Faut-il inventer un Holy man pour le Zaccar ?/ Par Par Brahim MIMOUN
Portrait de Sitting Bull
Faut-il inventer un Holy man pour le Zaccar ? Portrait de Sitting Bull (1) Sitting Bull ou « Bison Assis » « Tatanka Lyotake », est un chef de tribu et Holy man (homme sage ou saint-homme) des tribus amérindiennes, les Sioux, dans le Dakota. Sitting Bull représente la résistance des peuples amérindiens pour vivre paisiblement dans leurs espaces naturels. Respecté pour son courage et sa sagesse, Sitting Bull devient le chef principal de la nation Sioux vers 1867. Il s’allia avec Crazy Horse (chef des Oglala, une fraction de la tribu des Sioux) afin de protéger les droits des tribus, surtout après la signature du Traité de Fort Laramie en 1868. La découverte d’or sur les terres amérindiennes n’a fait qu’aggraver les tensions entre les Sioux et les colons blancs. En 1876 les termes de ce traité sont violés suite aux incursions successives dans les terres indiennes de colons chercheurs d’or protégés par les troupes de soldats américains, ce qui aboutira à la célèbre bataille de Little Bighorn, Sitting Bull s’illustra dans cette bataille où le général Custer fut vaincu. Sitting Bull reste un personnage mythique. Il symbolise le courage et l’esprit de résistance indéfectible du peuple Sioux uni dans leur lutte pour survivre dans les grandes plaines nord- américaines et préserver leur culture autochtone dans le respect des ressources naturelles. En 1875, Sitting Bull prononça un discours légendaire plein de bon sens et empreint d’humanité, je cite :
« Voyez mes frères, le printemps est venu, la terre a reçu l’étreinte du soleil, et nous verrons bientôt les fruits de cet amour ! Chaque graine s’éveille et de même chaque animal prend vie. C’est à ce mystérieux pouvoir que nous devons aussi notre existence, c’est pourquoi nous concédons à nos voisins, même à nos voisins animaux, le même droit qu’a nous d’habiter cette terre. Pourtant, écoutez-moi, vous tous, nous avons maintenant à faire des nouveaux hommes arrogants. Assez étrangement, ils ont dans l’idée de cultiver le sol. Et l’amour de posséder est, chez eux une maladie. Ces gens-là ont établi beaucoup de règles que les riches peuvent briser mais non les pauvres. Ils prélèvent des taxes sur les pauvres et les plus faibles pour entretenir les riches qui gouvernent. Ils revendiquent notre mère à tous, la terre, pour leur propre usage et se barricadent contre leur voisin, ils la défigurent avec leurs constructions et leurs ordures. Cette nation d’hommes, est pareille à un torrent de neige fondue qui sort de son lit et détruit tout sur son passage. »
En méditant ce discours prononcé par cet homme sage « Holy man », le fond de ma pensée me transporte aux méandres de mes souvenirs passés au contact avec nature ! Au temps de notre jeuneuse, nous considérions la montagne du Zaccar comme notre allié naturel et indéfectible, nous avions appris dès notre jeune âge que la pratique de la montagne modifier nos émotions, notre façon d’être et même nos pensées pour nous rendre humblement respectueux de la nature. De toutes les randonnées pédestres et les campings que nous avons effectuées dans montagne du Zaccar, nous n’avons jamais utilisé les transports motorisés et ceci quelques soient les versant traversés (Est ou Ouest du Zaccar) ! Nous n’allumions jamais le feu en pleine nature, mais uniquement en cas de nécessité et dans ce cas nous le faisions à l’intérieur des chambres des marabouts (Sidi Abdelkader, Rabaaïne Ouli, Sidi Benaouda, Rejal Nia, Sidi M’hamed Benyahia, Sidi Bouzar, etc…) ces chambres nous servaient de gîte surtout en période d’hiver ! Nous n’avons jamais pollué un site naturel avec nos déchets ! Nous respections et nous faisions attention à la faune et à la flore. Nous prenions exemple sur les riverains montagnards rencontrés aux détours de nos randonnées, des gens simples, généreux et fiers. Leur message commun est intemporel, source de paix et d’harmonie avec la nature. Leur devise était simple « Si tu ne sais pas, demande. Si tu sais partage ». Aujourd’hui nous assistons à de nouvelles pratiques, les comportements ont évolués, la pratique de la montagne est devenue non pas une activité sportive et pédagogique de plein air, mais une pratique consumériste de masse, on va à la montagne comme si on visitait un parc de Disneyland ! Il n’y a qu’à voir les déferlements récents de hordes de « visiteurs promeneurs », « randonneurs » et des « touristes en masse » dans la montagne de Zaccar et plus particulièrement à Ain N’ssour pour se rendre compte de l’ampleur des dégâts. Polluant les sites naturels avec leurs voitures ou motos, allumant le feu en pleine forêt et rejetant leur déchets et détritus en pleine nature !

