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La mosquée de sidi Ahmed Benyoucef Histoire, architecture et traditions

Texte et photos de Benyoucef ABBAS-KEBIR

Sidi Ahmed Benyoucef

I- Introduction

Ancienne garnison romaine « Zucchabar », fondée par l’empereur Auguste en l’an 25 AV.JC sur les pentes abrupts du mont Zaccar afin de surveiller la plaine du Chélif, elle fut l’une des importantes cités de la Maurétanie césarienne.

   En 972, Abou El- Feth Bolokain Ibn Ziri  de la tribu des Sanhadja réédifia la ville médiévale sur l’emplacement de l’antique Zucchabar. Miliana devint alors la capitale politique sur une grande partie du Maghreb. Elle connut plusieurs conquêtes dont celles des Almoravides en 1081, des Almohades en 1159 et des Zianides en 1630.

   Les frères Barberousse furent leur entrée à Alger en 1516.Aroudj décida de d’étendre son autorité sur les villes de l’ouest du pays. Il s’empara en 1517 de Ténès et de Miliana qui devint ainsi le premier caïdat de la province d’Alger « Dar El Soltane ».

   A cette époque, la ville rayonnait et vivait dans la plus grande prospérité. Ceci a été confirmé par de nombreux chroniqueurs arabes et européens tels que Léon l’africain, Venture de Paradis et le docteur Shaw.

   Devenue un centre de rayonnement religieux et culturel, la ville renfermait pas moins de vingt-cinq mosquées dont huit sont assez vastes et jouissent d’un certain renom. La plus remarquable est le Djemaà El Kebir aujourd’hui transformé en salle de spectacle. Après, elles viennent les marabouts ou Zaouias de Sidi Mohamed Ben-Kassim, d'El Kali et de Sidi Ahmed Benyoucef (1), que nous allons étudier d’une manière exhaustive pour mettre en valeur l’intérêt historique de cet ensemble architectural.

II- Biographie  du  saint  sidi  Ahmed  Benyoucef

   Sidi Ahmed Benyoucef, grande figure mystique, thaumaturge réputé et homme politique a été considéré depuis longtemps comme l’un des saints les plus populaires de l’Afrique du nord.

   D’origine sans doute Zénète, il naquit à la Qalaà des Beni Rached non loin de Mascara vers l’année 1436. Il appartenait à la tribu des Beni Merin de la grande famille des Hawara. Le nom complet du saint est Abou El Abbas Sidi Ahmed  El-Merini (par sa race), El Houari (par l’habitat), El Rachidi (par le lieu de naissance) El-Meliani (par décès) fils de Mohamed, mais communément appelé Sidi Ahmed Benyoucef (1).

  Grâce à son savoir fort étendu et à sa sagesse profonde, il exerça au Maghreb une grande influence. Son meilleur maître fut Hadj Zerouk El-Barnoussi de Bejaia qui l’affilia à la voie de la Chadhilia. Sa zaouia, installée alors à Ras-El-Ma, comptait plus de 80.000 disciples.

  On attribua à Sidi Ahmed Benyoucef des miracles et des  dictons satiriques  souvent peu indulgents qu’élogieux à l’égard des différentes villes et tribus

Il dit par exemple à propos de Miliana :

  • Miliana ! Erreur et renommée
  • De l’eau et du bois
  • Les gens y sont jaloux
  • Les femmes y commandent
  • Et les hommes y sont prisonniers

Il joua un rôle politique lors de la décadence du royaume de Tlemcen de l’ascension des turcs et de l’occupation espagnole.

   A cet effet, il incarnait le soulèvement des masses magrébines contre la menace étrangère l’abus du pouvoir central en se ralliant avec les frères Barberousse (2). Il fut persécuté par les souverains de Tlemcen et Abou Hamou (1518-1526), le fit arrêter et le condamner à mort. Il dut son salut à la pression des tribus au sein desquelles sa popularité était considérable.

    Sidi Ahmed Benyoucef mourut en voyage à Kherba en 1524, conformément à ses dernières volontés, sa dépouille fut attachée à sa mule et enterré là où elle s’arrêta à l’entrée de de la ville de Miliana.

III- La mosquée de sidi Ahmed Benyoucef

  1- Situation:Escaliers

Le choix du site selon la légende a été désigné par la mule du saint de Sidi Ahmed Benyoucef et non par les habitants.

La mosquée de Sidi Ahmed Benyoucef, comme ensemble architectural est située au centre du quartier Nord-Ouest de la ville de Miliana au croisement des rues de Medjdoub Ahmed de Benchaabane Abdelhafid et des frères Ouel Dren.

