Zyara à Sid Ahmed Benyoucef/ Par Meskellil
Réminiscences Milianaises
Un autre temps, une autre époque…. Quelques bribes….
« Préparez-vous les enfants, rana rayhine nzourou Sid Ahmed Benyoucef ! »(On va au mausolée de Sid Ahmed Benyoucef)
C’était la phrase rare, magique que nous adorions entendre, qui nous enchantait par sa promesse de moments éclatants de jeux, de joie et d’insouciance à l’extérieur de la mosquée, mais aussi des moments de calme et de recueillement, de mystère aussi mêlé de crainte à l’intérieur du mausolée.
Nous voilà prêtes ! « Lla Atiqa », ma mère s’inspecta une dernière fois devant le miroir, arrangea une mèche indisciplinée qui dépassait du hayek, ajusta son 3djar, saisit son petit caba et se dirigea vers la porte. Lla Zakia, une proche voisine de quartier venait aussi avec ses deux filles Nacéra et Fatiha camarades de jeux disponibles et toujours partantes pour une partie de marelle, d’osselets, de saut à la corde, de jeux de pelotes…, et même des jeux de noyaux d’abricots qui était plutôt un jeu de garçons. Khalti Kheira, ma tante habitant un autre quartier, allait nous rejoindre plus tard. Douga, douga… Mama Zakia peinait déjà et soufflait comme un cheval en bout de course, dès la côte entamée.
Cahin-caha, nous atteignîmes le marché couvert de Miliana. Yema et Mama Zakia décidèrent de continuer tout droit après avoir marqué un temps d’hésitation. Mama Zakia voulait passer par l’avenue principale. « Bouh Lla Zakia, kifèche nfoutou fi waste Risanpoul, Miliana kemla rahi hnaya, ila chefni moule el beit, ghir gouli hadhek nhari ! » dit ma mère en riant discrètement. La « Risanpoul » était peuplée et très animée à cette heure-là, et ses cafés débordaient de monde. Il n’était pas convenable de l’emprunter par pudeur, par discrétion, même si la tentation de le faire, ce qui aurait occasionné un détour pour arriver à la mosquée de Sid Ahmed Benyoucef, était grande. De telles sorties n’étaient pas si fréquentes, et allonger le parcours pour flâner à travers les rues de Miliana, s’arrêter devant les vitrines, échanger ses impressions, était tentant. Des instants précieux « volés" aux rigueurs du quotidien. Un détour inoffensif régénérant et joyeux qui rompait avec la succession monotone de journées besogneuses. Un soupçon de « rébellion » pour une impression de grisante liberté. A Miliana, tout le monde connaissait tout le monde, et même les enfants, fille de… et fils de…. Pas d’anonymat possible. Peut-être nos mères auraient-elles emprunté « Risanpoul », si nous n’avions pas été avec elles ? Je me demandai si les maris reconnaitraient leurs femmes en hayek ?
Nous piaffions d’impatience, pressées d’arriver à notre lieu de jeu, les escaliers de la mosquée ! Ma mère « Lla Atiqa » et « Lla » Zakia bifurquèrent, contre toute attente, à gauche au lieu de continuer encore tout droit. Surprises, nous le leur fîmes remarquer pensant qu’elles s’étaient trompées. Elles ne nous répondirent pas, tout à leur discussion. Elles empruntèrent cette rue commerçante très fréquentée aussi, nous perplexes, à leurs talons, incapables d’anticiper leur itinéraire, puis tournèrent à droite. La mosquée n’était plus très loin, quinze minutes tout au plus en raison de leur progression un peu lente. Tout était généreux chez Mama Zakia y compris ses formes qui alourdissaient sa démarche. Ma mère mince et souple comme un roseau avait toutes les peines du monde à s’adapter à son rythme poussif. Pour nous enfants, c’était un vrai supplice ! « Lla » Zakia disparut soudain dans le magasin de tissus « Dalila » qui faisait l’angle, aussitôt suivie par ma mère. Khalti Kheira surgie de nulle part nous embrassa furtivement puis s’y engouffra à son tour ! Surprises, puis dépitées, nous leur emboitâmes le pas. Avions-nous le choix ? Cette sortie avait de toute évidence été « manigancée » par ma tante la dernière fois qu’elle était venue chez nous ! Khalti Kheira vivait toute seule. Elle avait perdu son mari pendant la guerre de libération dans laquelle elle-même avait été active. Elle avait aussi déjà marié sa fille unique, c’était donc elle qui faisait tout. Elle avait l’habitude de faire ses courses, de rendre visite à ses amies, d’organiser des sorties pour Sidi AlbdelKader, Sidi Bouguemine…. Elle en imposait Khalti Kheira ! Lorsque « le regard » de la rue se faisait insistant, il se heurtait et à son dédain ostensiblement affiché et à sa détermination farouche. Elle ne se laissait pas faire Khalti Kheira ! Elle avait un caractère bien trempé, et n’avait pas le dernier mot qui voulait avec elle. On l’aimait beaucoup nous autres enfants, et elle nous le rendait bien. Ses visites bruyamment célébrées s’accompagnaient toujours d’histoires captivantes qu’elle nous contait avec beaucoup de plaisir. Attentive, sensible et généreuse, elle savait captiver son auditoire. Je pense à elle avec beaucoup d’émotions.