Ce nouveau phénomène m’interpelle en tant que simple citoyen, admirateur et arpenteur du massif montagneux du Zaccar depuis mon enfance. Ceci m’oblige à me poser certaines questions et des réflexions sans prétentions moralisantes. Qui est à l’origine de ce phénomène de masse ? S’agit-il d’un phénomène de mode aux conséquences désastreuses sur l’environnement ? Avons-nous une réelle maîtrise de ce nouveau phénomène de masse ? Que peut-on faire pour réguler ce phénomène ? Les acteurs prestataires et consommateurs agissant dans ce domaine sont-ils conscients de leur impact sur le site ? Sommes-nous dotés des outils législatifs et règlementaires pour contrôler cette activité ? Existe-t-il réellement un tourisme de montagne à Miliana ? Si le Zaccar présente réellement un potentiel touristique, avons-nous pensé la place de ce tourisme par les modèles de développement de la montagne ? Quelles sont les retombées socio-économiques positives sur la région et qui en profite ? A-t-on évalué réellement ces retombées par une étude prospective ? Sommes-nous capables de concilier une valorisation du tourisme de montagne et développement durable maitrisé ? Avons-nous mesuré l’impact négatif de cette pratique de masse sur l’environnement naturel dans l’immédiat et à long terme ? Avons-nous pensé à protéger ce patrimoine montagneux ?

Cette nouvelle pratique de tourisme de masse non contrôlée, va irrémédiablement dégrader le patrimoine montagneux du Zaccar déjà fragilisé naturellement par la déforestation ou par les phénomènes anthropiques (empreinte de l’homme, feux de forêt, tourisme de masse etc…). Ce phénomène de masse qu’il soit, consciemment ou inconsciemment (l’enfer est pavé de bonnes intentions) amplifié et aidé, peut-être, par une mise en « publicité » et des appels lancés sur les réseaux sociaux et certains médias, ainsi que par certains acteurs ou particuliers agissant sous le slogan fourretout « tourisme de montagne » sur la région du Zaccar. De ce fait, en absence d’une prise de conscience immédiate et urgente de l’ampleur du problème, on se dirige inéluctablement vers une explosion du ce phénomène et par voie de conséquence vers une dégradation désastreuse de ce patrimoine naturel remarquable. Le Zaccar est l’histoire de tous et chacun de nous peut décider de son avenir, il ne doit pas être laissé à une destruction rampante. La montagne n’est pas qu’un immense terrain de jeux, c‘est notre poumon respirant et notre milieu de vie naturel, on le détruisant nous nous détruisons un héritage vital pour les générations futures. Aujourd’hui, face à ce phénomène dangereux, nous pouvons prendre acte dès maintenant et décider d’aller vers un changement de pratiques choisies et non pas subies par le cadre règlementaire, ceci, dans une perspective à long terme de préservation des espaces protégés avant de penser à un développement durable et réfléchi de ce patrimoine. Nous pouvons ainsi, commencer par mettre en place des stratégies moins coûteuses et ne demandant ni moyens financiers, ni moyens matériels, seulement de l’engagement citoyen et volontaire par la sensibilisation, l’information et la promotion d’éducation à la montagne dans le but de protéger ce patrimoine naturel. Ces actions s’adressent à divers publics et en priorité aux enfants et aux jeunes adolescents, ainsi que à toutes les composantes de la société, les habitants, les élus, les décideurs, les acteurs prestataires et consommateurs activant dans le domaine. Les actions éducatives fortes et partagées par l’ensemble des acteurs et s’adressant en premier lieu aux enfants, vont favoriser un rapport positif entre les enfants et la nature. Proposer aux enfants des activités scolaires ou parascolaires dans la nature leur permettant ainsi de faire appel à tous leurs sens et à leur imagination, dans un monde où le numérique et le virtuel occupent déjà une place importante dans leur perception du monde. Une éducation à la montagne vise le développement d’une culture et d’une identité montagnarde forte et partagée, une participation citoyenne active, respectueuse et durable du devenir de la montagne du Zaccar. Le but est de favoriser le sentiment d’appartenance à un territoire protégé et de construire une relation saine avec la nature. Prenant racine dans leur enfance, cette action simple, permettra aux adultes de demain de la respecter, et de transmettre ce respect à leur tour. L’éducation à la nature est une clé pour construire une société responsable et respectueuse de son environnement vital. En attendant que les mentalités, les réflexes et les comportements évoluent vers une sauvegarde de ce patrimoine naturel, il est judicieux, à mon avis, qu’une initiative locale, citoyenne et inclusive émerge afin de concerter tous les acteurs activant et s’intéressant à la montagne du Zaccar. Le but serait, dans un premier temps, de communiquer sur le respect du site dans ces aspects matériels et immatériels et qui pourra, dans un deuxième temps, aboutir sur un grand projet de protection et pourquoi pas une labélisation du site dans une perspective de développement durable et maitrisé du Zaccar permettant de converger les logiques économiques, écologiques et touristiques.
Commentaires
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- 1. Assala Le 14/04/2025
Il faut agir tout de suite, en expliquant et en faisant comprendre aux gens, pour garder notre ville et notre nature en bon état avant qu'il ne soit trop tard.
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