   2- Date de construction :

Le premier noyau a pu être  dressé vraisemblablement cinq ans après la mort du thaumaturge soit en 1530. Plus tard, trois inscriptions portant des dates de construction différentes ont été retrouvées in situ, dont voici les indications :

      Dermenghem mentionne l’existence d’une inscription trouvée à côté du mausolée indiquant que l’édifice a été reconstruit 1143/1731. Au-dessus de la porte d’entrée, une inscription ciselée dans le marbre (1) indique l’année 1174/1760, date de la rénovation de la porte du sanctuaire.

       Enfin, une autre inscription qui a servi pour inauguration est inscrite la date de l’achèvement de la construction du centre cultuel en 1192/1774 (2). Œuvre réalisée aux frais de Mohamed El Kebir bey d’Oran (1774-17794), et par un descendant du waliy renommée EL-Khaladi, ancêtre de la famille Benmiloude de tyut et de Ain Sefra. (3)

         Après, d’autres annexes comme la mosquée, les chambres d’hôtes sont venues se greffer au sanctuaire d’une manière progressive et parfaite durant la période de la conquête coloniale.

   3- Description du monument :

En raison de la rareté des ouvrages consultés, la description qui suit est une étude bibliographique assez succincte, toutefois elle permettra de mettre en évidence l’aspect authentique de l’édifice.

         Le centre architecturale de la mosquée de Sidi Ahmed Benyoucef est composé d’une mosquée- mausolée ou enterré le saint, (premier noyau) cimetière réservé aux descendants du saint.

         Le sanctuaire, adossé à la mosquée s’élève comme elle sur terreplein, auquel on accède d’un côté par un escalier, de l’autre par une rampe que peuvent gravir les bêtes. Un couloir mène à une cour ou pousse un noyer (1). Au centre, la vasque d’une fontaine, (dite EL-KHASSA) jaillit sans cesse une eau limpide et fraîche d’une exquise saveur (2).Trois cotés sont fermés par double étage de galerie sur lesquelles s’ouvre des chambre, la quatrième par salle funéraire (3).

   a) Le mausolée : 

En contrebas, une longue pièce basse aux murs barbouillés de henné et de cire de bougies fait office de la tombe de « Lala Beghoura » servante noire découverte de Sidi Ahmed Benyoucef.

         Le mausolée, pure construction turque, occupe la galerie sud dont la façade de l’entrée est harmonieusement décoré de carreaux de faïence .La vaste salle est couverte d’une coupole recouverte de tuiles vertes. Percées de lucarnes pour diffuser la lumière, son intérieur est peint en tranches rouge, jaune et vert. (4).

        La coupole  repose  sur huit colonnes torsadées soutenant des arcs outrepassés (5) .Les murs de la salle, ornés de céramique, de tissus et d’inscriptions religieuses, sont pourvus d’un mihrab de niches et de fenêtres barreaudées .Au centre se dresse le catafalque du saint homme élevé en bois sculpté et enveloppé dans de riches étoffes.

        En contrebas, une longue pièce basse aux murs barbouillés de henné fait office de la tombe de Lalla B’ghoura, servante noire de Sidi Ahmed Benyoucef.

A l’extérieur, et l’angle Sud-Ouest du patio part un couloir qui conduit vers une tombe assez mystérieuse fermée par une mince cloison percée de quatre trous d’une largeur suffisante pour le passage du pied ou de la main.

Derrière, succède une pièce obscure ou la mule de Sidi Ahmed Benyoucef est enterrée .Ces ouvertures permettent la distribution de poignées de grains d’orge, le passage des mains et des pieds à guérir (1).

         En plus du cimetière, l’ensemble du sanctuaire est parsemé de sépultures des descendants du saint ainsi que des ancêtres et des proches dont certaines tombes ont été détruites par l’armée française (2).

   b) La mosquée 

Construite à une date plus tardive à celle du mausolée et de la zaouïa, la mosquée a été légèrement mutilée à cause du percement de la rue Mogadon (actuellement Medjdoub).Elle occupait l’emplacement de la parcelle n°484 (1844) ou n°320 (1867) (3).