Une odeur très particulière mais discrète de tissu neuf imprégnait l’air. La relative pénombre qui régnait dans le magasin s’estompa peu à peu pour laisser apparaître formes et contours. Propre et jalousement bien entretenue, cette boutique aurait fait pâlir d’envie les plus zélées du rangement ! Une profusion de couleurs chaudes et froides, et un fourmillement abondant de nuances retinrent mon regard. Un véritable ravissement pour l’œil, le cœur et l’esprit. Les tons suggéraient des sensations, des sentiments tout aussi riches et variés. Tons clairs, doux, rêveurs, ou énergiques, dynamiques, francs, chaleureux, rassurants, et bienfaisants, ou encore frais, délicats, légers, romantiques, ou bien encore simples, sobres, discrets, élégants, mystérieux, ou lumineux, fastueux, luxueux,… Une traversée de paysages chatoyants et fantaisistes. Des délicates perles de rosée sur des pétales de fleurs sauvages au petit matin d’une journée printanière, à la vacuité d’une journée longue, froide, pluvieuse désœuvrée. Des étagères arc-en-ciel rêveuses et voyageuses courant le long du mur, derrière le comptoir en bois.
« Dalila » très convivial les accueillit d’un large sourire qui étira sa moustache noire fournie. En avait-il une ? Je crois, mais je n’en suis pas si sûre. Je me souviens d’un visage poupon, d’un regard perçant et d’un sourire jovial.
Les femmes constituant l’essentiel de sa clientèle, « Dalila » en fin commerçant, savait aller au devant de leurs demandes. Il était bien au fait de leurs goûts, de la mode, de ses tendances, et ses conseils avisés étaient recherchés. Aussi bien les clientes, que « Dalila », y trouvaient leur compte.
Les affaires marchaient plutôt bien pour lui. Son concurrent qui n’en était pas un véritablement avait une boutique dans le même quartier. Si « Dalila » se pliait en quatre pour satisfaire les demandes de ces dames, le propriétaire de l’autre boutique se contentait de vendre. Ses étoffes ne répondaient d’ailleurs pas non plus à certains goûts luxueux et raffinés des Milianaises.
Ces dames étaient exigeantes. Aucune crainte à avoir pour « Dalila ». Il se savait incontournable, ce qui était propre à renforcer l’assurance et le sourire affichés en permanence.
Pour les femmes qui ne sortaient pas beaucoup comme ma mère et Mama Zakia, c’étaient les enfants que l’on chargeait habituellement d’aller chez « Dalila » chercher les valises garnies des la3radh (échantillons de tissus) du magasin, une valise pour les étoffes d’hiver, une pour celles de l’été, une autre pour les galons... Les choix de tissu se faisaient à la maison, l’achat et le paiement de la commande étaient confiés aux enfants plus grands ou à un adulte. Les femmes allaient ensuite chez Mama Zoulikha, la couturière, pour la prise des mesures une fois le modèle choisi. Mama Zoulikha, couturière hors pair connue dans toute Miliana pour son habileté, était très sollicitée. L’attente pouvait durer longtemps, et il fallait faire preuve de patience ou s’adresser à une autre couturière. Mama Zoulikha n’avait qu’une seule parole ! Quand elle acceptait une commande, elle la livrait en temps et en heure. Jamais de retard ! De plus, le vêtement confectionné correspondait exactement à ce que voulait la cliente même lorsque le modèle était complexe ! A l’approche de la saison des mariages, les demandes affluaient de toutes parts, et Mama Zoulikha submergée par des tonnes de tissu, se trouvait contrainte à refuser les commandes, y compris celles de ses clientes les plus fidèles ! Quelle déception, alors.
