice de cette époque n'était pas plus diligente que celle d'aujourd'hui, si l'on se base sur la note manuscrite de la carte représentant le Marabout Yacoub.
Les événements ont eu lieu en Avril 1901 et le 15 Avril 1903 (le procès prit fin le 08 Février 1903, ndl), il semble que la sentence n'ait pas été encore prononcée.
NOTES :
- Village de 500 européens en 1932. à 732 mètres d`altitude dans le massif du Zaccar et situé à quelques kilomètres de Miliana qui se trouve à 720 mètres d'altitude.
- Bou-Amama ou Bou-Amena. Fanatique agitateur qui prêchait la guerre sainte en 1881 en vue de chasser les Français d'Algérie en provoquant une insurrection générale dans le Tell et qui se limitera en fait à la région des Hauts Plateaux.
L'Affaire dans la presse de l'époque
Dimanche 19 Mai 1901 « Le Petit Parisien »
La Sous le titre : « Le courageux dévouement d’une institutrice », publié dans le supplément littéraire du « Petit Parisien » à la suite de l’insurrection de Margueritte du 26 Avril 1901, dont voici un extrait : Il quelques jours, une nouvelle parvenue en France y provoquait une légitime émotion. On ne parlait de rien moins que d'une révolte en Algérie. Les choses furent, heureusement, assez vite, mises au point, et voici ce qui fut définitivement reconnu exact : Aux environs de Miliana et près du village de Margueritte vit la tribu des Beni-ben-Asser, turbulente et toujours prête au désordre. Elle se plaignait, parait-il, des agissements de certains propriétaires qui exploitent les forêts voisines. Peut-être n'était-ce qu'un prétexte, car les excitations des marabouts ont été constatées. Quoi qu'il en soit 300 Beni-ben- Asser se précipitèrent à l'improviste sur le village de Margueritte, massacrant, saccageant, pillant, emmenant prisonnier l'adjoint. Les troupes campées aux environs accoururent et l'émeute fût aussitôt paralysée; une répression sévère se poursuit, elle est nécessaire, il faut donner un exemple à ceux qui seraient tentés d'imiter les Beni-ben-Asser. Il est très important aussi, de rassurer les colons et les indigènes vivant sous notre domination.
Cette échauffourée de Margueritte a été marquée par plusieurs actes d'héroïsme, en voici un, et non des moins remarquables :
Mlle Goublet, institutrice, était occupée à faire sa classe, lorsqu'une clameur sauvage retentit. Les révoltés accouraient, menaçants, vers l'école. La noble femme s'élança au seuil de l'école, face aux assaillants et leur cria :
- Tuez-moi si vous voulez, mais ne touchez pas à ces pauvres enfants. Son audace, sa fermeté en imposèrent aux bandits qui se retirèrent sans avoir fait aucun mal ni à elle ni aux enfants pour qui, si héroïquement, elle avait offert sa vie. Mlle Goublet a été félicitée par le gouverneur général; elle recevra sûrement une récompense ; mais nous lui devons, tous, notre admiration, ainsi qu'à cette merveilleuse phalange des instituteurs et institutrices de France, si laborieuse, si dévouée, si patriote, si courageuse enfin, comme on vient de le voir, quand la situation le commande.
Dimanche 26 Mai 1901« L'autorité »
Le Journal L'Autorité écrit : «Nous avons été durs, mêmes, impitoyables pour les indigènes. Nous avons, semé la haine par une législation féroce, barbare.»
14 Février 1902 « Le Matin »
Le journal le « Matin », publie une déclaration relative à l’affaire de Margueritte, du ministre de la justice qui ordonna aussitôt de faire cesser immédiatement "ce viol de la personnalité humaine".
07 Décembre1902 « L'Akhbar »
A quatre jours de l’ouverture aux assises de Montpellier (Héreault) du procès de l’Affaire de Margueritte ( qui doit débuter le 11 Décembre), le journal « l’Akhbar », publié à Alger, a dans ses numéros 13249, signaler à ces lecteurs qu’au cours des perquisitions faites sur le territoire des Righas aussitôt après les événements de Margueritte, il y aurait eu des exécutions sanglantes, des gourbis pillés, des femmes et des jeunes filles violées et des razzias de bétail opérées.
20 Décembre 1902 « La Revue Nord-Africaine »
La Revue Nord-Africaine, dans son numéro 19 suivant de plus prés le procès de Montpellier qui est à son dixième jours consécutifs, relate dans ses colonnes, que bien des innocents ont payé pour les coupables.»
28 Décembre 1902 « l'Akhbar »
(18ème jours du procès), l’Akhbar, revient à la charge est dénonce dans son numéros 13252, les méthodes inhumaines employées aux populations des Righas, aussitôt après les événements de Margueritte du 26 Avril 1901.
09 Février 1903 « La Dépêche »
Le Journal La Dépêche commentant le verdict de la veille, il écrit: « L'insurrection de Marguerite a été une révolte de prolétaires fanatisés, persécutés et affamés. Si la France laisse subsister ce régime, ou elle perdra l’Algérie ou elle aura finalement à réprimer des insurrections encore plus terribles.»
31 Décembre 1902
(21ème jours du procès), le secrétaire général du gouverneur de l'Algérie, Maurice Warnier, dément catégoriquement dans une lettre transmise au procureur général de l’Hérault, les informations publiées par L’Akhbar et la Revue Nord- Africaine, relatives aux évènements de Margueritte (Miliana : « Le journal l’Akhbar, publié à Alger, a dans ses numéros 13249 et 13252 des 7 et 28 Décembre 1902, reproduit des informations suivant lesquelles, au cours des battues auxquelles il a été procédé sur le territoire des Righas aussitôt après les événements de Margueritte, il y aurait eu des exécutions sanglantes, des gourbis pillés, des femmes et des jeunes filles violées et des razzias de bétail opérées. La Revue Nord-Africaine, dans son numéro 19 du 20 courant, relate de son côté que, dans ces circonstances, bien des innocents ont payé pour les coupables. J'ai l'honneur de vous faire connaître que ces assertions sont en tous points inexactes.»
1903
Un chroniqueur local, qui a suivi les questions embarrassantes de Maître Ladmiral au directeur des affaires indigènes, Luciani, dépêché à Montpellier par le ministre des colonies (cité comme unique témoin à décharge par la défense, il s'excuse avec des (Il y a un décret; c'est la ri~gle) et encore (Je ne sais pas... je n'ai pas de renseignements ); il dit sa souffrance : (Pour ces Arabes entassés sur le banc des assises, il existait dans ( l'autre France) des peines spéciales d'amende et de prison (qu' on appliquait ces peines sans entendre nulle défense et sur de simples rapports administratifs ! Un sentiment de gêne s'était emparé de tous).
Quelques images de l'évènement
Commentaires
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- 1. Abbes ben Le 01/11/2019
Ce livre dont vous parlez mériterait d.etre scanne et mis en ligne -
- 2. Djilali Deghrar Le 16/11/2016
Badia Hamza Chérif
Je vous remercie d'avoir su tracé avec exactitude l'histoire du soulèvement de Margueritte. Les faits furent relatés avec une précision historique.Le maire (Amar) de Marguerite m'a remis un livre, écrit par un Algérien de Oued Fodda, qui relate lui aussi les étapes de ce soulèvement avec une précision sans précédent surtout le procès en France ainsi que les différentes listes des condamnés.
Merci encore de nous avoir relaté cette histoire de notre passé.
Djialli qui vous remercie bien
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