         Dès la prise de Miliana en 1840, les soldats français transformèrent ses lieux en hôpital puis en casernement selon leurs besoins .Ainsi la mise sous séquestre de l’édifice dura peu de temps .Il fut remis aux autorités religieuses et rendues de culte. (5)

         Occupant une bande relativement étroite entre l’ensemble architectural et la rue Medjdoub Ahmed, la mosquée avant son extension actuelle, comptait Sept travées et sept nefs perpendiculaires à la Qibla. Il est difficile de distinguer les limites de l’ancien et du nouveau bâti car les murs et les organes de support ont été remaniés plusieurs fois. Quant au minaret, il revêt un cachet typiquement maghrébin.

   c) Le foundouk :

Une grande partie du centre cultuel est réservée aux chambres d’hôtes situées au niveau des galeries du patio. Quant à la cour du côté opposé après Lalla Beghoura, appelé « foundouk » est occupé par les Ghnanma (les Khodams du saint) fraction de la tribu arabe  de l’oued Saoura au Sud de Beni Abbés sur la route du Touat (4). C’est une vaste cour bordée de galeries soutenues de piliers ou s’ouvrent des chambres et des écuries. D’après son architecture, il est probable que ce lieu a servi de maison d’hôtes à une certaine époque de l’histoire de cet édifice puis il a connu des transformations durant l’occupation française .pour être reconverti en caserne (6) et hôpital militaire et recevoir les blessés lors du siège de Miliana 1840.

Cet espace qui reste un lieu un peu réservé, était aussi  destiné aux pèlerins qui venaient chaque année  y résider  pour se charger des préparatifs du grand pèlerinage du Rekb des Beni Fat’h (Voir chapitre)…

L'ENTRÉEL'ENTRÉE

PATIOP A T I O

MAUSOLÉEMAUSOLÉE

GALERIEGALERIE

PATIOP A T I O

LABGOURALABGOURA

 

 IV- Poésie populaire autour de la mosquée de sidi Ahmed Benyoucef

Voici quelques extraits de poésie populaire écrits par des poètes et chantés par des femmes venues des régions d’Alger de Blida et de Médéa en l’honneur de Sidi Ahmed Benyoucef patron de Miliana.

زور سيدي احمد بن يوسف

وبات مليانة داخله

قوم قبل طلوع الغرار

واوعد المدفون في زكار

زورو وادخل عند الدار

وعدته لا بد تعطيها

 (قصيدة للشيخ بن مسايب)

ياربي رضيه علينا, بوطيبة مولى وزان

ياربي علينا, بوطيبة حرام الديوان

كيف وصلنا لمولى ساكة رجالة و انساء تتباكى

رجالة و انساء تتباكى بالدمعة و قلوب حنان

 

ياربي رضيه علينا: بوطيبة مولى وزان

يا ربي رضيه علينا:بوطيبة حرام الديوان

كيف وصلنا لمولى الارض الحمراء , مغلوثين راجل و مرا

لا شمعة لا ضي القمراء,ارجاو ا القاصريا زيار

 

يا ربي رضيه علينا, بوطيبة مولى وزان

يا ربي رضيه علينا, بوطيبة حرام الديوان

كيف وصلنا للعدية, صلات الخلق الكلية

رقبنا من راس الكدية , بن يوسف من البعد يبان (1).

قرانا نبغيك يا مولى مليانة

انجيك انجيك يا قبة للا

قلبي يبغيك يا شباح مليانة

قبة و فراح علىمليح الملاح

ترى و ترتاح راتزول الهنى

قبة و اسحين و اعراش اوياسمين

الامياه اتسيل اتروي العطشان

شوفو ما صار على احمد

دخلو الزيار و القبة مليانة

يا بن عمار اجي ليلة تبات

زهوروسجيرات و اخصاين مرمية

زهور و اقطوراتو حصاير صارية

انجيك انجيك مولى القبة انجيك

وانا نبغيك يا مولى مليانة

قبة و ازرار على احمد بولزرار

على الزيار ساكن مليانة

قبة و زهور شمع جاوي و ابخور

.مليانةاسترتشفي المضرور

Commentaires

  • Yacine
    • 1. Yacine Le 09/08/2019
    Bonjour Monsieur,
    J'ai lu avec un immense intérêt ce que vous avez présenté et cela me pousse décidément à visiter Meliana, cette ville à qui je m'intéresse de loin au même titre que les autres villes Algériennes comme Cherchel, Dellys, Kolea, Medea et cachent encore un trésor inestimable de notre histoire.
    Merci pour vos efforts.