« Dalila » mit différents coupons de tissu sur le comptoir, et entreprit de les déplier vantant la légèreté de l’un, la richesse ou la fluidité de l’autre, l’élégance, la douceur, la qualité d’un autre… Il accordait une attention particulière à chaque étoffe parmi elhrir (soie), frichkou (tissu en dentelle), satane (satin), tissu richement brodé, mousseline, organza pour les 3djar (voilette), tissu lamé, moiré ou pailleté, doré ou argenté, el qatifa ( velours) fin ou plus épais …, suggérait pour chaque kettane, (étoffe) comme disait Mama Zakia, le modèle qui s’y adapterait le mieux. Après moult conseils, discussions, hésitations, et argumentations entre ma mère, Khalti Kheira, Mama Zakia et « Dalila », Lla Atiqa ma mère opta pour un délicat satin bleu pastel nacré, très joli. Elle en demanda quatre mètres ce qui était largement suffisant pour la tenue qu’elle voulait, un bedroune. En fait, c’était Khalti Kheira qui trônait dans ces échanges et qui servait un peu d’intermédiaire entre « Dalila » et les deux voisines inexpérimentées et intimidées parce n’ayant pas l’habitude de parler à des étrangers. Mama Zakia hésitant entre un frichkou à la chaude couleur safran et un blanc cassé décida finalement de prendre le blanc cassé ponctuant son choix d’un malicieux « manadich hadak lesfar ilelleche mene b3id », ce qui nous fit pouffer. Bonne vivante, elle avait beaucoup d’humour, et ne manquait jamais une occasion pour faire rire el djma3a (l’assemblée).
Prudente, elle en prit cinq mètres cinquante. Elle voulait un serouel echelqa et un « caracou » lui arrivant au niveau de la courbure des hanches précisément. « Dalila » mesura, coupa et plia les tissus avec une dextérité et une rapidité foudroyantes ! Il se baissa, saisit quelque chose sous le comptoir. C’étaient des échantillons de hroudjs (galons) qu’il exposa aussitôt. Ma mère intéressée en manipula plusieurs, les posa un à un sur son tissu en satin pour voir lequel irait le mieux. Là aussi, avis, conseils et délibérations abondants à l’issue desquels elle choisit un galon décoré de perles transparentes en forme de gouttes d’eau de différentes tailles. Très simple et de bon goût. Mama Zakia ne souhaita pas acheter de galon, cela surchargerait le tissu, dit-elle. Khalti Kheira prit quant à elle un demi-mètre d’organza pour confectionner deux 3djarates (voilettes). Elle précisa qu’elle avait déjà passé commande auprès des filles Rahmoune, expertes en chbika (dentelle) et en tout d’ailleurs, et rajouta « Kol sba3 bsan3a, Allah ibarek, el 3qel we dhrafa thanik ». Elles prirent toutes les trois chacune son paquet, payèrent leurs achats, remercièrent « Dalila », et sortirent du magasin jacassant de plus belle, encore plus excitées par les détails de la coupe des tenues à faire confectionner par la couturière. Nous les suivions sans mot dire.
Nous allions enfin nous diriger vers la mosquée ! Pensions-nous. Que nenni ! Elles s’arrêtèrent à nouveau devant le bijoutier Mabrouk et collèrent leur nez à la vitrine admirant les msib3ates (bracelets vendus par sept), lkhouatem (bagues), les Khit Errouh (fil de l’âme, quelle jolie dénomination !), snassel (colliers), louisete (louis d’or)… et se perdirent à nouveau dans une discussion sans fin ! Nous n’en pouvions plus ! Au bout de ce qui nous parut être une éternité, elles s’ébranlèrent enfin ! Cette fois, nous allâmes directement à la mosquée, sans détour ni arrêt à notre immense soulagement !
