Ramadhan d'hier, une bague à trouver en soirée/Par Mohammed Midjou

La soif étanchée de soda et jus glacés en cette canicule des années 70, on entend peu après le f'tour, les jeuneurs marteler déjà le pavé de leurs claquettes se précipitant vers leur relaxe habituelle autour d'un café bien serré et aussitôt rincé d'une bonne dose d'eau toute fraiche avant que les pieux ne s'orientèrent vers les mosquées pour le long rite religieux. Les soirées, paraissant plus courtes, car distractives, les plus jeunes moins enclins cependant à la prière surérogatoire, se retrouvèrent en s'acquittant de celle obligatoire, dans une placette de leurs choix, sur des terrasses de café, à la pointe, au jardin, à la piscine ou celle longeant le boulevard de la république, des lieux pourvus de cafètes disposées à servir des boissons chaudes et autres rafraichissements pour permettre aux fidèles clients de s'adonner aisément à leur jeu favori, très en vogue à l'époque, c'était celui de la bague.

Ce jeu effervescent dit de (brime), consiste en une confrontation intelligente de deux équipes, chacune de dix à douze éléments, faisant face de part et d'autre d'une série de tables en plein air en présence de badauds, férus de l'ambiance populaire. Après le tirage au sort, l'équipe désignée entamera le service par l'un des joueurs en passant au dos de ses collègues et tenter malignement de leur glisser la bague dans l'une des innombrables paumes devant des adversaires aux aguets devinant et flairant la cache. La séance commence après le signal en disposant sur la table, d'une série de mains en poings, accompagnée bien sur de tchatche moqueuse pour dérouter et déconcentrer l'ennemi chercheur du trésor. A chaque ratage, nouvelle remise en jeu et un autre joueur de l'équipe adverse prend le relais de la recherche et des points sont glanés au fur et à mesure par l'équipe dominante qui a la latitude d'appeler le cafetier pour une commande de délices avec toute la rage que l'on imagine en face et la crainte d'une note salée en fin de parie.

Dans cette atmosphère délirante et suante, certains sujets excellent dans la fouine en étudiant le comportement de toute la bande moqueuse, en se concentrant par exemple sur un individu qui ne peut maitriser ses nerfs en manifestant des rougeurs, les yeux dans le ciel pour fuir toute suspicion en entendant dans le cours du jeu, les quatre derniers à gauche! tapez les deux mains, les deux autres à droite! libérez vos mains gauches, le suspense s'installa progressivement jusqu'à dénicher par élimination, la perle. La donne change alors de camp sous des applaudissements de l'assistance où ceux menés au score retrouvèrent le sourire pour tenter, en renversant la vapeur, d'imputer la facture à ceux qui leur ont fait boire à l'entame, de la salive. Autre temps, autres coutumes, c'est dans cette ferveur fraternelle que les gens jadis meublèrent leurs soirées ramadhanesques, parallèlement à d'autres jeux de société comme le domino, la belotte, la boukala familiale, les concerts de chaâbi sinon flâner dans la fraicheur nocturne imbibée d'odeur du jasmin et de galant de nuit. Immuables demeurent les traditions même spécifiques à chaque génération mais dont tout le monde s'en sorte radieux, prêt à redemander le lendemain.