    Cordialement

    Yacine
  • origine
    • 2. origine Le 15/07/2015
    Je suis même avis que zouaoui, de plus ya aussi Sidi Belgacem qui reste tout autant méconnu !
  • Zouaoui Mourad
    • 3. Zouaoui Mourad Le 09/07/2015
    L HISTOIRE DE CET EDIFICE RELIGIEUX QUI ABRITE LA SEPULTURE DE SID AHMED BENYOUCEF EST RICHE MAIS MECONNUE CE QUI NECESSITE A MON HUMBLE AVIS, UNE ETUDE POUR SA RESTAURATION POUR LES MURS D ENCEINTE SON JARDIN ET SON PATIO CENTRAL AVEC UNE EXTENSION DE SON ECOLE CORANIQUE .
    UN INTERET PLUS SERIEUX DEVRA ETRE CONSENTI PAR LES AUTORITES PUBLIQUES POUR VALORISER DAVANTAGE CE LIEU SPIRITUEL PHARE DE L ISLAM MODERE ET DIFFUSANT DES VALEURS TOLERANTES DANS TOUTE LA REGION .........

    mourad
  • ferhaoui
    • 4. ferhaoui Le 09/07/2015
    bonsoir cahha f'torkom dans tous les cas merci beaucoup ya benyoucef pour ce papier utile et intéressant sur l'histoire de la mosquée de sidi ahmed benyoucf. au reste,.oui,! je partage les remarques de notre ami djillali à mon tour de faire d'autres remarques d'ordre technique , artistique et historique ainsi j 'ai remarqué et meme effaré par ce qui a été fait : c'est grave les émaux qui ornaient les espaces ont été remplaces par des carreaux de cuisines il est dommage chez nous de se contenter uniquement de ce que on p appeler " operation tape à l'oeil! l'ami ferhaoui, oran.
  • Deghrar Djilali
    • 5. Deghrar Djilali Le 08/07/2015
    Cher Benyoucef,

    Avant tout bessaha ftorek wa siamek et toi et à tous les anciens élèves du lycée Mustapha.Ferroukhi.

    Permettez moi de te dire que tu nous as vraiment mieux et adorablement fait visiter l'intérieur de la mosquée de sidi Ahmed Benyoucef et merci beaucoup

    Malheureusement, aujourd'hui on assiste et on accorde beaucoup d'importance aux éphémère qui ne valent pas un clou par contre des sites comme ceux là méritent non seulement le respect,la considération parce que ce sont des lieux qui nous rappellent notre passé, notre histoire et surtout d'où nous sommes venus .

    Merci encore Benyoucef, les choses vétustes et non rafistolés par qui de droit m'ont vraiment choquées.Je crois que c'est une insulte à notre conscience et à notre existence.

    Excusez moi cher Benyoucef d'être un peu critique envers ces personnes mais je ne peux m'empêcher de constater des carences comme celles là et me taire.

    Je m'excuse encore une fois et bessaha ftorkom sans oublier Noria et son équipe qui nous font rêver à tout moment et tout le temps.

    Djilali
  • Meskellil
    • 6. Meskellil Le 08/07/2015
    Bonjour Benyoucef,

    Benyoucef, merci infiniment pour cette présentation complète de la mosquée de Sid Ahmed Benyoucef que j’ai lue avec beaucoup d’intérêt et de plaisir. Bien sûr, des photos de la mosquée sur le net ne manquent pas, mais celles-ci me semblent avoir plus de proximité et restituent certains aspects que je n’ai pas vus sur d’autres photos. Je vois aussi que ma description des lieux n’a restitué que très partiellement la complexité de ce magnifique ensemble architectural. M. Mohamed avait raison, il n’y a qu’une seule rigole toboggan aux escaliers extérieurs, et l’arbre du patio n’est ni un citronnier, ni un oranger, et puis il y a une foule d’autres détails tels la porte d’accès extérieure, ou celle de l’accès à la sépulture de Sid Ahmed Benyoucef qui me sont revenues en mémoire. Et la salle de Lala Bghora !! C’est la première fois que je la vois éclairée, et elle ne ressemble pas du tout à celle de mon souvenir qui reste de toute manière obscure, donc impossible à décrire. C’est l’atmosphère qui imprégnait les lieux dans leur ensemble et qui est restée intacte en moi, qui m’a permis d’en parler.

    Benyoucef, à nouveau merci vraiment du fond du cœur pour cette belle présentation, documentée, détaillée, exhaustive, pour les photos magnifiques émouvantes qui introduisent au cœur des lieux, pour l’émotion de retrouver certains détails complètement oubliés tels les couleurs des portes d’accès au catafalque
    Allah yatik essaha Benyoucef, wyakhlaf 3lik. Kima ferahtni, Allah iferhek nchallah

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