La mosquée est une très belle bâtisse de style mauresque surmontée d’un beau minaret carré. La peinture blanche défraichie et écaillée par endroits n’enlevait rien à sa superbe.
Plusieurs ensembles la composent : une partie avec une entrée indépendante pour la prière, une autre partie, la plus importante peut-être, était le lieu de notre visite puisque le mausolée s’y trouvait, une partie qui abrite une zaouia que je n’ai jamais pu localiser. Nous empruntâmes une sorte de sqifa (vestibule) qui débouchait sur un vaste patio que de belles galeries soutenues par de nombreuses arcades ornées de zelidj vert je crois, entouraient. Nous nous dirigeâmes vers El khassa (vasque) qui se trouvait au centre de ce magnifique patio. Nous attendîmes notre tour pour boire de cette eau fraîche dans une tassa prévue à cet effet, et accrochée par une chaînette pour en éviter la perte. La mosquée de Sid Ahmed Benyoucef était un lieu mythique, hautement spirituel ayant eu ses heures de splendeur et de gloire dans un passé lointain.
Une femme, couverte d’un hayek à l’aspect grisâtre à force d’usure était assise contre un des piliers du patio. Elle s’adressait à la bienveillance et à la générosité des moumnines (croyants) pour une obole qui l’aiderait à nourrir sa famille. Un homme à l’allure altière, enveloppé d’un élégant burnous blanc et coiffé d’un non moins élégant couvre-chef traditionnel orange pâle était assis en tailleur, adossé au mur extérieur du mausolée. Il lisait le Coran. L’atmosphère du patio était si paisible ! Je levai les yeux vers les galeries à l’étage. Je n’y étais jamais montée. Que pouvait-il bien y avoir à cet étage ? Peut-être étaient-ce des habitations privées ? Mais qui les habitait ? Je n’en savais rien.
Les grandes personnes d’abord, elles sont essoufflées ! Khalti Kheira, Mama Zakia et Yema soulevèrent un peu leurs 3djar pour boire. «El Hamdoullah ! Khirek ya rabbi ! Miha berda, tefdji el ghomma ! », dit ma mère. Khalti Kheira et Mama Zakia acquiescèrent. Nous nous rapprochâmes à notre tour d’el khassa un peu haute pour nous. Sur la pointe des pieds, et nous tenant à son flanc pour nous hisser davantage, mais aussi pour éviter de perdre l’équilibre, nous réussîmes à remplir la tassa directement à la source, après en avoir nettoyé les bords comme le firent nos mères. Boire de cette eau était un rituel qui faisait partie de la zyara. Une eau fraiche et vivifiante au goût sacré en raison de sa présence dans ce haut lieu spirituel. Elle était si bonne ! Pure, et limpide, elle ne pouvait rien cacher ! Elle avait la vertu d’apaiser la soif, et de procurer un agréable sentiment de bien-être et de sérénité. Nous ressortîmes du patio pour aller vers les escaliers extérieurs tandis que ma mère, Khalti Kheira, et Mama Zakia se déchaussaient devant la porte du mausolée avant d’y pénétrer.
« C’est l’équipe qui totalise le plus grand nombre de glissades sur « les toboggans » qui gagne ! Moi je suis avec Radhia ! » S’exclama Nacéra. Je fis donc équipe avec Fatiha. Les « toboggans » se trouvaient de chaque côté des escaliers. Des rigoles en pierre, polie par l’écoulement des eaux de pluie des siècles durant. Bien qu’un peu abimées par endroits, elles étaient suffisamment larges pour contenir nos corps frêles. Elles étaient surtout bien lisses, et nous assuraient des descentes rapides et sans accros majeurs, le tissu de nos jupes coincées entre nos jambes aidant. Entre les montées des escaliers, les descentes en toboggan, les rires, les cris, les chicanes, les triches, les chamailleries, les chipoteries, les bouderies, les rires à nouveau, nous n’avions pas conscience du temps qui passait ! Pourtant, et à contrecœur comme à chaque fois, nous finîmes par interrompre nos glissades pour rejoindre nos mères dans le mausolée préférant éviter leur courroux !
Nous traversâmes le patio dans lequel était planté un citronnier, ou un oranger, à moins que ce soit une tout autre espèce ? Je ne saurais le dire, souvenir évanescent . La femme au hayek usé n’était plus là. L’homme élégant assis en tailleur lisait toujours le Coran. Nous nous déchaussâmes devant la porte du mausolée, et avec un pincement au cœur, nous y pénétrâmes pieds nus. « J’espère qu’on les retrouvera à la sortie ! » dit Radhia ma soeur. Un silence religieux et une grande ferveur régnaient dans la grande salle couverte d’une coupole octogonale dont je ne me rappelle plus les couleurs. C’est là que se trouve la sépulture de Sid Ahmed Benyoucef. Une agréable odeur de djawi nous enveloppa dès l’entrée. Quelques femmes faisaient la prière sur un sol recouvert de tapis. D’autres, les plus nombreuses, étaient assises autour de la sépulture de Sid Ahmed Benyoucef. Cette dernière est protégée par un grillage en fer forgé recouvert de soieries au vert dominant. C’était un lieu paisible, serein propice au recueillement, à la communion. Nous repérâmes nos mères et Khalti Kheira, prîmes place à côté d’elles et récitâmes à voix basse quelques sourates du Coran que nous connaissions par cœur, après avoir touché et baisé les soieries qui recouvraient la sépulture.
Au bout d’un temps qui nous parut interminable, nos mères nous autorisèrent à nous lever. Nous décidâmes d’aller dans la pièce de Lala Bghora, une mystérieuse femme enterrée là, et qui nous faisait un peu peur. La salle était longue et il y régnait une obscurité presque totale. Non rassurées, et superstitieuses de surcroît, nous avancions avec beaucoup de prudence, l’imagination en proie à des djinns hostiles, et la sensation d’être effleurées par des mains glacées, invisibles qui essayaient de nous saisir. Nos cœurs commençaient à s’affoler. Et Fatiha de scander « msalmine wa mketfine, masalmine wa mketfine »pour amadouer « hadhouk ennas ». Nous avions encore plus peur ! Nous avancions au pas, en bloc compact. Enfin, nous voilà arrivées à ce lieu de prière, la tombe de Lala Bghora, saines et sauves ! Deux formes blanches nous apparurent.« Ya yema, rouhaniya ! Ce n’étaient pas des fantômes mais seulement des femmes assises enveloppées de leur hayek…. »yeks ! Nous nous assîmes discrètement à leurs côtés et récitâmes à nouveau les quelques versets du Coran que nous connaissions. A la rentrée scolaire prochaine, allait débuter l’année de l’examen de sixième, un examen de passage. On affirmait que les prières faites par l’entremise des saints étaient souvent exaucées. Nous priâmes donc pour que l’année soit studieuse et couronnée de succès. Encore quelques instants d’invocations, puis nous nous levâmes pour quitter la salle. Appréhension et crainte nous regagnèrent à nouveau alors que l’obscurité était moins épaisse. Accrochées les unes aux autres, nous atteignîmes enfin la sortie indemnes. Heureuses et soulagées qu’il ne nous soit rien arrivé !
Nos mères nous attendaient patiemment. Nous voyant arriver, elles se levèrent, ajustèrent hayeks et 3djars puis se dirigèrent vers la sortie. Les chaussures de Mama Zakia étaient retournées face contre terre. Comme elle était très superstitieuse, cela la contraria beaucoup. C’était un mauvais présage ! « Ferha wala damète, tafla wala 3achète » dit-elle dépitée. Yema et Khalti Kheira lui répondirent « cheddi fi rabbi wmatkhafiche ya Lla Zakia ! Rabbi ma fih ghil khir ». Nous enfilâmes nos chaussures, et quittâmes la mosquée non sans avoir auparavant bu de cette eau au goût si unique. En chemin, Khalti Kheira s’arrêta devant le magasin de Bertiz, le marchand de « 3qaqer » pour acheter du plomb, du djawi et d’autres herbes pour les fumigations. Elle confia le tout à ma mère, et prit congé un peu plus loin nous promettant une visite chez nous sous peu, pour nous enlever à nous et nos grandes sœurs en âge de se marier le « Tqaf ». L’attente allait être longue…
Commentaires
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- 1. Meskellil Le 06/07/2015
Bonjour cher ami et grand frère Ferhaoui,
Saha syamek, saha ftourek cher ami ! Merci de livrer vos précieuses impressions et sensations. En effet, qui goûte à l’eau, qui respire l’air, qui se niche dans le cœur de Miliana, la portera à jamais en lui ! Les Milianais et Milianaises d’adoption, au sens de lien affectif fort sont Milianais et Milianaises à part entière. Miliana appartient à ceux qui l'aiment, et eux aussi lui appartiennent! C'est une histoire d'amour réciproque!
Je disais dans un de mes commentaires qu’une ville ne se livre jamais complètement, mais en fonction et au gré des sensibilités. Je suis certaine que de mon côté, je ne connais pas tout de ce que recèle Miliana, alors que j’y suis née et que j’y ai grandi. Merci encore de votre chaleureuse présence, et excellente journée! -
- 2. ferhaoui Le 06/07/2015
bonjour tout le monde cahha ciym djam el mouslimine que dieu veuille agreer le jeune des musulmans. y a p'tite soeur meskellil votre papier sur milianah est une vraie mine d'informations voire un document utile et intéressant vous n'avez pas triché vous avez mit en scène des lieux que je connaissais pas malgré mon passage qui a duré une bonne dizaine d'anneés. une peinture de milianah, vivante, vraie, basée sur les sources des lieux éternels et tenant compte sur les moindres des détails de ces lieux et demeures inspirées a ce sujet m'a semblé, aussi utile qu'intéressant oui!, pour aujourd'hui demain, et après demain que voulez- vous c'est comme ca et j'y p rien je suis attaché à cette ville " milianah" et autant me reste inconnus dans cette ville de sidi ahmed benyoucef l'ami ferhaoui, oran. -
- 3. Meskellil Le 05/07/2015
Benyoucef bonsoir,
Je suis profondément touchée par votre générosité, touchée aux larmes. Merci beaucoup Benyoucef pour vos émotions que je ressens fortement. Je suis contente que vous ayez apprécié cette évocation de la mosquée de Sid Ahmed Benyoucef, un des patrimoines que l'on aimerait protéger, préserver et continuer à transmettre aux générations actuelles et à venir. Une histoire, une mémoire, une richesse commune. J'aurai grand plaisir à voir les photos de la mosquée restaurée. Merci encore!
Saha ftourek -
- 4. benyoucef Le 05/07/2015
Bonjour Meskelil
Tout d'abord je tiens à vous remercier pour cette agréable Ziyara au mausolée du saint patron Sidi Ahmed Benyoucef (Moula Meliana), au cours de laquelle nous avons été émerveillé par votre style de description remarquable,en vous suivant à chaque étape de votre périple .Votre plume n'a rien laissé au hasard,puisque tout a été décrit dans les moindres détails pour faciliter la visite de cet espace rituel qui reste bien ancré dans la mémoire collective des milianais.
je vous promets ,avec la collaboration de notre chère amie Noria de publier sur le site dans les prochains jours une galerie de photos récentes de tous les coins de la mosquée de Sidi AhmedBenyoucef. En les regardant,vous allez vous ressourcer encore plus profondément.
Bonne soirée de ramadan
Benyoucef -
- 5. Meskellil Le 05/07/2015
Bonsoir Kéryma, Miliani2Keur, M. Mohamed,
Bonsoir à tous,
Kéryma, ça me fait très plaisir que tu apprécies cette évocation, alors si tu as pu la transposer à Blida qui n’est pas si loin de Miliana, alors ça me fait doublement plaisir. Très flatteur ce parallèle avec Marcel Pagnol ! Tu n’es pas un peu émotionnée par les souvenirs de djedda, yema, 3amti, khalti ? Lool ! Je me garde de m’envoler d’aise, l’attraction terrestre me retient ferme ! Rires…
Merci beaucoup Kéryma pour le partage de tes émotions. Peut-être à d’autres textes si l’inspiration….. Allez, je t’embrasse ma chère Kéryma
Miliani2Keur, merci et encore merci de donner un relief particulier, de rendre hommage à ces précieuses voix de l’intérieur, de l’inaudible, de la parole murmurée derrière le hayek ! Ces voix restent en nous, empreintes indélébiles et profondes telles un phare, une source, une ressource ! Merci pour ton écho !
M. Mohamed, ça fait plaisir de vous voir évoquer à votre tour vos propres souvenirs qui nous replongent à nouveau dans cette atmosphère si spéciale, si nostalgique de l’enfance. Alors, il y avait une seule rigole à ces escaliers ? Pourtant j’étais persuadée qu’il y en avait deux. Et puis, j’avais oublié ce détail, atterrir sur le trottoir au bout de la descente, et faire des « croche-pieds » aux passants à leur grand dam ! Lol ! Merci beaucoup M. Mohamed pour ce partage d’émotions, et de souvenirs.
Safia, oui Dalila était mozabite "en exil" à Miliana. Une virée au hammam? Quelle excellente idée, alors tu nous le livres quand ce texte avec bit eskhoun, el borma, essorra, bit el 3raïs, ettayabates, ou kiyassetes....? Dans quel hammam allais-tu Safia? Au hammam Ejedid? Il y avait une teyaba très excentrique. La connaitrais-tu par hasard?!! Loool!!! -
- 6. Benabdellah Mohammed Le 05/07/2015
ESSALEM à toutes et à tous.Sublime narration qui n'a laissé échappé aucun détail.On se retrouve projeté dans notre enfance si douce et simple et qui ne demandait rien en retour sauf peut-etre la liberté de jouer.Comme j'habitais à proximité de Sidi Ahmed Benyoucef je ne pouvais m'empecher de temps à autre de faire de la glissade sur cette rigole.Parfois poussés par la vitesse, nos pieds dépassaient la ligne d'arrivée et heurtaient les passants et on avait droit à une réprimande.On riait à toute gorge.A l'arrivée des examens(l'examen de 6ième,bac) on se précipitait au mausolée pour prier Allah de nous faciliter et surtout de réussir.On prenait le soin de ramener quelques pièces de monnaies qu'on offrait au gardien du mausolée tout en lui demandant d'invoquer Allah pour nous.On termine le plus souvent notre visite par une tassa bien fraiche d'el khassa et on imbibe nos visages et nos bras de cette eau qui détient la baraka.Merci Meskellil pour ce doux flash-back. -
- 7. Meskellil Le 05/07/2015
Bonjour Mourad, Noria, Safia,
Bonjour à tous,
Je ne vous cache pas ma propre émotion et ma joie à la lecture de vos impressions, émotions et sentiments. Et je suis très contente que cette évocation ait favorisé vos propres évocations. Du bonheur pur! Ahhh, ma chère Noria, nostalgie quand tu nous tiens en effet ! Douceur de moments de poésie, de mélodie fleurissant les cœurs et les esprits, et sentiment de regret, de manque, orphelins de ces lieux, de ces êtres, chéris et aimés qui ont rempli notre enfance, notre adolescence de leur présence, de leur amour, de leur générosité juste en étant là, vrais, simples, authentiques… Soupiiiiiir !! Je me sens néanmoins très privilégiée d’avoir vécu ces moments, cette période, cette époque même si elle n’était pas tous les jours facile.
J’ai une pensée affectueuse et pleine de tendresse pour les personnages de ces souvenirs dont certains nous ont quittés emportant des trésors inestimables avec eux… Allah yarhamhoum wa iwesse3 3lihoum.
Merci beaucoup à toi Noria, équipière hors pair attentive, réceptive et généreuse, de rehausser de ta touche artistique nos diverses expressions
Merci à vous Benyoucef ! Pourquoi ? C’est votre cri du cœur sur le devenir de la mosquée de Sidi Ahmed Benyoucef qui a été le déclencheur et qui a inspiré ce texte. Ça m’a touchée d’apprendre que le mausolée ne soit plus accessible au public alors que les travaux de restauration sont terminés, et qu’on ne sait pas quel sort sera réservé à la mosquée non plus.
Merci beaucoup à vous tous pour vos précieux retours -
- 8. Miliani2Keur Le 05/07/2015
" Un soupçon de « rébellion » pour une impression de grisante liberté. "
en Cet Anniversaire d'indépendance une voix de l'intérieur, vends "la méche", trônent aux casting Khalti Kheira et Mamma Zoulikha, pointûres dont on garde tous des répliques! puis cette virée compléte dans Sidi Hmed Benyoucef et a la sortie le même mystére ... aussi épais ... l'évocation ne céde rien, rien a la mémoire précise, hallucinée de l'infra-sociéte féminine, Indépendance bien sûr, parcequ'enfin "Risanpol" de son vrai nom social est évoquée!
texte a niveaux oû MeskEllil enfant contrôle le moindre soupir!
Date ! merci pour ce cadeau d'"Anniversaire d'Indépendance" -
- 9. kéryma Le 05/07/2015
Mekellil,
Ton récit est digne d'une oeuvre de Marcel Pagnol j'ai l'impression de vivre la même lecture! Je n'ai pas vécu à Miliana mais je transfère l'histoire à Blida lorsque ma grand-mère "djedda" et ma mère se préparaient pour aller à sidi el kebir avec les voisines les tantes etc.C'est presque pareil!!
Bravo Mesk tu es une écrivaine extraordinaire, j'ai comme l'impression qu'il reste des suites! A suivre alors!
Saha s'hourek moi c'est couscous avec raisins secs et l'ben frais. -
- 10. Safia Belhocine Le 05/07/2015
Meskellil,
Les détails sont tellement précis qu'on dirait que cela s'est passé hier!
Oui, "Dalila" avait une moustache! Il était Mozabite je crois et très fin commerçant! Sa boutique était un vrai paradis du tissu et quel tissu!
Tu m'as aussi replongée dans le rituel de Sidi Hmed Benyoucef et toutes les sensations que sa mosquée éveillait en nous!
A quand votre virée au Hammam? Je suis persuadée que tu en auras à dire sur les préparatifs de cette sortie féminine tant attendue par les femmes!
Merci! -
- 11. noria Le 05/07/2015
Que du bonheur de retrouver toute cette nostalgie milianaise, cette belle ambiance inexistante de nos jours, la joie de vivre de ces femmes… Quelle belle époque !
Pour moi ce texte est évocateur de beaucoup de souvenirs, des souvenirs heureux d’un réel à jamais révolu.
Merci Meskellil pour le partage. Merci pour ce Retour ! Un pur moment d'évasion.
Ah! Nostalgie quand tu nous étouffes !!!! -
- 12. zethos Le 04/07/2015
Bonsoir MESKELLIL ,
L' HISTOIRE QUE TU NOUS RACONTES AVEC HUMOUR ET TENDRESSE A UNE GRANDE SAVEUR ; C EST UN VOYAGE AU BORD DE L ENFANCE QUE TU NOUS FAIT DÉCOUVRIR EN REVISITANT QUELQUES
PERSONNAGES DU PASSE ( LLA ZAKIA , KHALTI KHEIRA ,MAMA ZOULIKHA etc....)
C'EST UNE DÉLICIEUSE OCCASION POUR VOGUER AU GRÉ DE L'IMAGINATION AVEC UN RÊVE ENFANCE, POUR ALLER VISITER LE MAUSOLÉE DE SID AHMED BENYOUCEF ACCOMPAGNE DE TA MÈRE LLA ATIKA, DE TA TANTE ET DE LA GENTILLE KHALTI KHEIRA QUE TOUS LES ENFANTS ADORAIENT .....
C'EST AUSSI UNE OCCASION POUR LA FAMILLE DE FAIRE UN PETIT SAUT CHEZ "DALILA" LE MAGASIN DU COIN ET LA VITRINE DU BIJOUTIER MABROUK ET ARRIVER ENFIN A BOIRE UNE EAU FRAICHE ET VIVIFIANTE DANS CE HAUT LIEU SPIRITUEL ET QUI FAISAIT PARTIE DE LA ZYARA RITUEL SACRE QUE TOUT LE MONDE ACCOMPLISSAIT AVEC FERVEUR .EN TOUS LES CAS ,
C'EST UN BOUQUET DE FRAICHEUR QUE TU NOUS LANCE ET QUI NOUS RAPPELLE UNE BELLE PÉRIODE PÉTRIE AU LEVAIN DE L'INNOCENCE LE TOUT CONTE AVEC UN TALENT DE BIEN DIRE ET DE PERSUADER ENCORE UNE FOIS MERCI MESKELLIL
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